ZEP 05/12/2017

Le goût de l’engagement

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Au lycée, j'étais de toutes les manifs et j'expliquais les réformes aux autres lycéens. Puis à Sciences Po j'ai repensé aux raisons de mon engagement.

Mon goût pour l’engagement, c’est une histoire de famille. Impossible de dire que je n’ai pas été influencée par les opinions de mes proches. Petite déjà, je marchais à coté de mes parents dans le cortège des enseignants. Ou plutôt je trainais les pieds, sans savoir où on allait, et pourquoi on était là. Ce n’est que plus tard que ma conscience politique s’est peu à peu éveillée.

Grâce, ou à cause, de mes parents encore une fois. A la maison on discute souvent d’actualité. Les jeunes récemment entrés dans la vie active ou proche de la fin de leurs études ont généralement pour référence commune le CPE. Ce n’est pas mon cas. En 2005, je n’étais qu’en 3ème et mon unique souvenir de ces quelques semaines de grève est celui de vaillants collégiens appelant au blocus en solidarité avec les lycéens. Ce qui bien sûr n’est jamais arrivé.

De ma première manif…

Ma première manifestation, c’était en classe de seconde. Les « grands terminales » organisaient la résistance contre les suppressions de postes. C’était marrant, une bonne excuse pour ne pas aller en cours. Petit à petit, le fait de participer à une grève, la rencontre avec d’autres lycéens engagés m’a fait prendre conscience des enjeux réels de l’engagement.

Aujourd’hui 5 décembre, des millions de salariés et étudiants sont appelés à faire grève contre la réforme de retraite à venir.

La réforme du lycée en cours ce n’était pas juste une réforme administrative. Elle s’inscrivait dans un paradigme libéral que je pensais néfaste au développement et bonheur humain. Avec d’autres, j’ai repris le flambeau des « terminales » Nous avons perpétué la tradition des banderoles, AG, blocus et défilés. Nous avons repris les slogans que nos aînés avaient imaginés.

Au-delà du folklore, l’engagement est devenu à mes yeux presque obligatoire. Sans aller jusqu’à s’encarter, ce qui est vraiment important c’est de se forger une opinion et de la défendre. S’intéresser au monde, à la politique. J’étais tellement sûre d’avoir raison que ça m’était impossible de concevoir que tout le monde ne pense pas comme moi, à gauche.

… aux premières désillusions

J’ai essayé de faire de la pédagogie autour des différentes réformes du lycée qu’on a combattues, histoire de lutter contre l’idée selon laquelle les lycéens manifestent pour sécher les cours. Je me suis faite élire représentante au CA du lycée pour essayer de porter des projets en faveur des lycéens comme ne plus avoir à payer le bus pour se rendre en cours d’EPS. Bien sûr, mes ambitions ont vite tourné court. J’avais peut être convaincu certains lycéens, mais la plupart restaient sans conviction.

C’est à la fac qu’Ilona est devenue militante. En 2018 elle a participé aux protestations étudiantes à Nanterre contre la loi Vidal qui avait pour but de créer ParcourSup’. Une révélation personnelle qui lui laisse encore un goût amer…

Après le lycée, je me suis laissée convaincre que l’engagement c’était le syndicalisme étudiant. Un syndicalisme qui mène des batailles collectives pour les droits des étudiants et de la jeunesse, et qui sait aussi défendre chacun individuellement. La déconvenue a été cruelle. En réalité, le syndicalisme étudiant c’est l’antichambre des jeunes loups de la politique. Ceux qui sont compétents et qui ont les dents longues, ceux qui sont déjà compromis jusqu’au cou et travaillent à la récupération progressive des cellules locales du syndicat pour leur propre organisation politique. Les luttes de pouvoir internes gangrènent le syndicalisme étudiant. Il est vieillissant voire conservateur et mène des combats parfois corporatistes. La situation ne s’améliorera pas car, malgré elles les nouvelles recrues sont formées pour perpétuer ce mode de fonctionnement. J’ai joué le jeu un temps, et puis je me suis lassée. Faire de la politique politicienne, ça ne m’intéresse pas.

Seule l’action collective peut venir à bout d’un combat

Alors l’engagement dans tout ça ? J’ai toujours mes convictions. Je reste persuadée que seule l’action collective et le principe du rapport de force peuvent venir à bout d’un combat. Agir à son échelle, c’est bien pour sa conscience, mais ça n’a pas d’impact. Alors que reste-il ? La parole. Faute de mieux, pour combattre une idéologie, élaborer une contreculture… Discuter, échanger, convaincre, pas besoin d’organisation pour ça, seulement de bonnes lectures !

 

Chloé, étudiante à Science Po, Grenoble

Crédit photo Unsplash // CC Chris Slupski

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