Marie M. 11/10/2015

Et soudain… l’hôpital psy

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L'hôpital psychiatrique est un lieu méconnu, qui suscite bien des fantasmes. Non, ce n'est pas un lieu réservé aux « fous ». J'y ai moi-même fait un court séjour...

Hier, j’ai commis une énorme erreur. Un acte d’autodestruction qui aurait pu m’amener dans un autre monde. Un acte de désespoir, irréfléchi, sur le coup de la colère. Je ne veux pas parler des détails, je ne voulais pas réellement de la mort. Sur l’instant, je ne trouvais pas d’autre manière d’appeler à l’aide.

Jour 1 : coupée du monde

Il y a les larmes de ma mère, de mon père, mais également cet endroit où l’on m’a conduite. Cet hôpital que je méprise et dans lequel j’ai toujours redouté d’entrer.

On m’a isolée du monde, cloîtrée entre quatre murs sans possibilité de voir l’extérieur. Sans possibilité de contact avec l’extérieur.

Autour de moi, des fous, assommés par les médicaments, parlent et marchent tels des zombies. Tous en pyjama bleu et en robe de chambre, des vieilles claquettes blanches aux pieds. Les vêtements sont réservés à ceux qui ne s’enfuiront pas d’ici.

Je donnerais tout pour être ailleurs, n’importe où ailleurs, mais pas ici.

Il fait froid, les secondes sont interminables et l’errance dans les couloirs est la seule activité possible.

Non. Il y a aussi une télé et une bibliothèque, quelques jeux de société et les histoires sans queue ni tête des autres patients.

Jour 2 : l’ennui

Le monde extérieur semble avoir disparu et l’attente est interminable. On se lève, on attend le petit-déjeuner, puis on se recouche pour attendre le déjeuner, et ainsi de suite.

Rien ne semble plus exister hors de ce lieu et les souvenirs s’effacent, laissant place à la mélancolie.

L’anxiété devient omniprésente.

L’ennui est permanent et nous torture, surtout avec le réveil dès 7h du matin. Seule l’écriture me permet de tenir…

Je suis là pour réfléchir à mon acte et prendre du recul, mais je ne pense qu’à sortir.

Jour 3 : une vie normale

Je me sens terriblement faible et on m’apprend que mon cœur ne fonctionne plus de manière normale. Je l’ai bousillé il se peut bien. On m’avait dit deux jours, je resterai une semaine.

Comment tenir ? Ne pas devenir complètement folle ? Pour rentrer, il suffit d’un moment d’égarement. Pour sortir, être certain que cela ne se reproduira pas.

Vivre normalement, c’est tout ce que je souhaite.

Ici j’oublie mon « obsession ».

Jour 4 : diagnostic et objectifs

Immature, intolérante à la frustration, se raccroche à l’enfance, incapable de gérer les émotions. Mais aucun trouble sévère.

Si seulement ils savaient… A quel point mes relations avec les autres sont difficiles.

Je dois remettre en ordre ma vie et pour cela me fixer des objectifs à réaliser.

Jour 5 : les autres

Nous sommes tous en pyjama pour éviter les fugues. La bibliothèque est toujours fermée. A l’inverse, la télévision est constamment allumée. J’ai horreur de ça. Les activités sont sur pause pour cause de congés et il ne nous reste que des jeux de société et un baby-foot.

A mon arrivée, je disais des autres « les fous », c’est différent maintenant. Je ne les regarde plus avec peur, mais affection, avec l’envie de les protéger.

Je fais la lecture aux plus vieux, la conversation aux plus isolés. Je pense que j’ai dépassé une partie de ma douleur, car je commence à donner.

La plupart racontent des histoires, il est pratiquement impossible de délier le vrai du faux. Mais on peut reconnaître parfois les pathologies, ou des signes. Comme la bipolarité, la paranoïa, les caractères pervers.

Jour 6 : regarder « en dessous »

Crises de larmes, coups de poing contre les murs… Colère inexplicable ? Je souhaite simplement sortir.

On me dit : « Ne recommence plus ! Pourquoi as-tu fait ça ? Tu as tout pour toi. Il faut toujours regarder en dessous, il y a toujours pire que toi. » Mais personne n’est à ma place, personne ne peut comprendre la haine que j’éprouve à mon égard.

La sortie

Une joie infinie, mais un désenchantement aussitôt après. Quand j’ai dû faire face à lui, à mon obsession, à cet homme dont je ne voulais pas parler. Que j’aime à la folie, mais qui ne m’aime pas. En le voyant, j’ai encore perdu pied, mais je ne perds point espoir de réussir à l’oublier.

 

Marie, 23 ans, Strasbourg

Crédit photo Gratisography

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1 réaction

  1. Texte très touchant…

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