Marie-Amandine F. 03/03/2015

Ces gestes et ces mots qui nous harcèlent

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Le harcèlement de rue, on en parle de plus en plus. Qu'il soit violent ou « simplement » dérangeant, il est présent dans la vie d'une majorité de personnes, et surtout les femmes. Moi, je ne supporte plus !

Harcelement de rue

Peu de femmes de ma connaissance (aucune en fait !) n’ont pas subi de harcèlement dans la rue, dans les transports en commun, les supermarchés, les cinémas, etc. Je n’habite pas à Paris, mais dans toutes les villes où j’ai pu vivre, j’ai déjà senti le problème !

Aujourd’hui, une femme ne doit pas se faire belle : ce serait un appel aux compliments, voire plus. Elle ne doit pas porter certains vêtements, sinon « après, qu’elle ne vienne pas se plaindre si… »

Elle ne doit pas non plus sortir à certaines heures, ou même aller seule dans certains endroits.

Pour ma part, j’ai été victime d’attouchements sexuels un mercredi après-midi, dans un cinéma, en centre-ville de Toulouse. Et on m’a demandé : « Mais enfin, pourquoi y étais-tu seule ? C’est pas étonnant ! Et puis, comment étais-tu habillée ? »

C’est simple, j’étais en vieux jean sale, avec un pull parce que j’étais malade, mais que c’était la seule séance pour ce film de 3h, que je souhaitais vraiment voir. Un appel au viol évident, non ?

Une femme ne doit par ailleurs pas regarder les hommes dans les yeux. On croise parfois des regards lubriques : un échange suffisant pour que ceux qui les jettent nous suivent 10-15 min, jusqu’à chez nous (à moins qu’on réussisse à les semer), en nous faisant des « compliments » et des gestes obscènes.

« Tu as vu l’heure/ta tenue/ton maquillage… »

Nous ne pouvons donc pas vivre sereinement et agir sans « nous prendre la tête », comme on le considérerait normal pour un homme. Nous portons le poids de nos mauvaises expériences passées, des interpellations quasi journalières, au moins hebdomadaires dans une petite ville. Cela nous rappelle à l’ordre.

Et puis, il y a le poids de la société qui ne comprend pas : « Que faisais-tu seule dehors ? Tu as vu l’heure/ta tenue/ton maquillage ? Tu avais bu ? » Pour conclure par un systématique : « Pas étonnant ! »

Quand nous pourrons simplement vivre sans que chacun de nos gestes ne justifie des actes déplacés envers nous… Alors oui, on pourra commencer à dire qu’il n’y a plus de harcèlement dans la rue !

Parce qu’ils sont bien gentils tous ces hommes qui nous disent que « ce ne sont que des compliments », qu’« on peut bien tenter sa chance », que « cette société diabolise tout »

Mais ils ne sont :

– Pas les victimes de ces comportements

– Pas forcément les coupables (heureusement, les harceleurs sont peu nombreux quoique virulents) ;

– Visiblement pas à l’écoute de leur entourage féminin !

Un homme qui n’est pas capable de faire la différence entre un harcèlement et un compliment mal pris a été mal éduqué à l’égalité homme-femme.

Vivre en passant « inaperçue »

J’ai témoigné dans un livre qui parlait du viol : « Elles se manifestent : viol, 100 femmes témoignent. » Oui, je fais partie de celles qui n’ont « pas eu de chance », semble-t-il. La présentation du livre se faisait dans une librairie en centre-ville de Montreuil, un soir vers 20h. Ma tante qui habite à Paris s’est changée (elle était simplement en slim) pour mettre un jean large, a retiré ses bijoux, n’a pas pris son portable, s’est démaquillée et était paniquée en entrant dans le métro… Il fallait, m’a t-elle dit, « passer inaperçue ». Elle m’a fait baisser le son de ma voix pendant la discussion, afin de ne pas attirer les regards, et a fait très attention à rester dans des endroits éclairés.

Nous avons même failli rentrer immédiatement, car, moins de 30 secondes après notre arrivée, nous n’avions pas trouvé l’endroit prévu. Elle ne voulait pas rester plantée dans un lieu, pourtant passant et sous un lampadaire, le temps que je vérifie l’adresse. Pourtant, ma tante n’a encore subi aucune agression à ce jour… Voilà ce que c’est aujourd’hui d’être une femme !

 

Marie-Amandine F., 24 ans, volontaire en service civique, Tarbes

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