Wall M. 20/01/2018

Plutôt que de dealer, j’ai choisi d’étudier

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Ado, j'ai dû faire un choix : faire "du business" et de l'argent "facile" ou suivre des études et rester dans les clous de la légalité...

J’ai grandi dans une cité entre le 12ème et le 20ème arrondissement de Paris. Dans mon collège, intégrer une filière générale au lycée était un challenge pour tous. Seulement trois ou quatre personnes par classe chaque année.

Moi, j’ai toujours été attiré par le métier de commercial. Le challenge de vendre et de convaincre une personne m’intéressait beaucoup.

J’avais les notes pour aller en général… mais d’après la conseillère d’orientation c’était mieux que je fasse une seconde professionnelle en gestion administration ou commerce.

Pour mes amis les études n’avaient pas d’importance. Ils avaient tous des préjugés. Ils disaient : « L’école, c’est pas pour nous », « De toute façon on est des étrangers, on va jamais réussir ».

Ils ont tous arrêté l’école en Seconde et ils ont commencé des petits business illicites. Je les voyais faire beaucoup d’argent et bien s’habiller. La tentation de les suivre était énorme : ils n’ont jamais cherché à m’entrainer, mais je me posais toujours la question : est-ce que j’les suis ou pas ?

Je les comprenais : quand à 15 ans tu peux toucher 3000 € par mois, pourquoi aller à l’école ? À cet âge-là, on ne pense pas à l’avenir. On se dit qu’on va faire ça toute notre vie.

Pas question de décevoir mes parents !

J’aimais bien m’habiller, être à la mode, partir en vacances. Mais mes parents ne travaillent pas. Ils ne peuvent pas vraiment se permettre de m’acheter des chaussures à 250 €. Chez moi, 300 €, c’est le budget par mois pour manger, payer les factures de téléphone… pour quatre personnes !

Il faut se débrouiller seul et la solution est juste en bas de la cité. De ma fenêtre, au 5ème étage, je voyais l’argent rentrer, les jeunes qui venaient acheter de la weed, au moins 500 jeunes par jour. Je me rappelle, avec un pote, on jouait au foot en bas et ça nous arrivait de nous faire 100 € tellement facilement ! Il suffisait de prendre un sac à 3 ou 4 stations de métro de la nôtre, de le donner à une personne qui attendait à la sortie et voilà : 50 € chacun dans la poche !

Mais pour moi, hors de question de décevoir mes parents ! Ils étaient venus en France depuis l’Algérie pour que j’aie un bon avenir. Ils avaient une belle vie et ont tout sacrifié pour mon petit frère et moi. Là-bas, ma mère n’a jamais manqué de rien. Elle travaillait chez Peugeot en temps que chef d’administration des ventes et mon père était commercial dans une usine pharmaceutique.

Mes parents n’ayant pas grandi en France, ils n’ont pas pu me conseiller plus que ça, mais ils m’ont toujours dit : « Fais ce qui te plaît le plus. » Ils n’ont jamais voulu m’imposer un métier.

Acheter une plaquette, la détailler…

Du coup je n’ai pas suivi mes amis. L’illégal, c’est la prison. Beaucoup y sont passés, mais je suis toujours ami avec deux personnes qui ont su s’arrêter au bon moment. J’ai obtenu mon bac gestion administration avec mention.

On est mis dans des cases et c’est horrible d’en sortir. Il y a des moments de remise en question où l’on se demande ce que l’on deviendra.

Cette putain de question a hanté mes nuits pendant cinq mois ! Quand j’ai vu qu’aucun de mes voeux APB n’était validé, j’ai vu ma vie partir en couille, petit à petit.

Je me réveillais à 13h. Je restais jusqu’à 3 ou 4h dehors avec mes potes. Je ne branlais rien. Et j’ai vraiment hésité à me tourner vers l’illégal : acheter une plaquette, la détailler, me faire des clients et vendre.

Je me demandais de quoi j’étais capable. J’ai dû avoir un moral de guerrier pour ne rien lâcher.

Aujourd’hui je travaille à Fiveguys, un fast food, et je suis scolarisé. Mes amis ne font rien d’illicite et ont tous décroché un CDI ou repris leur études. Apparemment, la maturité fait des miracles.

 

Wall M., 21 ans, étudiant à l’université Paris Descartes

Crédit photo La Haine (1995)

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