Omar B. 24/07/2017

Un étudiant en finance peut-il rêver de changer le monde ?

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La filière S ouvre plus de portes aux étudiants, tout comme la prépa, et la fameuse école de commerce. Et c'est bien non ? Mais des portes sur quoi ? Moi, j'ai comme une envie de changer le monde.

Le temps passe vite, mec ! Plus que quelques mois, puis ciao les études ! C’est quoi le plan après ?

On va bosser dans la finance. Dans la fusac si possible.

C’est quoi la fusac ?

C’est permettre à des grosses boîtes de devenir plus grosses. En achetant d’autres boîtes. Parfois, c’est dans l’intérêt du consommateur, parfois, c’est tout le contraire et c’est plutôt déprimant. Mais c’est un secteur qui recrute ! Et puis, trois ou quatre ans et ce sera plié… On bossera ailleurs ensuite pour nous racheter !

Trois ou quatre ans à raison de soixante-dix heures par semaine, t’as perdu la tête mon gars ! Comment on en est arrivé là ?

Tu le sais bien. La finance, c’est la voie royale quand t’es en école de commerce.

Et pourquoi on a fait une école de commerce déjà ?

Ça ouvre toutes les portes, surtout après une prépa.

Pourquoi avoir fait une prépa alors ?

C’est la voie royale quand t’as fait une S…

Mais pourquoi une S ?

Parce que ça ouvre toutes les portes ! Tu m’emmerdes avec tes questions à deux balles.

Voilà, on peut se le dire tout haut maintenant : t’as 23 ans et t’as pas encore été foutu de te poser la question de ce que tu vas bien pouvoir faire de ta vie, à part collectionner des titres de CV racoleurs ! A force de ne pas te fermer de portes, tu t’es retrouvé dans un couloir qui n’en finit plus, et qui pue malgré les luminaires design ! Un chemin tout tracé par des RH en manque de clones pour remplacer leurs stars en dépression ou en quête de sens. Ils te disent que ton poste sera «stimulant», que tu vas bosser avec des gens “smart” et surtout qu’ils vont faire de toi “une machine de guerre” au taff, quel que soit le taff. Mais ce qu’ils ne te disent jamais, c’est “pourquoi” tu fais ce que tu fais. Enrichir des entreprises à tout prix, moi je te le dis, ça ne te fait pas lever le matin, surtout après les deux bouteilles que t’as sifflées la veille avec les vieux potes d’école, qui ressentent le même vide sidéral que toi.

Et tu sais ce qu’est le plus con dans cette histoire ? C’est que des gens brillants se retrouvent dans ses postes “stimulants”, alors qu’il existe des milliers de jobs qui contribuent au bien commun, jour après jour, dans des entreprises tout à fait rentables, jeunes, innovantes… sexy quoi ! Ca devrait être ça la magie du capitalisme ! Une main invisible qui ne fait pas de doigt d’honneur aux plus fragiles, du profit qui crée de la valeur partagée, des intitulés de postes comme : développeur d’énergies renouvelables citoyennes chez Enercoop, tisserand de lien social chez Kawaa, promoteur de l’accès à une agriculture respectueuse de l’environnement chez Biocoop, financeur d’initiatives qui ont du sens chez la Nef, et j’en passe. Et dire que de vrais talents ratent ces postes juste parce que les recruteurs nouvelle génération ont mieux à faire de leur argent que de s’acheter une image de métiers “smart” ! Pourtant, entre vendre de la lessive et lutter contre le changement climatique, c’est quand même pas compliqué de comprendre ce qu’est le plus enthousiasmant pour un jeune diplômé ! Euh personne dans la famille vend de la lessive, si ?

Si, tonton H…

Bon, fais pas tourner l’article tel quel aux couz’ alors… Mais ça n’empêche : qu’est-ce qu’on attend pour changer le monde ?

 

Omar, 23 ans, étudiant diplômé d’une école de commerce, Paris

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7 réactions

  1. Bien sûr qu’il peut rêver de changer le Monde, par contre après faut se donner les moyens pour faire de ce rêve une réalité, car c’est bien beau de parler mais ce qu’il est préférable de faire c’est d’agir.
    En tout cas les paroles sont très profondes, je rêve moi aussi de changer le Monde, c’est les gens déterminés qui marquent l’histoire.

