Fanny L. 10/08/2017

À 15 ans, je suis en total décalage avec ma génération !

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Au lycée, Fanny ne trouve pas sa place au milieu des ados de son âge. Comment assumer de ne pas se fondre dans la « masse » ?

Je crois que je n’ai jamais été à l’aise avec les gens de mon âge. Il y a toujours eu cet immense fossé entre nous. J’arrive à m’entendre avec eux, d’ailleurs je suis plutôt sociable, mais j’ai toujours l’impression que ce n’est pas moi. L’impression d’enfiler ce masque tous les matins : celui d’une adolescente de 15 ans.

Pourtant, jusqu’en quatrième, j’arrivais facilement à me fondre dans la masse. Mais à un moment, j’ai changé. Je suis devenue mature, tout simplement. Cela ne veut pas dire que j’ai arrêté d’être folle, de rigoler, de rester une enfant. Mais disons que j’ai pris conscience de certaines choses : du sexisme, du racisme, de l’homophobie, de la manipulation, du capitalisme, de la politique et de plein d’autres choses…

J’ai changé et pensais que les autres allaient finir par me rattraper

Tout me révoltait et c’était une incroyable sensation que de se sentir en vie. Du côté des autres, rien n’avait changé.

Les garçons parlaient de sexe, les filles chantaient des chansons qui les insultaient, Léo continuait à se faire harceler, on entendait toujours les mêmes rumeurs sur les filles et on faisait tout pour ne pas passer pour un intello.

J’ai tenté de changer les choses. J’ai mis une gifle à un garçon qui me disait « Ta gueule », parce que la banalisation des insultes, j’en avais plus que marre. J’ai quitté ce gros macho qui me servait de copain, j’ai été manifesté, j’ai porté des t-shirts anarchistes. Je me suis mise à écouter du rock, à aller à des concerts, des expos. Disons que j’ai changé, peut-être pas de la meilleure manière, mais j’ai changé. Et je me sentais vraiment en décalage avec ma génération. Les seules discussions qui m’intéressaient étaient avec les amis de mon frère, qui ont trois ans de plus que moi. Je pensais que les autres allaient finir par me rattraper (non que je me prenne pour un être supérieur, mais j’en avais un peu ma claque de me sentir seule). Mais non, ils n’ont pas tellement l’air d’être motivés pour être matures.

Et ce n’est pas qu’une question de maturité, parce qu’après tout, la définition varie en fonction des personnes. C’est plus que je trouve que les jeunes ne sont plus intéressés par rien. Rien ne les choque. Rien ne les révolte. Ils twittent un attentat et parlent de la nourriture de la cantine le lendemain. Ils vont au cinéma pour voir Fast and Furious et ne savent même pas ce qu’est le festival de Cannes. Et surtout, ils sont intolérants. Des garçons se font quotidiennement traiter de PD et les filles de putes.

Et si on arrêtait de se fondre dans la masse ?

Alors bien sur, tout ce que je dis, ce sont des généralités. Durant la campagne présidentielle par exemple, le mec qui s’habille en survet’ et qui se la joue gars de la cité a été capable de me citer tous les programmes politiques des candidats à l’élection présidentielle. Il avait une opinion et ne se contentait pas de l’avis de ses parents. On a réussi à avoir une vraie discussion, pas forcément ces banalités qu’on échange généralement au lycée. Et ça m’a fait du bien de pouvoir pour une fois donner mon avis.

Parce que je joue un rôle aussi.

J’ai arrêté de me la jouer révoltée quand j’ai compris que cela m’éloignait des autres. Je suis dans un lycée où pour survivre, il faut se fondre dans la masse.

Et la masse, elle parle mal, elle insulte, elle a de mauvais résultats, elle s’habille à la mode, elle a des formes et elle est belle.

La masse, elle a une vie sociale, des réseaux sociaux, 100 « j’aime » sur ses photos Instagram. Elle pervertit sa vie sur Snapchat. La masse, elle est connectée, la masse c’est pas un bolosse et surtout, la masse, elle s’en fout de tout, parce que de toute façon, la vie est pourrie.

J’ai arrêté de me la jouer révoltée quand j’ai compris que cela m’éloignait des autres. Je suis dans un lycée où pour survivre, il faut se fondre dans la masse.

Voilà dans quelle génération je vis. Voilà ce que je fais au quotidien. Je souris à tout le monde. Je parle fort. Je me plains des cours. Je fais la bise. J’embrasse mon copain. Je rigole. Mais finalement, est-ce que je connais les gens ? Est-ce que les gens me connaissent ? Fait-on tous semblant d’être idiots ou le sommes-nous vraiment ? Quand les jeunes vont-ils comprendre qu’être adolescent, ce n’est pas seulement suivre les autres, mais aussi changer et agir par soi-même ?

