ZEP 04/03/2014

Il y a quatre ans et six mois, papa est mort

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Le cancer, personne n'y est préparé. Tout peut aller si vite que l'on a le temps de rien. Il bientôt cinq ans, mon père nous a quittés.

Ça fait déjà quatre ans et six mois que tu nous as quittés. Tout est allé si vite. Tellement vite. On n’était pas préparés.

Juin de l’été 2009 : j’étais en première. Un peu avant les épreuves de français, on est parti tous les quatre faire la fête en famille, les 50 ans de M. Une phrase ce jour-là et tout a basculé : « Tu es blanc en ce moment : tu as le teint blafard. » Premier examen, premier résultat négatif. Admission en clinique.

Eté 2009 : « On pense vous couper l’estomac Monsieur. » Vivre sans estomac c’est possible ? Des photos et nos premiers pleurs. Mais ça va aller, tu es confiant, tu vas t’accrocher. S’enchaine différents hôpitaux, cliniques et médecins. On ne te coupera pas l’estomac finalement. Mais ça ne va toujours pas, la maladie s’est propagée depuis déjà longtemps. Bordeaux. Première chimio. Tu rentres à la maison, juste pour un temps. Tu te penses fort, tu vas faire les courses tout seul, tes premières difficultés. Tu perds tellement de poids. Mais dans ta tête tu es toujours si fort, tu as le moral. Je ne peux pas écrire sur la suite de cet été. Je ne me souviens pas précisément de la suite des évènements jusqu’à la rentrée.

Septembre 2009 : je suis en terminale, une semaine passe et déjà on nous bassine avec le bac. J’ai autre chose à penser. C’était un jeudi. Visite à l’hôpital, je te raconte notre premier cours de philo. Aujourd’hui ça ne va pas, tu es ailleurs, tu regardes la télé. Tu es blanc, tu es maigre. J’entends des mots que je ne voulais pas entendre sur le coup, je ne voulais pas comprendre : « Je vais partir. » Tu le savais. On nous demande de te laisser, un bref au revoir, un au revoir de tous les jours, un au revoir basique et pourtant c’était notre dernier. Un appel de l’hôpital dans la soirée.

S’en sont suivis les jours les plus difficiles de ma vie. Toute la famille est là. Dire qu’il y a trois mois on faisait la fête. Moi j’ai envie de crier. Pourquoi ? Pourquoi toi ? Tu étais le plus gentil des papas. Comment faire sans toi ? Comment ? Tout le monde est en pleurs et le plus difficile reste à venir : l’enterrement. C’était une journée triste, les gens sont venus par dizaine pour se recueillir, dire au revoir. La preuve que tu étais aimé. Je n’ai plus de larmes, je crois que j’ai tout fait couler. On se serre les uns contre les autres. Les minutes s’écoulent. Et voilà c’est fini. Tout est fini.

Il s’est écoulé trois mois, trois mois pour que cette putain de maladie t’emporte loin de nous. Trois mois, c’est quoi ? C’est rien. On n’a pas eu le temps de comprendre cette maladie, de se battre ensemble contre elle. Putain de cancer !

Ça fait maintenant quatre ans et six mois que tu es parti. J’ai eu mon bac et tu n’étais pas là. J’ai emménagé dans mon premier appart et tu n’étais pas là. J’ai eu ma licence et tu n’étais pas là. J’ai rencontré mon premier amour, celui que tu ne connaîtras jamais. Et toutes ces choses que tu vas louper. Je suis triste quand je pense au futur car je sais que tu ne seras pas à mes côtés.

J’ai écris ces quelques mots parce que tu me manques, parce que la vie sans toi ça a tout changé. Et pour te dire une phrase, trois mots et sept lettres que je ne t’ai jamais dites : Je t’aime. On ne se disait pas ces choses, il n’y avait pas besoin, on le savait.

J’écris aussi pour apporter mon soutien aux familles qui sont touchées par le cancer. Battez-vous et gardez toujours espoir. C’est ce qui nous a permis de tenir pendant ces trois mois.

 

E., 21 ans, étudiante, Poitiers

Illustration Flickr CC Thomas Geiregger

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2 réactions

  1. Quand j’ai le blues et que je repense à mon père, je fais comme Lucrèce et j’écoute cette chanson:
    “Je regarderai pour toi les étoiles” d’Abd Al Malik
    https://www.youtube.com/watch?v=6j_TxU1lE6A

  2. Beau témoignage et belle écriture.
    Ton père ne sera plus là physiquement pour t’accompagner, c’est un fait malheureusement, mais d’où il est il doit être fier de toi. Chacun se raccroche à certaines choses.
    Parfois je regarde le ciel et je me dit que mon père est devenu une étoile…
    Bonne continuation à toi.

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