  2. Coucou à tous,

    Je vous recommande ce chouette MOOC d’HEC, pour devenir entrepreneur du changement:
    https://www.coursera.org/learn/entrepreneur-changement
    😉

  3. Hey !
    Moi aussi je suis en école de commerce.
    Moi aussi j’ai envie de changer le monde, je suis intéressée par l’entrepreneuriat social et l’écologie ou alors j’essaye d’adapter mes valeurs aux quelques petites choses que me permet l’école de co dans ce sens-là. En effet, je veux que ce que je fasse ait du sens et soit utile, je me fous du fric, j’aimerais vivre sans d’ailleurs. Mais voilà l’entrepreneuriat social me permet de mettre en cohérence mon parcours et mes valeurs. Autrement dit, la voie que j’emprunte est difficile et finalement même si tu bosses pour un projet social tu te retrouves quand même à faire de la compta ou de l’excel pendant des heures devant ton PC. Personellement, certes je veux bosser pour un truc qui me plaise mais aussi exercer un taff que me plaît, ou je kiffe ce que je fais, ou j’ai du contact humain. Après certes, je ne suis qu’une personne et je suis loin d’avoir tout vécu, et d’autres élèves d’école de commerce diront autre chose. Mais bon les jeux de rôles, les obligations, la mentalité, etc. des gens en école me correspond absolument pas ; certes je m’y suis fait d’excellents amis, qui se comptent sur les doigts d’une main, et les autres je veux plus en entendre parler. Si vous hésitez et que vous aimez ce dont je vous parle, pourquoi opter pour une école de commerce ? C’est super cher, c’est “rentable” quand tu fais les professions classiques certes (encore que, moi j’ai de la chance j’ai pas de prêt mais quand tu sors avec un prêt au cul à 22 ans, super la liberté quoi… ta vie s’enclenche, tu te fous dans un taff de merde à Paris, tu te retrouves bloqué, tu rencontres ton mec/meuf tu as des gosses tu investis et t’endettes encore et t’achète une maison et fin), mais tu apprends principalement du vent. Qu’est-ce aue t’apprends en école ? Fais un DUT tech de co ou un truc du genre si tu veux apprendre en pratique comment on fait du commerce. Certes ça te permet d’aller à l’étranger mais la fac aussi. Ca te fait un “plus” sur ton CV, ça c’est clair mais il y a aussi de bonnes facs, écoles d’ingé ou autre chose qui t’apporte ce “plus”.
    Je vais pas dire que je regrette d’avoir fait mon école de commerce parce que c’est fait, et le destin en a voulu ainsi, et je le considère comme un défi, d’être dans un milieu avec des gens différents. Mais ce que je veux dire c’est que vous avez le choix, l’école de commerce n’est absolument pas la seule solution pour avoir une belle carrière et faire quelque chose de “social” ou “d’utile” à proprement dit.

    Désolée pour le pavé mais j’avais besoin de m’exprimer !

  4. Hum, oui, sauf qu’on a beau avoir des caractéristiques littéraires, on gère en parallèle histoire, économie, sociologie et maths, et ça, ça se vend beaucoup mieux aux grandes écoles et universités …
    Ceci dit, la littérature et la philo, ça t’apprend quand même à remettre en cause ou à réfléchir et argumenter ( savoir parler, écrire de façon efficace) : je pense particulièrement à l’étude des pamphlets.

    C’est ce que tu vas faire pour ta part : c’est à dire ?
    J’envisage l’école d’économie du développement de Clermont-Ferrand, mais à vrai dire, j’ai assez peur de me retrouver dans un truc un peu… cliché du gentil blanc qui va aider les petits enfants du Sud.
    Quand aux écoles de commerce…. ?

  5. enfin, par plus “sociaux”, je veux dire plus orientés vers l’humain quoi.

  6. En littérature, ça “pue” déjà moins si tu vois ce que je veux dire, même si j’avoue que niveau utilité concrète par rapport aux problèmes sociaux, humains ou environnementaux, on n’est pas très utile. En hypokhâgne, il est encore temps pour toi de t’orienter plus tard vers des métiers plus sociaux, en choisissant un master adéquat par exemple. C’est ce que je vais faire, pour ma part.

  7. Je suis en hypokhâgne BL, prépa, pas classique mais prépa quand même, et je me pose la même question…
    En passant, si vous connaissez des cursus un peu plus spécialisé éthique je suis preneuse…

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