Mélissa B. 19/03/2014

Non merci je ne voterai plus…

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Bientôt les élections municipales. Le problème, c'est que je n'y connais rien et je ne vois pas comment choisir pour quel candidat voter. Les politiques, de toute façon, ils sont déconnectés. Alors, la démocratie, je vais la chercher ailleurs.

Bientôt les élections municipales, les colleurs d’affiches sont sur le pied de guerre. Tous les jours ça colle et ça recolle dans le quartier où je travaille. Branle-bas de combat. En espérant que cela « fera la différence dans les urnes ». Et tous les jours on voit ces mêmes visages dont la plupart nous sont inconnus.

Ma première élection c’était les présidentielles de 2007. J’ai toujours eu le sentiment de vivre dans une société qui ne correspondait pas à ce que je voulais : écolo de la première heure, je ne comprends pas la société de consommation ; envie de me battre contre les inégalités, etc. Alors quand vient le moment d’aller aux urnes pour la première fois, j’étais fière quand même ! Enfin ma carte électorale ! Enfin j’avais le droit de donner ma voix !

Je choisis la plus belle photo ?

Et là… Que faire ? Je ne connaissais strictement rien de leurs programmes, de leurs personnalités, mis à part le JT de France 2. Un peu maigre pour donner ma voix à quelqu’un qui en fera usage pendant 5 ans sur tout un pays. Bon… Je lis les programmes alors !… Mouais. Je ne suis pas vraiment plus avancée. Évidemment certains points me plaisent, de-ci de-là, mais pour le reste ? Ce avec quoi je ne suis pas d’accord, je fais quoi ? Je fais semblant de ne pas l’avoir lu ? Et pour les programmes les mieux cotées sur mon échelle de notation, je les départage comment ? Je choisis la plus belle photo ? C’est bien comme ça que ça a failli se finir…

Quelques années plus tard, me voilà toujours avec les mêmes questions au moment de voter : pour qui ? Pourquoi ?
En m’intéressant de plus en plus à la chose politique et en m’informant autrement que par les médias de masse, je découvre que la démocratie représentative n’est qu’un système parmi d’autres, que ce qu’on nous rabâche à longueur de temps dans la presse comme étant la démocratie n’est qu’en fait une vaste supercherie de langage.

Et si la démocratie nous ressemblait ?

La démocratie, si l’on considère que c’est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple, devrait quand même ressembler à autre chose qu’à des affaires de népotisme, de copinage, de subventions à des associations louches, de débats politiques où finalement tout le monde est d’accord pour dire que le déficit public, c’est une calamité, il faut le réduire, et c’est la faute à la sécurité sociale et aux cotisations chômage et toutes ces horribles choses inventées par les ouvriers pour la solidarité.

La démocratie devrait nous ressembler, et je ne devrais pas avoir l’impression, quand j’allume ma télé pour regarder les questions au gouvernement le mercredi après-midi (c’est faux, je ne les regarde pas), d’être dans une luxueuse salle d’animation de maison de retraites pour riches.

De l’intérêt de l’intérêt général…

Ok, il y a quelques « jeunes » (en politique, ça veut dire quarantenaire, quand même). Ok il y a même quelques pauvres, quelques femmes, quelques Noirs, quelques Arabes, et même des Asiatiques. Mais ça ne ressemble toujours pas, même à 50% près, aux gens que je croise dans les rues des villes (à part peut-être les rues de Nice !)  😉 Alors non, je ne cautionnerai pas ce système de vote élitiste, par les élites, pour les élites. Je ne ferai pas l’ENA non plus pour être élue à leur place.

Je voudrais que les gens qui dirigent le pays, les régions, les départements, les intercommunalités et les communes soient toi, soient moi. Oui, ça serait difficile, un peu, au début. Oui, ça demanderait du temps, pour beaucoup de débats certainement passionnés et pas toujours agréables. Oui, ça nous demanderait de nous former. Mais on comprendrait peut-être pourquoi les impôts sont importants, et pas seulement faits pour enlever du salaire aux gens qui ont l’impression de donner sans jamais rien
recevoir en retour.

