Anaïs 02/01/2016

Non, je ne suis ni anorexique, ni boulimique, ni dépressive…

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A 15 ans, on l'a gavée de médicaments, jugée anorexique. De plus en plus en colère, indignée par son traitement, un éducateur a réussi à la sortir du trou.

« C’est le jour où l’on a voulu m’aider que l’on a failli me tuer. » C’est souvent comme ça que je raconte mon histoire.

J’ai commencé à fréquenter les hôpitaux à 13 ans. Une préadolescente dans la norme, bonne à l’école, un peu grande gueule. Un peu trop maigre aussi, selon les gens qui m’entouraient. J’ai arrêté de compter au bout du 23e examen de santé. Tout ça pour qu’au final, rien ne soit détecté. « Tu ne grossis pas, mais ce n’est pas un problème physique. » Ils ont alors choisi la solution de facilité : si le problème n’était pas physique, il était mental.

Gavée de calmants à 15 ans

Très vite, j’ai été hospitalisée pour anorexie : repas surveillés, pesées à respecter. Concrètement, on ne m’a pas demandé mon avis. J’ai eu beau dire que non, je ne m’étais jamais fait vomir ou autre, on ne m’écoutait pas. C’était plus facile comme ça.

J’ai donc décidé de manger, manger, pour prendre du poids et qu’on me foute la paix. On m’a alors dit que j’étais atteinte de boulimie. Et cette fois, j’ai été traitée comme une boulimique, encore et toujours surveillée. C’était sans fin.

Pendant presque deux ans, j’ai été un coup dépressif, un autre suicidaire, un autre encore agoraphobe. Chaque semaine, un diagnostic différent tombait, et une tare supplémentaire s’ajoutait.

Au début, j’ai ressenti de la colère. Beaucoup de colère face à ces mensonges, de la colère face aux procès que l’on me faisait. On a alors jugé que j’étais instable, dangereuse pour moi-même. La seule solution qu’ils ont alors trouvée a été de gaver de calmants et d’anti dépresseurs une enfant de 15 ans.

Quand tu penses devenir folle

Le pire, c’est que tu finis par croire à tout ce qu’on te diagnostique. T’es défoncée et on te le rabâche en permanence : les professionnels, ce sont eux. J’ai connu toutes les phases des maladies et phobies qu’ils m’ont trouvées ; la dépression te fait passer des journées allongée sur un lit sans rien faire, l’agoraphobie te fait faire des crises d’angoisse à peine arriver sur un parking de supermarché… Des phases qui peuvent paraître anodines, mais qui accumulées pendant de longs mois empêchent de vivre et de se reconstruire. En l’espace de deux ans, j’ai expérimenté de nombreuses émotions, vécu ce que la plupart des personnes ne vivront jamais en toute une vie. Le pire, c’est que tu n’as plus l’impression d’être toi. Tu penses devenir folle, que de toute façon tu ne t’en sortiras jamais.

Et puis… J’ai eu la chance de rencontrer l’éducateur qui a fait basculer mon hospitalisation. Il a réussi à canaliser ma colère, il m’a aidée à reprendre confiance en moi. Je me suis battue, j’ai quasiment exigé de retourner au lycée. J’étais trop fragile, qu’ils disaient. J’ai forcé.

Elle a tâtonné, testé, échoué, puis après un an a réussi à vaincre sa maladie : la dépression, même si les traumatismes sont encore là… Retrouvez son puissant message d’espoir.

Deux mois après, j’ai obtenu mon bac de français. Je leur avais prouvé que non, je n’étais pas faible et instable. Et que ma vie m’appartenait.

Aujourd’hui, je suis encore tout mince. Je mange, plutôt bien même pour mon petit gabarit. Mais je ne grossis pas… Lorsqu’on calcule mon IMC sur internet, la réponse est « Danger – Famine ». Je ne sais toujours pas pourquoi je suis comme ça. Mais j’ai appris à m’accepter, à relativiser. Je fais à peine 40kg, et ça ne changera pas.

