Elliot C. 24/04/2017

Un long dimanche électoral

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Le second tour de la présidentielle opposera Macron à Le Pen. Apogée d'une longue période de campagne clôturée ce dimanche. Vote, soirée, disputes et appréhensions pour le 7 Mai, voici comment s'est passée ma soirée électorale.

Samedi 22 avril, 20h, Paris. Je prends le métro en direction des Abbesses, peut-être pour prendre un peu de hauteur avant ce dimanche électoral.

J’arrive au bar où j’ai longtemps travaillé. Mon ancien patron vient de vendre, une page se tourne pour lui comme pour nous tous. Déçu du dernier quinquennat, apeuré pour la suite, j’espère échapper le temps d’une nuit enivrée aux questionnements. Pas de chance, après quelques heures, l’élection refait surface. J’entends beaucoup de choses :

Des Mélenchonistes chevronnés, des « Macron Président !» et des silences très Fillon. Arthaud a aussi trouvé sa voix au détour d’une discussion. Tous se demandent s’ils doivent voter utile.

Un de mes anciens collègues préfère voter avec le cœur. « On verra bien après ! ». Et oui mais on préfèrerait ne pas avoir à voter contre au second tour. Alors on vote Macron ! Contre le FN ! Ouais… pas convaincu.

La nuit avance, les débats pas vraiment. Je me dis que le plus important c’est que ça intéresse, ça fait parler. A 26 ans, j’ai l’impression que les gens sont plus politisés qu’avant, mais j’étais peut-être trop jeune. Peu à peu, l’alcool et la musique aidant, on oublie, jusqu’au lendemain matin, que ça vient et on clôt ce bar qui nous a abrité durant ce quinquennat.

Dernière prise de tête avant de voter

Dimanche 23 avril, midi. Je me jette sur les journaux. Participation à 30%, comme en 2012. Peu d’infos utiles mais on cherche quand même. Un journal belge annonce déjà un Macron-Le Pen, c’est un peu tôt, tout est encore possible. Sur Facebook, chacun y va de son petit message. C’est un peu moins unanime qu’avant, ça m’angoisse. Alors j’en rajoute une couche puis finalement je me sors tout ça de la tête. Mon choix est fait, pas besoin d’en rajouter.

17h. Je me dirige vers mon bureau de vote, pièce d’identité en main. Sans hésitation je prends mes petits papiers, une enveloppe et 10mn plus tard me voilà dehors. A voté… Tous ces mois passés à se prendre la tête pour quelques minutes et une signature…

J’ai essayé de pronostiquer des choses en étudiant la hauteur des piles, j’ai même regardé dans la poubelle, mais rien à faire, pas d’indice !

19h. Je retrouve mes potes chez un couple d’amis après avoir joué à « qui a voté quoi » dans le bus. La bonne vieille soirée électorale quoi ! C’est traditionnel même à 26 ans ! Aux Pays-Bas, ils confirment Le Pen – Macron, quelqu’un de Radio France aussi. Je me dis que ça y est. En même temps je m’y attendais. Ferdi s’écrie passionné : « Il y a encore de l’espoir ! Les bureaux ferment à 20h ! » Mouais…

Et les finalistes sont…

20h. Raf crie BONNE ANNÉE en voyant le décompte. Ça décrispe mon visage le temps d’un sourire puis vient le constat : c’est bien eux. Sans surprise nous voyons les visages des finalistes, La Marine me fait froid dans le dos et viennent alors les premières réactions. Putain ! 22 % ! Même si on savait, on est choqué. Macron prend la tête, de très peu. Le quatuor est très serré. Encore la veille, tout était possible ; mais plus maintenant. On était tous d’accord pour le premier tour mais maintenant c’est autre chose.

21h. Ca fait une bonne heure qu’on débat sur la montée du FN, sur l’incroyable percée de Macron, sur Fillon et Mélenchon, sur un PS à 6%. Dupont-Aignan ne sera pas remboursé, Cheminade était drôle, on pensait que Poutou ferait plus. En attendant, France 2 nous irradie de personnalités aux discours identiques : contre le FN, en bons républicains, on va tous voter Macron. Retour vers le futur version 2002.

Moi je suis sûr que Macron c’est Le Pen en 2022, ça lance un premier débat, je ne fais pas l’unanimité. On est tous très calmes malgré la déception.

Les candidats s’expriment, toutes les réactions sont attendues, les discours connus, fini les pronostics et les doux rêves d’un changement de la politique. Si « En Marche ! » est un nouveau mouvement, la machine politique reprend son rythme médiatique millimétré.

Nouveau tour, nouveau débat

23h. On commence à s’affaisser quand un autre couple d’amis arrive. Antoine est remonté, il entre en gueulant. C’est le seul qui n’a pas voté comme nous et les résultats, ça l’énerve. On recommence tout à zéro, je me dis que ça va être comme ça pendant quelques jours. Et puis vient la question fatidique : on va voter pour Macron alors ?

Et là c’est l’explosion. Certains s’y refusent. Antoine s’énerve de plus belle. Il faut faire barrage ! Le FN c’est pas possible. En même temps on en a marre de voter contre, on veut pas de Macron non plus, alors on vote blanc ?

Les esprits s’échauffent et la tension monte. Rien de tel que la politique pour s’embrouiller. Passion française à ce qu’il paraît.

Finalement, le petit groupe se divise en deux. Les anti-FN et les anti-barrages. On pèse le pour et le contre, on revient sur les perdants, lui il aurait pu si… Oui mais lui… Et le vote utile ça a détruit machin… Mais alors on vote qui putain ? Et nous voilà pris, comme les journalistes et les politiciens, dans la grande question du second tour : Macron ou personne semblent être les seuls choix.

00h. On finit tous par se calmer. On a encore deux semaines pour se décider, mais le choix n’en est plus un. Une fois de plus on se sent tous volés. Et en rentrant je repense à la veille au soir, chargée d’espoir et d’incertitude. Une vie politique diversifiée réduite, le temps d’un vote, à un duel qui ne nous convient pas.

Il est 1h du mat, nous sommes lundi 24 avril et on attend maintenant le second tour.

 

Elliot, 26 ans, journaliste, Paris

Crédit photo Flickr // CC Pietro Piupparco

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