Et pourquoi pas un tirage au sort ?

On comprendrait peut-être aussi que d’essayer de trouver l’intérêt général dans nos différends, c’est compliqué (voire même très chiant), mais que c’est ça, la politique, et que c’est le seul moyen de ne pas se faire voler/pervertir/trahir sa voix, et de faire société tous ensemble.

Le système du tirage au sort pour les jurés d’assises est celui qui me paraît le plus démocratique.  Pourquoi, au lieu de faire des différences entre les citoyens français et les autres, on ne prendrait pas les listes des habitants de chaque commune, et hop ! On tire au sort les noms du prochain Conseil municipal ? Pourquoi on n’invente pas des formes de débats qui permettent aux habitants de s’exprimer et de prendre en compte leur avis, plutôt que des réunions publiques où ceux qui savent parlent pour un auditoire soit acquis à sa cause, soit qui vient revendiquer le droit de sa petite personne ou de son petit collectif ? (Ce qui d’ailleurs, énerve toujours tout le monde, mais vu que c’est le seul espace public qu’il reste pour interpeler un élu, on ne peut pas en vouloir à ceux qui tentent au moins de faire passer leur intérêt personnel, faute de pouvoir accéder à une discussion sur l’intérêt général.)

Moins d’un habitant sur trois a voté pour le maire

Il paraît que les municipales sont les élections préférées des Français, puisqu’on élit les conseillers municipaux, qui éliront le Maire, censé être l’élu le plus proche des votants. Pourtant, dans ma commune proche de Grenoble, sur 17 000 inscrits, seulement 9 000 ont voté. Et sur ces 9 000 votants, 5 100 ont voté pour la liste qui est actuellement à la tête de la ville. Moins d’un habitant sur trois a voté pour cette liste, donc. Et encore, ce n’est pas le plus mauvais ratio ! À Grenoble, pour ces mêmes élections, la liste de l’actuel maire a récolté au premier tour 19 000 voix sur 84 000 inscrits, soit 22% des inscrits. Si l’on rapporte cela à toute la population (et oui, pourquoi on exclue forcément tous ces gens ??) : étrangers, non-inscrits, enfants et autres personnes habitant Grenoble, cela fait 19 000 voix sur 157 000 habitants, soit 12%.

Donc 12% d’habitants d’une grande ville peuvent diriger les 88% autres. On légitime les personnes au pouvoir en disant « oui, mais elles ont été élues ». Certes, mais par qui ? pour quoi : leur programme, leur charisme, par habitude de voter pour tel parti ? Et les autres, ils ont juste le droit de ne plus jamais débattre des enjeux qui nous concernent tous pendant 5-6 ans ? Si c’est le cas, alors non merci.

Tenter la démocratie… autrement

Non merci, je ne voterai plus. Maintenant, ce sera sans moi. Je tenterai la démocratie dans d’autres lieux, d’autres espaces où l’on peut encore expérimenter. En espérant que ce que l’on tente de faire ailleurs trouvera de plus en plus d’écho dans la population, pour démontrer que d’autres systèmes sont possibles et souhaitables, à part si on aime être dirigés par des élites puis râler que ce sont tous des pourris.

Melissa, 25 ans, étudiante, Grenoble
Illustration Flickr Clémentine Gallot

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7 réactions

  1. Déplorer l’abstention et ne pas aller voter parce que le système est perverti par le fait qu’il ne représente pas l’ensemble des personnes qui s’abstiennent. N’est-ce pas contradictoire?

    Ne vous êtes vous jamais demandé pourquoi il n’y a pratiquement que des vieux riches qui sont élus, et pourquoi le système est si favorables aux vieux riches?
    J’ai une réponse à vous proposer: les vieux riches, ils votent systématiquement à toutes les élections, donc ils élisent des gens qui leur ressemblent (soit vieux, soit riches, soit les deux) et au final les élus font la politique qui leur profite à eux et à leur électorat: les vieux riches.

