Viff A. 13/08/2019

J’aurais pas dû traîner avec les gars d’un autre quartier

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De sortie dans Bondy, j'ai été agressé avec des amis de Noisy-le-Sec par des vieux copains du quartier. Depuis, je n'ose plus trop traîner dans ma propre ville.

Le jour de mes 18 ans, je me rendais au Wok de Bondy pour passer une bonne soirée accompagné de mes meilleurs amis Yanis, Ali et Bilel. Tout se passait bien, je venais de passer une superbe première journée en tant que majeur et rien n’aurait pu la gâcher, du moins, c’est ce que je croyais. Vers 21h, sur le parvis du magasin Tati au bord de la N3, on avançait tranquillement et en blaguant, quand on a été interpellés. Je me suis retourné et j’ai à peine eu le temps d’apercevoir la silhouette de l’homme avant qu’il me bouscule et se mette à crier pour ameuter le reste de son équipe.

En moins d’une seconde, Yanis, Ali, Bilel et moi étions encerclés par une quinzaine de gars qui n’étaient visiblement pas là pour rigoler avec nous. Ils sont venus vers moi pour que je leur donne ce que j’avais. Ce soir-là, j’étais d’ailleurs assez bien habillé, ainsi que mes potes. C’est sûrement nos portables et nos sacoches qu’ils voulaient. J’ai d’abord refusé de leur donner ce que j’avais quand j’en ai frappé un. À ce moment-là, ils ont lâché mes potes et se sont tous mis autour de moi, et j’ai reconnu des personnes.

Ces mecs, je les ai connus petits. Je jouais au foot avec eux. Étant petits, on était assez potes. C’était des anciens voisins à moi. On s’est connus à peu près pendant les années collège puis certains ont déménagé au nord de la ville, ce qui nous a séparés. Les reconnaître m’a fait un petit pincement au cœur, mais bon, c’est la vie. Je ne sais pas par contre si eux m’ont reconnu.

Les insultes fusaient étant donné que je suis un gars de Bondy et que je traînais avec des gars de Noisy. Ils me considéraient comme un traître. Je ne comprenais plus trop ce qui m’arrivait. Ça m’a un peu étonné mais à Bondy, c’est comme ça. T’as beau connaître les mecs, si tu traînes pas H24 avec eux, ils te considèrent comme un inconnu. C’est comme, si tu viens de Bondy Nord, t’as beau habiter dans la même ville, tu viens pas à Bondy Sud seul. C’est assez tendu entre le Nord et le Sud de notre ville. Moi-même, j’évite d’aller à Bondy Nord. Ça a beau être ma ville, je n’y vais pas, je ne prends pas le risque.

Je peux plus traîner dans mon propre quartier

À un moment, la police est passée. Ils se sont simplement arrêtés et ont baissé leur vitre. La police a bien compris ce qui se passait mais n’est pas intervenue. Heureusement, grâce à ce petit moment d’inattention, on a pu rentrer dans le Tati et ressortir de l’autre côté. J’ai rien perdu. Yanis et Bilel si. On a quand même passé la soirée ensemble. J’ai eu la haine toute la soirée. J’étais en colère. Mes amis, eux, s’en foutaient et c’est ce qui m’a encore plus mis les nerfs.

J’ai aussi eu la haine contre la police qui n’a rien fait. Je ne sais pas pourquoi ils n’ont pas réagi, ça m’a surpris et assez déçu sur le coup, et j’ai compris un peu pourquoi les grands, ils n’aimaient pas les flics. Je les ai insultés dans ma tête assez longtemps d’ailleurs… Je ne sais pas trop si les embrouilles de quartier sont trop dures à gérer pour la police ou si ils s’en foutent tout simplement.

Quelques jours plus tard, on est allés se venger ! On a fait simple. On a prévenu un de nos grands assez connu dans Bondy, il a réuni une équipe et on les a frappés. Sur un coup de tête. C’était important pour notre « fierté » de se venger même si au fond de nous, on sait très bien que c’était débile. Cette vengeance ne nous a rien apporté. En plus de ça, le mal était déjà fait.

Quand son quartier devient pesant… c’est peut-être qu’il faut en partir ? Maes, c’est pas le quartier qui le quitte, c’est lui qui quitte le quartier ! 

Il y a clairement eu un avant et un après. Déjà, je ne peux plus trop traîner à Noisy. En plus, je suis limité dans ma propre ville. Je me suis réellement senti mal quand ma mère a remarqué des petits détails (les arrêts des bus où je descendais, etc.) et je me suis dit que je devais arrêter tout ça. Depuis je me suis clairement calmé mais j’ai l’impression qu’une fois que ça a commencé, ça ne peut qu’aller de pire en pire et qu’on ne peut plus jamais stopper ce cercle vicieux. Si j’avais su avant, je ne me serais pas laissé emporter par la rue.

 

Viff, 18 ans, lycéen, Bondy

Crédit photo Pexels // CC Karabo Lengwadi

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