Kim Z. 02/11/2016

Je rêve d’une féminité qui soit mienne !

"En France, les femmes vivent bien", "Je ne comprends pas le combat féministe aujourd'hui", "L'égalité homme-femme ? C'est fait !"... Contre tant de fausses évidences à déconstruire, Kim nous fait partager ses rêves... à réaliser de toute urgence !

« Vos cris résonnent dans le vide », « en France les femmes sont libres. Vous vous focalisez sur des détails… Ce ne sont pas de vrais combats. Vous avez acquis le droit de vote, la contraception, l’IVG, l’égal accès au travail… Oui, c’est écrit ! Regardez ailleurs, ces pays qui obligent les femmes à sortir accompagnées, entièrement dépendantes de leur mari, victimes de mariages forcés, d’excision… En France, les femmes sont libres ! Oui, M. Le Premier Ministre l’a confirmé. Marianne a le sein dénudé car elle n’a pas de chaînes ». Oh, si seulement vous saviez !

Parler un peu plus fort pour se faire entendre

Mon beau pays des Droits de l’Homme avec majuscule a encore un bout de chemin à faire pour renverser ce qui est ancré, intériorisé dans les comportements, les esprits, les mémoires, si bien assimilé que tout cela nous parait banal, indigne d’intérêt. Si bien inculqué qu’on discrédite les revendications, les autres mouvements de pensées. Il n’y a pas de petit combat.

Je rêve d’un monde où parce que je suis née femme, je n’aurais pas besoin de parler un peu plus fort que les autres pour faire entendre ma voix.

Je rêve d’une féminité qui soit mienne et ne pèse pas comme une obligation, une compétition pour plaire avec des standards imposés par des mannequins photoshopées sur du papier glacé. Je rêve que dans ces mêmes magazines, on ne préconise pas une multitude de personnalités incompatibles en un seul être ; une femme se devant d’être à la fois douce, mignonne, juvénile et forte, mère laiteuse et aimante, prostituée au lit.

Je rêve que nous ne soyons plus soumises à des injonctions contradictoires sur ce que la femme se doit d’être ou de ne pas être. Je rêve qu’on ne juge plus en priorité une femme sur son apparence, au détriment du reste.

C’est impressionnant “surtout pour une fille”

Je rêve d’avoir le choix. De pouvoir m’habiller comme bon me semble, sans qu’on ne détermine ma valeur. Choisir la longueur de ma jupe sans que cela ne soit débattu dans l’espace public, sans qu’on ne me dise que j’en fais trop, ou pas assez. Disposer de mon corps comme j’en ai envie, peu importe mon âge. Ne plus avoir à me justifier peu importe ce que je fasse.

Je rêve de pouvoir marcher dans la rue sans me faire apostropher, peu importe ma tenue, sans être obligée d’affronter un regard accusateur, un regard insistant, un regard obsédé, des bruits, des paroles, des jugements, des mains de parfaits inconnus qui se permettent d’aller là où je ne veux pas.

Je rêve de ne plus être victime de la misère sexuelle et de la frustration de certains, et je rêve qu’on assimile enfin la notion de consentement.

Je rêve d’effacer les stéréotypes qui ne bénéficient à personne, où l’homme et la femme ne seront plus pré-destinés socialement en fonction de leur sexe. De pouvoir allumer la télévision et ne plus jamais voir ces publicités remplies de gâteaux dans des cuisines avec femmes et enfants, d’autres d’hommes en costard cravate dans des bureaux.

Je rêve d’une société évolutive, d’un monde où une femme pourra être considérée comme entière et accomplie même si elle choisit de ne pas avoir d’enfants, de tables à langer dans les toilettes publiques pas seulement du côté femme.

Je rêve qu’on ne me dise pas, lorsque je raconte mes voyages, que c’est impressionnant, « surtout pour une fille ». Je rêve que les différences biologiques entre l’homme et la femme ne soient plus prétexte à en faire des êtres de valeur non égale.

De petite fille à proie sexualisée

Je rêve de ne plus être objectifiée. De pouvoir prendre les transports, aller et venir où bon me semble sans que ma rétine ne se voit agressée par des bouts de jambes galbées, des lèvres, des cuisses, des femmes coupées en rondelle sur les affiches. Des femmes sans visage. Des corps enduits d’huiles qui se meuvent sur des musiques bas de gamme dans les clips, des produits de consommation. De la viande qui fait vendre.

Je rêve qu’il n’y ait plus de rivalité féminine, créée de toutes pièces par nos moeurs sexistes, engendrant commentaires médisants, jalousies et mesquineries.

Je rêve que les femmes entre elles ne se jugent plus, ne soient plus en compétition les unes avec les autres, conditionnées par une société qui nous demande de rentrer dans un cadre imposé, conscientes que la moindre petite victoire, lorsqu’on est femme, n’est attribuable qu’à soi-même.

