Lucille A. 24/05/2016

Tout ce que je dois au cinéma

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Films après films, Lucille revient sur tout ce que lui a appris le cinéma : un mélange d'émotions qui lui donnent envie de changer le monde.

Hier soir, alors que je cherchais une nouvelle excuse pour procrastiner et repousser un peu plus encore mes échéances et autres petites responsabilités pénibles, j’ai décidé de regarder à nouveau le film Mustang, de Deniz Gamze Ergüven. Je me rends compte que rien n’est plus difficile que de décrire l’émotion qu’on ressent devant certains films.

À nouveau, j’ai été comme happée par ce film. Aspirée par les décisions des personnages, soufflée par les actes de révolte plus ou moins timides de ces filles. Alors oui, c’est un gros cliché. Je ne suis pas fan de tout le vacarme et des paillettes des festivals, en particulier celui de Cannes. Je ne capte que quelques mois plus tard certains films primés, au hasard d’un cinéma.

Mais tout de même, j’ai réalisé récemment que je devais beaucoup au cinéma. Depuis petite, mes parents m’ont fait regarder des films en tout genre, bien que plutôt indépendants et palestiniens que blockbusters et américains. Mais ne vous inquiétez pas, je me suis rattrapée à l’adolescence. Ces films m’ont construite en me faisant réfléchir et surtout, ils m’ont donné faim de connaissance. Alors voici une petite liste, à jamais incomplète, des films qui m’ont changée.

Le choix de s’émanciper d’une société

Mustang m’a rappelé que les femmes ne sont pas toutes égales dans leurs libertés et leurs droits, que ce soit à l’autre bout du monde ou au coin de la rue. L’éducation reste une arme de défense et d’attaque essentielle.

C’est ce que m’a aussi montré L’une chante, l’autre pas, d’Agnès Varda. À travers le récit de vie de deux jeunes femmes, on voit comment elles sont confrontées à une société encore très conservatrice et le choix qu’elles font pour s’en émanciper. Ce film m’a fait réaliser le chemin parcouru pour les droits des femmes depuis les années 1960 et aussi la diversité des choix de vie que l’on peut faire.

En terme de lutte pour des droits, The Bubble reste imbattable. Ce film d’Eytan Fox nous montre la rencontre de deux jeunes hommes gays. Seul souci, l’un est israélien et l’autre palestinien. Comment être amoureux quand on est en guerre militairement et identitairement ? C’est encore une histoire de choix qui, cette fois-ci, nous fait davantage voyager.

Des films qui donnent envie de faire la révolution

Ah oui, et puis il y a les films qui secouent sévère aussi. Vous savez, ces films qui donnent envie de faire la révolution ? Parmi ceux-là, je compte Demain, réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, sorti il y a peu et déjà chroniqué sur la ZEP. On est allée le voir au cinéma avec une amie qui allait commencer son stage dans une entreprise de pesticides. On n’avait pas fait exprès, promis. J’en suis ressortie avec plein d’espoir et guérie des films révélateurs, mais anxiogènes comme Une vérité qui dérange, de David Guggenheim. En sortant, je ne touchais plus le sol et j’étais prête à changer le monde. Bon évidemment, l’effet retombe toujours un peu après.

Quelques années avant, j’avais vu Les nouveaux chiens de garde, réalisé par Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, qui s’emploie à montrer les liens entre les politiques, les journalistes et les grands dirigeants d’entreprises ainsi que leur influence plutôt malsaine sur notre société. En sortant de la salle, j’étais profondément choquée de découvrir tout ce trafic de faveurs et de chaises musicales du pouvoir. Quand j’en ai parlé avec mon père, je me suis insurgée et je lui ai dit du haut de ma naïveté qu’il fallait que tout le monde connaisse le réel fonctionnement du système. Il m’a dit que c’était déjà le cas, qu’il suffisait de lire les bons journaux et d’avoir un peu d’esprit critique. Sauf que, soyons lucides, on ne nous apprend pas tous à être critiques, à questionner ce que l’on nous met devant les yeux.

Planer loin de la réalité une heure ou deux

Il y a aussi les claques esthétiques, que j’aime sous forme de films un peu expérimentaux. Ma première claque était sans doute Kaboom de Greg Araki : une sorte de thriller sous substances illicites avec des têtes d’animaux et du sexe (mais pas forcément dans cet ordre ni en même temps). Depuis, il y a eu bien sur Drive, par Nicolas Winding Refn, peut-être plus connu pour le beau gosse de l’affiche que pour la beauté des plans qui s’enchaînent.

