Matthieu M. 24/05/2017

Sexisme : l’université toujours pas épargnée

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Humour grivois, propositions douteuses, gestes déplacés... la fac n'échappe pas au sexisme. J'en en ai été le témoin. Jeune syndicaliste, j'ai cherché à faire bouger les lignes... Pas si simple.

Quand tu étudies à la fac, à un moment ou un autre, tu te retrouves confronté au sexisme.

C’est lorsque je me suis mis à écrire sur les inégalités genrées que j’ai pris conscience de l’ampleur du problème.

Une fois cette prise de conscience faite, la multiplication des démonstrations de sexisme t’aide à ne pas oublier. Et puis il y a les témoignages… Des doctorantes qui te font cours et qui te disent qu’elles reçoivent des mails libidineux des professeurs (parfois leur directeur de thèse), parfois ce sera « juste » des remarques sexistes entendues dans la bouche d’un professeur sans complexes en plein amphi. Un doctorant viré parce qu’il a surpris son directeur de thèse embrasser une autre doctorante. Une amie qui te dit que son directeur de mémoire ivre a essayé de la retenir chez lui et s’est montré « tactile » (le rendez-vous étant censé être un rendez-vous purement professionnel).

Alors toi, face à tout cela, quand tu es syndicaliste, tu essaies de jouer ton rôle, tu fais remonter l’information au Conseil d’Administration en demandant à ce que des mesures soient mises en place : une mission promouvant l’égalité et une autre luttant contre le harcèlement sexuel. Ces mesures sont obligatoires dans les universités, il n’y a juste pas de date butoir pour leur création.

La direction te dit que ce sera mis en place à la fin de l’année scolaire ou en septembre au plus tard.

Toi, tu découvres, tu es naïf, tu crois à leur bonne foi… Tu attends.

Indifférence, incompétence ou complicité…

À la rentrée suivante, tu as reçu encore plus de témoignages, mais il n’y a toujours pas de missions.

Tu n’oses pas transmettre les témoignages au conseil puisque les collègues des harceleurs y siègent. Alors tu relances et tu mobilises ton syndicat : tracts, affiches, conférence/débat, campagne de pétition monstre pendant des mois…

Les étudiants, les administratifs et un grand nombre de professeurs soutiennent la démarche.

Quand tu déposes les 3000 signatures au conseil, tu es surpris. La direction a déjà tout lancé, ce n’est plus qu’une question d’un ou deux mois, tout au plus. Après avoir passé un temps absurde à parler avec tous les acteurs possibles de l’université, milité plus qu’étudié, entendu les témoignages les plus déprimants ou rageants, ainsi que les propos les plus sexistes possibles, tu vois enfin la fin du tunnel.

Tout ça valait le coup, on a réussi collectivement à faire bouger les choses !

Sauf que non, rien, rien de rien de rien. Aucune mission n’est mise en place. Moi, j’ai fini mes études et je ne suis pas surpris d’entendre les mêmes excuses que la présidence donne à celles et ceux de mon syndic qui ont pris le relais : « Ça prend du temps » ; « Il ne faut pas brusquer les choses et que ce soit mal perçu » ; « Il ne faut pas abîmer l’image de notre université » ; « Il faut réussir à mettre tout le monde d’accord »…

Vient le moment où tu ne sais plus si c’est de l’indifférence, de l’incompétence ou de la complicité. Cela fait trois ans maintenant que, pour la première fois, je demandais à ce que ces missions soient mises en place.

J’ai eu le temps d’obtenir deux diplômes sans que les plus grands esprits de la Nation ne mettent en place des missions visant simplement à ce que plus de la moitié de la population étudiante (les étudiantes donc !) puissent étudier sans risquer de subir des propos ou des violences sexuels.

Maintenant que se multiplient les tumblr tels paye ta fac ou paye ta recherche dénonçant le sexisme dans les facs, je veux quand même espérer que cette situation peut changer.

 

Matthieu, 25 ans, étudiant, Paris

Crédit photo CC École polytechnique – J.Barande // Flickr

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