Je rêve de pouvoir dire que j’ai mes règles sans baisser la voix, sans devoir cacher mes tampons et mes serviettes, sans que personne ne fasse de mine dégoutée.

Je rêve de voir grandir ma petite soeur dans un monde respectueux de ses droits et de sa dignité. Je rêve qu’une enfant n’ait plus à subir des remarques salaces sur sa poitrine naissante, à l’âge de douze ans. Qu’on ne passe plus de l’image de petite fille à celle de proie sexualisée, à une période de la vie où on ignore encore tout des méandres de l’âge adulte.

Je rêve d’une Histoire qu’on n’oublie pas ; de rues nommées après de grandes écrivaines, philosophes, scientifiques, médecins, femmes qui ont marqué le monde. Qu’on connaisse mieux leur parcours et leur nom.

Rien n’est jamais acquis

Je rêve d’une France où une femme sur cinq ne mourra plus sous les coups de son compagnon, où plus d’une femme sur dix osera déposer plainte pour viol, tentative de viol ou autre agression sexuelle.

Je rêve d’une égalité salariale et d’une égalité dans l’emploi. Je rêve que les femmes, aujourd’hui majoritaires dans les études de droit et médecine, mais minoritaires dans les hautes positions hiérarchiques, accèdent à des postes à responsabilité. Je rêve de ne plus être rabaissée, sous-estimée, confrontée à des barrières supplémentaires qui demeurent imperceptibles aux yeux de certains.

Je rêve de femmes qui prennent entièrement part dans les décisions, et dont les droits ne seront pas remis en question. Rien n’est jamais acquis.

Je rêve qu’on lutte et qu’on gagne ce combat trop longtemps demeuré invisible. Ce sexisme ordinaire si intériorisé qu’on ne le perçoit plus. Je rêve qu’on ne me dise plus que j’en fais trop, qu’on ne prononce plus le mot « féminisme » comme on nomme maladie incurable, comme un mot un peu dépassé, un mot dans lequel on met tout. Je rêve d’une Humanité équilibrée, d’une égale dignité, d’une prise de conscience et du soutien de la société entière, essentiel pour avancer. Je rêve qu’on réalise enfin que l’avancée des droits des femmes est dans l’intérêt de tous et que le dénier revient à rogner les Droits humains.

« Le drame de la femme, c’est ce conflit entre la revendication fondamentale de tout sujet qui se pose comme l’essentiel et les exigences d’une situation qui la constitue comme inessentielle. » Simone de Beauvoir.

 

Kim Z., 21 ans, étudiante, Paris

Crédit Photo Pixabay /CC by Unsplash

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1 réaction

  1. Tu résumes si bien le problème, qui, hélas, ne risque pas de se résoudre si nous continuons de le nier, ne voulons pas ouvrir les yeux, ne faisons pas preuve de l’empathie nécessaire, n’essayons pas de comprendre ce que les femmes endurent chaque jour, et si les femmes elles-mêmes continuent d’endurer tout ce qu’elles endurent en silence, sans jamais lever la voix, en gardant la tête baissée, pensant que cela est dans l’ordre des choses… Il m’arrive d’évoquer le problème à table, que ce soit en famille ou ailleurs, et les réactions sont consternantes, la plupart du temps : tantôt on considère qu’il n’y a point de cause féminine, tantôt on croit qu’elle appartient à une autre époque. Parfois ces remarques sont simplement le fruit de l’ignorance, ce qui peut être pardonnable pourvu que cette ignorance ne persiste pas ; et d’autres fois, c’est la bêtise, l’arrogance, l’égoïsme qui poussent à considérer le sexisme comme un non-problème, et là ça devient beaucoup plus compliqué parce que la bêtise, l’arrogance et l’égoïsme résistent au débat d’idées . Alors j’essaie, autant que je peux, d’attirer l’attention sur ce problème, d’engager le dialogue avec des personnes qui le veulent bien ; je crois vraiment que le fait de l’évoquer permet d’affirmer son existence bien réelle, et que c’est déjà un pas en avant. J’ose espérer qu’un jour nous serons suffisamment nombreuses pour faire entendre nos voix, nos seules voix, pas celles d’hommes qui veulent garder l’ascendant. Parce que malheureusement il se trouve aussi des hommes qui s’expriment au sujet du féminisme, qui croient tout connaître de notre combat, qui croient nous aider au mieux en nous confisquant la parole, alors que nous voudrions qu’une seule chose : qu’ils nous écoutent, sans mot dire, se livrent à une introspection, et changent leur comportement vis-à-vis des femmes, de toutes les femmes, au quotidien, dans la sphère publique et privée. Les hommes prennent suffisamment de place dans l’espace public, alors qu’ils nous laissent un peu de place à nous aussi, qu’ils nous laissent nous mouvoir, nous exprimer, nous affirmer, nous émanciper;

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