Matthias C. 25/05/2015

La vie dans les banlieues, sujet tabou ?

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Lors d’une soirée ZEP à Reims, nous avons échangé nos avis sur la question des banlieues, sur les conditions de vie et le rapport que certains entretiennent avec la société. Pour débuter, nous avons demandé aux participants de réagir sur une citation du philosophe Averroès : « L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, la haine conduit à la violence. Voilà l’équation ».

Le premier commentaire ne s’est pas fait attendre. « Tous les problèmes se basent sur la peur, on joue sur la peur, je ne connais pas donc j’ai peur !  C’est un cercle vicieux et malheureusement, c’est comme ça depuis des années. Pourtant il existe des cités où, par exemple, la police est la bienvenue. » À cela, une des intervenantes a répondu : « Oui, c’est ça le problème, ils sont là tout le temps. Mais ils ne sont pas avec la population, ils la surveillent. Si les policiers allaient vers les personnes, peut-être que les relations seraient meilleures dans certaines banlieues ».

« Bah voilà, au lieu de faire leur ronde, pourquoi pas, un jour, ils se garent et ils vont parler avec les jeunes. Juste parler. Ça limiterait les tensions », a renchéri le premier intervenant.

Une dernière personne a alors ajouté que parfois, « si on est une femme seule et qu’on va dans certaines banlieues, on risque d’avoir peur, mais ça ne va pas jusqu’à la haine ».

Puis nous avons alors parlé du fait que les femmes avaient tendance à avoir plus peur dans les cités que les hommes, car elles se faisaient souvent aborder par des jeunes de façon insistante et parfois déplacée. Certaines ont dit « avoir parfois peur de passer à côté d’un groupe de garçons ».

Pour finir, quelqu’un a fait remarquer qu’à l’opposé, il arrivait que des « collégiens soient étonnés que les filles aient peur de passer à côté d’eux. Et on revient encore à la même chose : c’est de l’ignorance ».

« Dommage que certaines personnes ne respectent pas leur propre lieu de vie »

Nous avons ensuite montré aux intervenants deux extraits du film « De l’autre côté du périph ». Ces extraits parlaient de l’état des banlieues. Voilà ce qu’en ont pensé les jeunes présents ce soir-là :

« L’État fait construire des choses, des beaux immeubles, ils rénovent des bâtiments, mais ça ne fait pas long feu, au bout de quelques jours, sur les nouveaux immeubles, il y a déjà des tags du genre « N**** ta mère » ou encore « N**** la police » […] Ensuite, à l’intérieur des immeubles, nouveaux ou pas, il y a des poubelles qui traînent partout par terre, personne sauf moi ne les ramasse […] J’ai l’impression que certains jeunes n’ont aucun respect pour ce qui les entoure et CEUX qui les entourent .»

Une autre personne a alors tenu à faire remarquer que « ce ne sont pas les jeunes qui mettent les poubelles dans les couloirs, c’est les parents ».

Nous avons ensuite abordé le sujet des rénovations de certains immeubles. Une participante a immédiatement réagi : « Après, il y a rénovation et ‘rénovation’… Dans mon quartier, ils ont ajouté plein de balcons partout, mais ce qu’ils n’ont pas dit c’est que dans les loyers ils ont rajouté 150 euros. »

Le premier intervenant a alors conclu que pour en revenir à l’insalubrité, il trouvait juste « dommage que certaines personnes ne respectent pas leur propre lieu de vie ».

Troisième point : nous avons vu une vidéo de Daniel Balavoine lors de son intervention, sur le plateau de France 2, l’opposant à F. Mitterrand. Le chanteur prévenait l’homme politique que le jour où les jeunes ne croiraient plus du tout dans la politique, alors ça pourrait devenir dangereux.

Parfois c’est limite “casses-toi”

Le quatrième extrait vidéo nous montrait la place de la famille dans la vie d’un jeune de banlieue en train de mal tourner. On y voyait un père grondant son fils en lui disant que se battre et ne rien faire, ce n’était pas bien. À cela, son fils rétorquait que la vie de son père ne valait pas mieux (extrait de « Fracture »).

