Marine R. 06/12/2016

Auto-entrepreneuriat : mon premier pas vers l’emploi

Etudiante à Sciences-Po Bordeaux, Marine découvre avec plaisir le statut d'auto-entrepreneur et se lance, avec succès. Loin des préjugés de précarité, ce statut lui a permis d'aller loin.

 

Juillet 2013, je viens de regarder le film Spring Breakers d’Harmony Korine et je tombe sous le charme d’un des accessoires portés par les protagonistes : une cagoule rose avec une licorne. Impossible de la trouver en vente sur Internet. Mais après quelques recherches je trouve un site qui propose des patchs brodés avec exactement le même motif ainsi que des bonnets de la même couleur. Les deux seront ensuite à assembler soi-même. Je commande le tout et une fois mon bonnet licorne réalisé, je me rends compte qu’il y a une réelle absence d’offre pour cet accessoire, même sur Internet.

Je décide alors d’ouvrir une boutique sur Etsy (que j’ai appelé Roukeys) et je mets en vente le bonnet que j’ai créé.

Il s’est vendu sous trois jours à une fille aux États-Unis. Plutôt étonnée de la rapidité de l’opération, je réitère mais cette fois en commandant plusieurs bonnets et plusieurs patches sur le site initial, que je remets ensuite en vente sur Etsy une fois assemblés. Les bonnets se vendent tous les uns après les autres et en septembre 2013, à peine trois mois après l’ouverture de ma boutique, j’en vends à peu près un par jour, dans le monde entier. Je décide donc de me mettre également à la création de t-shirts, parce que… pourquoi pas.

Notamment grâce aux réseaux sociaux, les ventes s’envolent et je réalise chaque mois un chiffre d’affaires assez élevé me permettant de dégager un revenu net d’environ mille euros par mois.

Mon entreprise sur mon CV

En mars 2015, à 21 ans, je décide de déclarer officiellement mon activité et d’obtenir le statut d’auto-entrepreneur. J’effectue cette démarche pour deux raisons : d’abord, les revenus réalisés grâce à mes ventes sont élevés et j’ai de plus en plus peur d’être dans l’illégalité (au niveau des impôts, surtout). Il me semble donc normal de légaliser mon activité pour déclarer mes revenus et payer ce que je dois à l’État.

Je suis à l’époque en 3ème année à Sciences Po Bordeaux et ma boutique sur Etsy me permet de mieux comprendre vers où je souhaite me diriger professionnellement : la gestion des entreprises, la communication, le marketing… Me mettre en auto-entreprise allait me permettre de crédibiliser mon travail. J’avais envie d’être prise au sérieux et d’avoir «officiellement» une expérience pro avec ma propre entreprise, quelque chose que je puisse honnêtement et fièrement inscrire sur mon CV.

Les démarches pour créer mon statut sont simples : tout se fait par Internet, c’est rapide, très accessible et surtout gratuit.

Le taux pour mon activité est de 14% sur le total du chiffre d’affaires, ce qui est encore raisonnable et m’a toujours permis de bénéficier d’un revenu net correct chaque mois, sans lequel j’aurais dû, à côté de mes études, trouver un petit job étudiant beaucoup moins épanouissant.

Une expérience trop peu prise au sérieux

Au lycée ou à Sciences Po, jamais personne ne m’a parlé de la possibilité de créer son entreprise, des aides ou des démarches en général alors que cela pourrait être une réelle alternative pour les jeunes. Il faut donc tout rechercher soi-même et se débrouiller seul.

J’étais censée débuter un stage de fin d’études en mars 2016, après mon double diplôme Sciences Po. Le fait de ne jamais avoir effectué de stage en entreprise auparavant ne me semblait pas être un obstacle, ayant moi-même créée ma propre entreprise et ma marque (déposée à l’INPI), je pensais que mon expérience personnelle me permettrait de décrocher facilement un stage de fin d’études dans les domaines de la mode et/ou du e-commerce.

Après plus d’une cinquantaine de candidatures envoyées, je me suis rendu compte que les professionnels ne prenaient pas vraiment au sérieux cette expérience, peu crédible à leurs yeux, qu’elle ne valait pas un «banal» stage de quelques mois réalisé pendant les études.

Cette période fut une grande désillusion et une remise en question.

C’est finalement encore et toujours grâce à ma boutique en ligne que ma situation s’est débloquée. J’ai été invitée par la marque à un apéro pour les créateurs bordelais du site, en présence du country manager d’Etsy France. Le hasard a fait qu’ils cherchaient un stagiaire en communication. Quelques semaines après, c’est la directrice communication France qui m’appelait pour s’entretenir avec moi.

A quand plus d’informations pour les jeunes ?!

Plus que mon parcours scolaire, c’est ma création d’entreprise, le développement de ma marque qui l’ont séduite et l’ont décidée à m’embaucher, dans le temple des entrepreneurs créatifs.

Aujourd’hui, j’ai fini mes six mois de stage et j’ai été engagé en CDI. Je suis toujours en auto-entreprise et je continue à vendre des T-shirts et accessoires en parallèle.

Ainsi, mon expérience avec le statut d’auto-entrepreneur a été globalement très positive. Je n’ai jamais eu de problèmes et même si ce statut ne m’a pas ouvert beaucoup de portes, il m’a amenée vers celles qui me correspondaient à 100%.

Je garde cependant un goût amer face à toutes ces «grosses entreprises» qui, je pense, ne reconnaissent pas aujourd’hui la qualité et la crédibilité d’un statut auto-entrepreneur chez les jeunes.

Je n’ai personnellement jamais eu de soucis au niveau administratif, mais j’entends beaucoup d’histoires racontant qu’au bout d’un certain temps, de grosses sommes d’argent sont demandées aux auto-entrepreneurs. Ce n’est pas encore mon cas, mais je ne sais pas si cela pourrait l’être ou non, du fait du peu d’informations communiquées sur ce statut et les obligations des auto-entrepreneurs en général.

De plus en plus de métiers se «dématérialisent» (je pense aux blogueurs et influenceurs en général, la création et la vente par internet) et passer par ce statut est obligatoire. A l’école ou ailleurs, on n’informe pas assez les jeunes sur les tenants et les aboutissants de ce statut !

 

Marine Rouceyrolle, 23 ans, entrepreneuse.

Crédit photo Flickr CC by Yosuke Muroya

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