Marie M. 05/01/2015

Je suis une autre, je suis bipolaire

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Les chercheurs estiment à 600 000 le nombre de personnes bipolaires en France. Une maladie complexe pour les autres et pour soi... Pour moi...

Ma vie est une pièce de théâtre qui se joue devant moi. Je ne suis qu’une simple spectatrice qui attend le dénouement de cette histoire qui ne comporte qu’un seul personnage, aussi dramatique que pathétique. Je me réveille chaque matin en étant une autre, jamais la même. J’ai deux personnalités. Deux extrêmes. Deux opposés qui se mélangent et fusionnent pour ne faire qu’un ou qui marchent en zigzag, et se piétinent continuellement, me réduisant au passage à néant. Et je ne sais jamais laquelle va l’emporter. Je n’ai aucune emprise ni sur l’une ni sur l’autre.

Il m’arrive de me lever de très bonne humeur, de rire aux éclats, d’adorer même mes pires ennemies. De leur lancer des compliments exagérés. D’être bien trop aimable, bien trop polie. De faire des tonnes de projets puis de m’extasier devant la beauté du monde. Dans ces moments-là, je suis distraite, irrationnelle. Je parle précipitamment, sans m’écouter, avec des gestes exagérés.

Je peux claquer 300 euros en futilités, prendre des vacances en période scolaire, anéantir mes économies… Rien n’arrive à me freiner dans mon élan. Puis, sans aucune raison, je m’écroule.

Mon euphorie se transforme en un gouffre géant, un vide interstellaire. Le silence devient mon élément. Mon énergie se volatilise et je deviens faible, exténuée. La colère et la haine s’emparent de moi. Je ne suis plus polie, ni aimable, mais violente et hautaine. Je me renferme. Je ne donne plus de nouvelles. Des pensées noires surgissent alors.

Je me coupe, vomis, éclate en sanglots. Je maudis l’univers et ses habitants. J’éloigne les personnes auxquelles je tiens. Je les méprise totalement. J’élabore des plans pour en finir complètement. Ça peut durer des semaines, voire des mois, avant que l’envie de mettre le nez dehors me reprenne.

Avant que l’envie de me laisser noyer me passe.

Ensuite, il y a des périodes creuses, disons stables. Qui ne durent jamais très longtemps. Là, je ne ressens plus rien. Soit parce que je prends des médicaments qui me calment et m’abrutissent, soit parce que mes deux tortionnaires se reposent.

Durant ce court répit, je fais le ménage, je recolle les morceaux brisés, je me démène pour que tout revienne à la normale.

Il n’est pas facile d’avancer quand on a cette maladie. Il n’est pas facile de trouver ceux qui nous aiment malgré ça. Il est encore plus difficile de s’aimer soi-même, de poursuivre nos objectifs, ou de distinguer le réel.

 

Marie, 20 ans, Strasbourg

Crédit photo Flickr CC Gérard Ménager

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