 

Anaïs, 20 ans, volontaire en service civique, Poitiers

Crédit photo Léna

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7 réactions

  1. Malheureusement ils traitent souvent un problème caractérisé de “mentale” par des médicaments.. Même si tu as fait le choix d’arrêter, je te conseille de te faire aider, par d’autres professionnels. Souvent, tu gardes des “séquelles” (le mot est peut-être fort) de ce passage à l’hopital et de ce bouleversement émotionnel.

    Plusieurs années après, je fais encore des crises d’angoisses, je suis parfois en pleins doutes : Et si il n’avait pas eu raison au final ? Je sais que ce n’est pas facile mais parfois, ça peut aider !

  2. Alors je me suis totalement reconnue dans ton article ! J’ai été diagnostiquée anorexique cet été et depuis j’ai vu pleins de psychiatres et j’ai été gavée de médicaments, pourtant je ne me fais jamais vomir et personnellement je ne fais pas attention à ce que je mange ! Depuis (vu que je suis majeur) j’ai arrêté les traitements et les visites chez mon psy, ces médicaments me rendaient hyperactif et ouai je pense pouvoir dire que j’étais défoncée (genre j’avais plus les notions de danger). Et maintenant, toute seule je fais attention de ne pas sauter de repas mais c’est pas grave si je fais moins de 50kg, c’est mon corps. ^^

  3. C’est fou comme la famille à un point très important dans finalement le mal être d’un enfant. Mais ils ne sont pas les seuls à blâmer, je pense qu’il y a beaucoup de bourrages de crâne des médias sur la prévention des maladies, les sites internet.. etc où chacun peut se prendre pour un spécialiste en quelques secondes.

    Même si tu as “évité” les hospitalisations avec ces professionnels compétents, ces jugements sur ton corps, ton comportement ont du être durs à gérer.

  4. Hello !

    Je me reconnais un peu dans ton témoignage qui est très juste !

    Je suis moi-même une fille “maigre” ou classé comme telle (1m64, 43kg) C’est ma morphologie qui est comme ça, je peux manger n’importe quoi n’importe comment, je ne prendrai jamais plus d’un kg qui disparaît aussi vite qu’il est venu. Par curiosité, j’ai fait le test d’IMC et j’obtiens à peu près le même résultat que toi : “Danger maigreur” Ma famille s’est toujours un peu inquiétée de ça, bien que j’ai toujours mangé normalement et que je sois très bien comme ça. Pendant une période le mot “anorexie” était régulièrement prononcé à mon sujet. Alors, un jour je me suis mise en colère et j’ai mis les choses au point une bonne fois. Je me suis aussi mise à grignoter en plus pendant la journée pour montrer que je mangeais et calmer tout le monde. Depuis ma mère ne m’embête plus avec ça. Heureusement ça n’a jamais été jusqu’à l’hospitalisation excessive. Plus tard, pendant une période difficile de notre vie de famille ma mère (qui, je pense, voulait exprimer son chagrin à travers moi) m’avait également classée “dépressive” (sans aucun avis d’experts). Heureusement le psy qu’elle m’avait forcé à aller voir alors a contredit très clairement son faux diagnostic dès la 1ère séance et lui a fait comprendre que ce n’était plus la peine de venir le voir. ça n’a pas découragé ma mère pour autant, mais avec le temps, voyant que je me remettais toute seule, elle a fini par admettre que je n’avais jamais été en dépression, juste très déprimée, pour des raisons normales et logiques. Depuis, je me méfie des étiquettes qu’on colle souvent un peu trop vite sur les gens !

  5. Je suis très contente que ma photo vienne illustrer ce bel article !

  6. J’ai trouvé ton commentaire très juste. Il illustre un peu ma crise “d’émancipation” vis à vis de ma famille notamment. Merci pour ton message.

  7. Lorsque notre corps nous appartiendra seulement et ne sera pas celui que des parents, des ami(e)s ou des conjoint(e)s veulent surveiller et s’assurer d’être “normal”, alors là seulement nous serons libres d’être tel que nous paraissons aux yeux du monde. Je ne comprends que trop bien ta situation et te souhaite beaucoup de courage.

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