Je sais bien que ces quelques mots ne vont pas changer grand chose, mais si je devais dire quelque chose à ma génération je leur dirais : arrêtez d’avoir peur d’être qui vous êtes !

Je vois des jeunes de 20 ans sortir dans la rue pour manifester. Je vois des jeunes de 15 ans qui ne croient plus, qui n’aiment plus, qui sont indifférents, qui ne rêvent plus. Mais alors, qu’est-ce que ce sera plus tard ?

Fanny, 15 ans, lycéenne, Paris

Crédit photo CC Ellen De Vos // Flickr

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10 réactions

  1. Pour Mailys, si tu me retrouves deux ans plus tard:
    @iam_lou_alxr .

  2. Salut ,
    Je m’appelle Sarah j’ai 17 ans ! Et moi aussi je me sens exclue de la société ( et du lycée ). J’ai des amis mais qui sans foute de moi. Comme tu l’as dit Lou elle surfe sur tiktok et leurs téléphones quand je parle elles m’écoutent pas. Quand elles ont des mauvaises notes j’essaie de leurs remonter le moral et elles me disent  » bah ça va toi tu es une intello » ce que ça m’énerve ça ! C’est vraiment dur quand tu es plus mature que les gens de ton âge je le sais j’en ai fait les frais !

    Je vous souhaite à tous bon courage.
    Si vous avez besoin d’en parler n’hésitez pas.C’est compliqué de parler de ça car les gens nous comprenne pas !

  3. salut, j’ai 14 ANS ,et je me reconnais parfaitement dans tout ce que tu dit,vraiment cela ma soulagé,je sais qu’il existe des personnes comme moi,puisque que j’en ai rencontré dans mon établissement privée,d’ailleur en général la mentalité est différente dans les établissement privée,enfin bref moi aussi j’en assez de cette société profondément malade,quand je sortais dehors, j’avais la constante impression d’être dépaysé ,dès la 6eme ma mère m’a casé dans un petit établissement privée strict ,bien encadrer ,à cette époque ,je ne comprenais pas pourquoi ,mais en croisant mes anciens camarades de nombreuse fois dans la rues,j’ai toute suite compris,les enfants insouciant sans aucune compréhension du monde et de la vie ,vivant de rêve, c’était littéralement métamorphosé,ne vivant que par les réseau sociaux,la banalisation des insultes,des conversation déplacé voir malsaine ,vide sans aucun but ,ne voulant que percé,ce phénomène me terrifiait,et je me suis même demandé si les réseau n’avait pas pour but d’endormir la jeune génération ,d’ailleur avec ma bande d’amis on à souvent des conversation existentielle sur la société,moi j’ai presque 15 ans et je n’ai pas de téléphone avant 18 ans ,pas de réseau,étant plus jeune je me plaignais de cette éducation trop stricte,mais aujourd’hui je suis reconnaissante vraiment,je me sentais seul au monde,je me demandais les yeux larmoyant qu’est ce qui ne vas pas chez moi,la pression d’être différente,d’être perché, à côté de la plaque,seul dans mes états d’âme ,je ne faisais que me morfondre,lire et écrire sont mes hobbies ,c’est ma vie ,mon âme ,je ne serais subsister sans ce monde imaginaire qui me permets de m’échapper de cette triste réalité ,étant plus jeune ,je pensais m’isoler du monde, en me réfugiant le plus loin possible de ce monde de fou,mais c’est lâche,je vais me battre ,imposer ma différence ,je vais tout donné

  4. Bonjour Maïlys,

    C’est déjà un super pas en avant que d’en parler ici.
    Je te conseille aussi d’appeler « Allo Ecoute Ado », 06 12 20 34 71, nous les connaissons bien et ils sont très à l’écoute de ces problématiques et sauront te conseiller.
    Courage à toi et à tous.tes,

    L’équipe de la ZEP

  5. Salut Lou,
    Je m’appelle Maïlys et vis la même chose que toi et que vous tous d’ailleurs!
    La (peut-être) différence c’est que moi je suis en grosse dépression entre autres à cause de ça.( scarification, tentatives de suicide)
    Je cherche également une personne avec qui parler!
    Tu peux me donner ton mail, ton snap, whatsapp….
    Beaucoup de courage à vous tous!
    Pour ma part je rêve d’un collège lycée rien que pour nous!
    Maïlys, 15 ans, Côtes d’Armor