« Les gamins, quels modèles de réussite ils ont ? » Voilà la première réponse à la vidéo. Un des intervenants a alors fait remarquer : « C’est peut-être qu’un petit détail, mais ça reste révélateur pour moi… Quand je vois des jeunes qui arrivent au collège à 8h et que  les surveillants leur crient déjà dessus… Mais comment voulez-vous que le jeune, il puisse aimer l’école et qu’il ait envie d’y aller ? […] Un jour j’ai eu un rendez-vous avec le délégué des profs qui me disait ‘ah lui il veut devenir chirurgien’ en rigolant. Si les profs pensent comme ça, comment les gosses peuvent réussir ? […] Et pour finir on entend les petits qui se disent entre eux ‘ouais, mais lui il vend de la drogue, il roule en Audi’, pourquoi allez à l’école si le système ne nous donne pas envie d’y aller ».

À cela une fille a répondu que « ce n’est pas normal, ce n’est pas bien qu’ils choisissent la facilité ». « Mais est-ce qu’ils ont beaucoup d’autres alternatives ? » D’après elle, « peut-être qu’on ne les aide pas vraiment, mais si tu veux t’en sortir tu peux t’en donner les moyens. » Par la suite, elle a cité l’exemple de son propre père. « Le truc, c’est qu’à 16 ans, pour certaines personnes, parfois c’est limite ‘casses-toi’ que le lycée suggère. Par exemple, moi, au lycée j’ai eu une mauvaise moyenne dans une matière et mon prof m’a limite dit qu’il valait mieux que je parte en professionnel. Alors que maintenant je suis à la fac et que tout se passe bien. »

S’ils arrêtaient de ne rien faire…

La dernière vidéo de la soirée nous exposait le point de vue de trois jeunes, particulièrement défaitiste, sur les perspectives d’avenir en cité (extrait de « Ma 6T va Cracker »).

« J’ai trouvé que ces 3 jeunes étaient vraiment fatalistes. Ils sont tellement négatifs sur leur vie. Ils disent qu’il vaut mieux rester comme ils sont et ils attendent un miracle en quelque sorte », a engagé un garçon.

Une fille a rajouté qu’ils avaient un « grand manque de confiance en eux. De plus, une fois qu’ils ont ce manque de confiance en eux, c’est fini, ils ne voudront plus jamais rien faire. C’est encore une fois un cercle vicieux qui les empêche d’avancer. Une fois que tu ne t’attends plus à rien, tu attends que les choses se passent et viennent vers toi. Et à moins qu’il se passe un miracle, ils ne feront rien. »

Pour les défendre, un autre intervenant a dit : « Oui, mais regardez ces trois jeunes, ils sont à un arrêt de bus. Qu’est-ce qu’ils ont à faire à part traîner le soir ou aller dans des bars ? Quand ils sortent de l’école, ils n’ont rien à faire. Donc à force, ils tournent en rond, ils s’ennuient et le défaitisme arrive. »

Vous pouvez lire le témoignage de Thecle : pour elle, on n’est pas conditionné par sa classe sociale. Elle vient d’Argenteuil, a grandi dans une cité et a fréquenté un mauvais lycée. Elle s’en plaint, mais se bouge aussi pour s’en sortir.

« Ils disent être des pions, a ajouté quelqu’un pour les critiquer, mais moi, je ne suis pas d’accord. On est dans une société où il y a des dirigeants et des gens. S’ils arrêtaient de ne rien faire et qu’ils cherchaient à travailler davantage ou à faire des projets ; alors là ils deviendraient des acteurs de la société. »

La suite de ces échanges ? À vous de jouer ! N’hésitez surtout pas à poster des commentaires en rapport avec nos avis afin de nous donner vos propres conclusions.

 

Matthias C., 22 ans, étudiant, Reims

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1 réaction

  1. Vous croyez sincèrement obtempérer avec des jeunes de cités ?
    Eux n’ont pas la mentalité de fragiles, mais une mentalité du bled comme mon père…

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