    Si demain tous les jeunes pauvres et déclassés se mettaient en masse à voter pour des gens qui leur ressemble, la politique prendrait un autre visage, plus jeune et moins riche.

    Je caricature à peine…

  2. Je suis à la fois d’accord et pas d’accord avec toi Thomas.
    D’accord car sur le principe s’abstenir signifie que l’on s’en moque alors que voter blanc montre son intérêt pour les questions politiques mais qu’aucune proposition ne correspond à nos idéaux.

    Pas d’accord car bien que, je te l’accorde, le vote est à la fois un droit, un devoir et une chance, l’abstention est plus significative que le vote blanc. As-tu un jour entendu les chiffres du vote blanc dans les médias traditionnels? On nous rabâche sans cesse les pourcentages de l’abstention en fin d’élection mais on ne parle quasiment jamais de ceux qui ont fait “l’effort” de se déplacer pour voter blanc, pour montrer que l’offre politique actuelle ne les intéressent pas. Aujourd’hui, s’abstenir à plus d’impact que voter blanc.

    Le jour où les chiffres du vote blanc seront reconnus et commentés, je reconsidèrerai ma position et j’irai peut-être voter, bien que, je suis d’accord avec toi “au final il ne change strictement rien”.

    Merci à Melissa pour son article!

  3. Alors non, je ne vote quand même pas, mais c’est bien essayé ! 😉

    Le vote blanc n’est absolument pas significatif : actuellement on les note, mais personne ne donne les résultats des blancs ou des nuls dans les pourcentages de votes, et quand bien même on les comptabilisera d’ici quelques mois, on nous sortira toujours des tentatives d’analyses aussi foireuses que pour les abstentions : désintérêt pour la politique, bla bla bla… Qu’est-ce qu’ils en savent ?

    Tu penses que voter est une chance, soit, mais pas toujours. Si je veux raisonner par l’absurde, je te dirais qu’on connaît beaucoup de pays où il y a des élections et où on se réclame de régimes démocratiques et où pourtant les dés sont pipés et on se retrouve à élire un dictateur à 96%.
    Pour moi, être libre de voter ou non est une chance. Mais le mieux serait encore d’avoir la chance de s’exprimer “pour de vrai” et quand je le veux, et pas seulement une fois tous les x ans en mettant le nom d’une personne dans une urne.

  4. Vote blanc, mais vote ! On en a le droit, on en a le devoir et c’est une chance.. Le vote blanc est tellement plus significatif qu’un non-vote.. mais si au final il ne change strictement rien.

  5. La loi n’empêche pas les citoyens français de plus de 18 ans de se présenter, mais beaucoup d’autres éléments de contexte l’empêchent : suffit de voir la galère pour avoir des listes un minimum paritaires hommes/femmes…
    Sans compter sur la question du pourquoi avoir besoin d’être forcément citoyen français pour être éligible… ça me laisse perplexe !

    Pour les exemples d’ailleurs, il existe des choses pas franchement révolutionnaires (mais quand même), comme à Cuba où les députés ne sont pas payés pour leur mandat électif, continuent à mener leur vie professionnelle “normale”, et où ils peuvent être révoqués par les électeurs.
    Sur le principe, c’est déjà un grand pas vers une non-élitisation des profils politiques. Cumulés avec un tirage au sort, ça aurait de la tronche quand même ! 😉

  6. Je partage ton constat, surtout celui de certaines personnes sous représenté dans la vie politique. Mais dans l’ADN de la France, c’est à dire sa loi, rien n’empêche quelconque citoyen français de plus de 18 ans de se présenter…

    Selon moi ce n’est pas tant le système qui est mauvais, mais l’implication des citoyens dans ce système.

    Quel autre système vois-tu? Des exemples à l’étranger?

  7. Quel autre système?

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