  6. Salut
    Merci infiniment pour ce témoignage.
    Je me sens exactement comme toi et il y a tellement de choses à dire sur notre condition mentale et sociale.
    Tu es la première personne à me faire réaliser que d’autres peuvent aussi se sentir aussi décalés que moi.
    Je ne peux pas mieux dire et ça m’a fait beaucoup de bien de lire et vivre ton expérience pendant quelques minutes.
    Le soucis ou du moins la différence et réelle mais seulement ça ne m’aide toujours pas à améliorer ma situation…
    Je suis en seconde mais je me sens comme si je pouvais avoir 19 ans et en fac de langues. Oui moi mon truc c’est les langues étrangères et la communication dans ce sens, et c’est d’ailleurs ce qui m’aide à m’évader et me sentir voler, comme si j’étais toute légère sur un nuage.
    Je pense et repense et rerepense à mon avenir et mes études, je sais déjà les EDS que je veux prendre et j’attends qu’une chose c’est de pouvoir étudier quelque chose qui me plait réellement.
    Mes copines elles sont cool mais déjà elles aiment pas trop bosser, elles savent pas du tout ce qu’elles veulent faire et elle regardent des tiktoks h24 (g pas tiktok), à la cantine elles font les difficiles et c’est parfois compliqué pour moi de ne rien dire à ce niveau.
    Je pourrais écrire un roman mais je ne le souhaite pas là maintenant, je voulais juste partager mon expérience et surtout ma vision des choses qui est « si avancée et mature » par rapport aux autres de mon âge (15 ans, 2nde).
    Merci encore et j’attends cependant des conseils afin de mieux vivre cette différence qui me rend les contacts amicaux parfois difficiles, même si les autres ne le vois pas. Une de mes copines pour rire mais quand même m’appelle « La Daronne ». c’est vrai que je fais des réflexions et que j’agis de manière plus femme mais c’est aussi une réalité et qui je suis réellement.

    Merci merci
    Je vous envoie tout mon courage à celles et ceux qui sont dans ma situation, car c’est bien le mot, il faut du courage pour vivre comme cela (même si évidemment nous ne sommes pas non plus SDF).

    Lou,
    15 ans
    Lycéenne à la recherche de qqn qui me comprend et qui ne me juge pas, (« éventuellement plus âgé puisque les autres sont « immatures ».)

  7. Vraiment le genre de témoignage dont j’avais besoin. Je me sens constamment à l’écart des gens, plus mature, plus réfléchie. C’est super compliqué à gérer mais ça fait du bien de voir que d’autres vivent la même chose. Je pourrais en parler pendant des heures mais je crois que tout a déjà été dit.

  8. Je n’aurais peut-être pas qualifié de pervertion au niveau de SnapChat puisqu’en deux ans seulement, leur vie, C’EST SnapChat. Ils commencent par se lever, leur téléphone à la main pour une selfie « 6h43 », vont déjeuner pour une photo « p’tit déj », vont dans le bus avec « j’aaarriiive » ou « #tristesse #lycée », sont en cours pour se parler de table en table via le téléphone derrière la trousse etc… etc… etc…
    J’en passe parce que cela me déprime.
    La génération dans laquelle on vit aujourd’hui est virtuelle. Allez parler à une personne avec son téléphone dans la cour est mission impossible si vous ne voulez pas le déranger dans sa conversation ULTRA-importante avec son pote assis à 20mètres… -_-
    J’ai décidé de n’utiliser mon portable qu’en cas d’impossibilité de voir la personne en question car si c’est pour finir comme eux, je passe mon tour…

    (Pour les sceptiques : je pensais aussi que c’était des clichés avant d’entrer au lycée… Maintenant, j’ai pitié d’eux et perdu foi en la capacité de cette génération d’être raisonnable au niveau réseaux sociaux.)

    Hugo, 16ans
    Lycéen en quête d’un Triple Cheese Bacon

  9. Je suis heureuse de savoir que des personnes comme toi existe encore malgré cette génération.
    Qu’il veille sur toi

  10. Yeah, je retrouve le manga Debaser dans ce que tu racontes !

    Tout le monde n’a pas le courage de sortir de la masse. Continue d’être toi même, tout les jours un peu plus. Donne un coup de main à ceux que tu rencontres et qui s’aventurent sur ce chemin. Mais ne te fatigue pas avec les autres au delà du masque pour cohabiter avec eux. Reste chaleureusement indifférente, ils ne méritent pas plus.

    Courage, et amuse-toi bien 😉

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