Celine B. 05/10/2016

Comment je me suis « disputée » avec ma vie d’artiste

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Céline a toujours évolué dans un univers de spectacle, partageant avec ses parents, les amis de ses parents et ses amis, le goût prononcé pour les tablées nocturnes, les débats esthétiques sans issues et les concerts improvisés. Le métier de chanteuse n’a toutefois pas été une improvisation pour elle.

 En insatiable touche à tout, j’ai dansé pendant 10 ans, fréquenté un petit cours de théâtre, suivi la classe d’arts plastiques de mon lycée, pris des cours de piano et de guitare avec des amis.

A 15 ans, je me rêvais réalisatrice et voulais mettre en image des sons dans des vidéoclips.

Plus tard, avec Enzo, un ami guitariste, et des copains, nous avons monté une sorte de revue poétique « l’angle poétique » dans laquelle nous nous exprimions chaque mois comme dans une tribune, ainsi qu’un groupe de rock « Mad Years » conçu dans les premières heures de la crise boursière.

Et puis à 18 ans, je me suis lancée à corps perdu en philosophie, un peu par hasard, un peu par curiosité aussi.

Tout ceci, je le sais maintenant, m’a aidé à affirmer mon désir de pratiquer l’activité que je préférais faire depuis petite. En 2011, je me décidais à m’inscrire dans un cours de chant à l’Ecole Atla (18ème), lieu où j’ai pu véritablement commencer mon travail de chanteuse en atelier jazz auprès Isabelle Carpentier.

Là-bas, j’ai découvert mille et un personnages de talent, aux horizons musicaux divers et réjouissants qui me réveillaient sans cesse (Océane, Arthur, Nirina, Jerry, Rémi, Eva, Tristan, Jules, Camille, plus tard Vladimir, Suzanne, Laurent… pour ne citer qu’eux).

Cela n’a pas été une surprise pour ma mère quand je lui ai timidement avoué  mon désir de chanter. Mon père, lui, s’inquiétait et cherchait à nier ma vocation. Son prétexte : la difficulté du métier.

La voix, expression sincère de l’émotion

La voix, celle qui, porteuse de sons, de cris, permet de nous évader hors de ce carcan primitif qu’est le corps, est aussi paradoxalement celle qui dans un accord natif, un simple murmure, nous trouve. La voix… Nous sommes nombreux à la posséder mais c’est seulement lorsque l’on en est privé que l’on se rend compte de son pouvoir et à quel point elle nous fait du bien…

Elle est avant tout l’expression sincère et contrariée de l’émotion, prise dans le flot continu des musiques qui l’entourent.

En revenant sur mon parcours, je prends conscience que cela fait maintenant 10 ans, (bien avant que je décide d’en vivre), que je travaille avec des gens, que je pense musique.

Je me remémore toutes ces personnes avec qui j’ai eu de plus ou moins longues expériences musicales.

Je me souviens de toutes ces discussions avec les « philomen contrarié» à la fac, Charlie et Lou, de ces endroits incertains où nous allions nous risquer en jam une à trois fois par semaine et des soirées improvisées qui s’en suivaient.

Je repense à cette rupture aussi, si décisive quant à mon choix de faire de la musique.

Aujourd’hui, j’élargis toujours mon panel en travaillant sur des projets différents (musique de film, sextet vocal, beatmaking).

Actuellement, je suis toujours au conservatoire avec Sara Lazarus et j’ai toujours envie d’apprendre.

Je travaille depuis maintenant deux ans sur un projet jazz mettant en avant les interactions rythmiques et harmoniques de 3 voix féminines : Selkies.

« C’est bien, tu n’as pas laché ! »

J’ai également à coeur de développer mon projet personnel, mélangeant mes diverses influences folk, deep soul et jazz, en mêlant cela au français trop souvent délaissé.

Pour moi, chanter est un engagement : chanteurs, musiciens, acteurs, nous devons performer sur scène ce que nous pensons, ressentons. Faire ce métier de spectacle, c’est un combat de tous les jours, une remise en question perpétuelle puisque l’on est sans arrêts confronté à soi, à ses qualités comme à ses limites. C’est une sorte de dissertation infinie à résoudre dans l’instant.

A vrai dire, il faut se faire ultraviolence, être bon juge et bon joueur à la fois. Tout le travail scénique est là : contrôler sans avoir peur de perdre et laisser aller.

Certes, je n’ai pas été au conservatoire étant enfant, je n’ai pas gagné ce temps précieux qui permet à d’autres de composer la musique et de savoir l’expliquer. Mais c’est ce qui a fait mon parcours dense, multiple, fait de rencontres incroyables, qu’on pourrait dire « écrites » et qui ont satisfait ma soif de curiosité.

Lorsque je suis entrée en licence de philosophie, j’ai su prendre le temps de m’interroger sur le monde qui m’entourait et j’ai pris alors la décision de faire de la musique.

Ce n’est qu’à ce moment précis que j’ai mesuré le sens de s’engager.

Parfois, l’évidence se fait patiemment attendre, et cela me fait plaisir d’entendre ceux qui me connaissais plus jeune, me dire avec nostalgie : « C’est bien, tu n’as pas lâché, tu chantes, tu fais ce que tu as toujours voulu faire. »

J’essaye simplement de traiter mon rêve d’enfant avec patience et respect, et je tente de lui donner une place plus réelle chaque jour.

 

Céline Boudier, 24 ans, chanteuse, prof de chant, Paris

Crédit photo Gratisography

 

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