Enfin, il y a quelques mois seulement, je suis tombée sur Bang Gang, d’Eva Husson, risqué par son titre qui vous proposera des résultats bizarres en cas de recherche erronée sur internet. Ce récit des relations amoureuses et sexuelles entre adolescents n’est pas si glauque qu’il n’y paraît, c’est surtout un prétexte pour vous shooter à de la musique transcendante, aux regards de personnages maladroits, sublimés par une lumière magique. Je ne suis pas cinéaste ou critique, mais c’est ça qui est génial : pas besoin de s’y connaître pour prendre sa dose et planer loin de la réalité le temps d’une heure ou deux.

Mais finalement, et si c’était ça le risque du cinéma ? Nous éblouir, nous emmener quelque part, nous mentir sur un monde idéal pour mieux nous avoir une fois le générique de fin achevé ? La propagande existe sans doute depuis que les caméras tournent et les belles images sont aussi efficaces que les fausses promesses, sinon les clips de campagnes présidentielles n’existeraient pas.

Comment ça une série ou un film, c’est pas la réalité ?

Comme tous les outils qui détiennent une force incroyable, c’est ce qu’on en fait qui compte. En ce qui me concerne, je n’ai même pas pleuré devant La Rafle de Rose Bosch. En revanche, j’ai failli verser une larme devant l’émission D&co sur M6, celle qui transforme les maisons au point parfois de les rendre enfin habitables pour des familles en détresse. Cet exemple n’est pas un manque de respect ou une vaine provocation. C’est simplement pour dire qu’en sortant les violons au bon moment, on peut faire surgir n’importe quelles émotions. Manipuler un public reste tellement facile…

Abdel a renoncé à son rêve d’enfant : devenir policier. Les séries lui avaient donné cette envie, mais la réalité l’a vacciné.

Capture d’écran de l’article : "Petit, je voulais devenir policier comme dans les séries".

Mais je continuerai à constituer une proie facile en regardant des films. À chaque fois, c’est une nouvelle fenêtre qui s’ouvre sur l’inconnu, et que ma curiosité me remercie. Et je n’ai même pas parlé de séries. Une amie dit qu’à chaque sujet de conversation, j’ai toujours une série à citer pour appuyer mes propos. Comment ça une série ou un film, c’est pas la réalité ? Ce ne sont pas des faits avérés ? Bon d’accord, mais c’est souvent inspiré de faits réels. Et à ce que je sache, on ne peut ni vivre mille vies et tout expérimenter par nous-mêmes, ni se documenter de manière scientifique sur tout ce qui nous entoure.

Pour moi, le cinéma et les séries restent le meilleur moyen de s’ouvrir l’esprit, d’apprendre la tolérance. Le tout, en étant subjugué par la grâce des images, des acteurs et de la musique qui se complètent parfaitement. Sans oublier une dose de recul critique, avec l’inévitable (selon moi) débat entre spectateurs à peine sortis du cinéma. Alors, je remercie ce cinéma qui selon moi, est d’utilité publique. Je pourrais continuer longtemps cette liste de films et d’arguments, mais je voudrais savoir… Et vous, quels sont les films qui vous ont émerveillé, transporté, fait danser, crier, revendiquer, aimer ?

Lucille, 22 ans, étudiante, Paris

Crédit photo Weltkino / Mustang

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1 réaction

  1. Bonjour Lucille, merci tout d’abord pour ton article !!! Je ne peux qu’être d’accord avec toi, moi qui suis un très grand amateur également de cinéma. Il me fait rêver, questionner, évader, espérer et comme tu le disais revendiquer. C’est pour ça, mais c’est un autre débat que le cinéma doit être accessible à tous !!! Donc pour revenir à ta question de fin, il y a beaucoup de films que j’ai aimé, ça va être difficile de faire un choix. Je suis un grand fan des Disneys. J’ai adoré Zootopie. Je trouve qu’il décrit très bien la société actuelle par rapport à la différence et la peur de l’autre. Sinon côté films, V pour Vendetta parce que le long métrage montre que la fin ne justifie pas les moyens et que les idées peuvent tuer. Et, puis le film “la Vague” qui date de quelques années, qui je trouve, est très illustratif de ce qui s’est passé, de ce qui risque de se produire de nouveau, si nous ne sommes pas des citoyens vigilants face aux régimes totalitaires. L’histoire d’un professeur d’histoire géo, qui décide de faire une expérience sociologique auprès de ses élèves, pour montrer comment le nazisme, le fascisme sont nées. Sauf que cette expérience tourne au drame. En résumé, le cinéma est l’art de faire passer des messages. Il peut être un divertissement, un drame ou une comédie. L’essentiel est que le cinéma puisse toucher tous les publics, par différentes façons.

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