Arthur L. 12/01/2020

1/4 Agriculteur, ce n’est pas l’Amour est dans le pré !

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Fils d'agriculteur et fier de l'être, Arthur veut rétablir la vérité autour de ce métier si souvent critiqué.

Mon père est agriculteur, il est pauvre. Il n’aime pas prendre de douche car il préfère le mode de vie de ses animaux et prône un retour à la nature. Mon père travaille quatorze heures par jour. Il est un peu simplet, très raciste et il s’appelle Gérard Bouseux. Ma mère, Catherine Bouseux (nom de mariage mais aussi de jeune fille, car mes parents sont cousins), n’a pas de travail à côté. Elle l’aide sur la ferme, mais fait bien évidemment surtout la popote et le ménage. Ils se sont rencontrés dans l’émission L’Amour est dans le pré et vivent, depuis, un amour simple et vrai…

Cette histoire est fausse. La seule chose vraie, c’est que je suis fils d’agriculteur.

Pourtant, à travers tous les clichés que véhiculent mes amis, les médias, les émissions de télé, je n’ose parfois pas dire la profession de mes parents, de peur du jugement des autres. Au collège, je prenais un bus scolaire qui me déposait devant la ferme de mon père. Mes camarades de bus m’ont donc appelé « le fermier » pendant quatre ans. J’habitais à 20-25 minutes de Nantes. Dans un patelin de quatre maisons.

Au retour d’un entraînement duquel la maman d’un coéquipier me ramenait, il m’a demandé si ce n’était pas trop difficile d’être pauvre.

J’entends beaucoup de clichés !

Au lycée, je suis allé en ville pour effectuer une option sport et les problématiques ont évolué : j’étais considéré dans certains groupe d’amis comme quelqu’un de démodé, qui n’avait pas conscience des enjeux de sauvegarde de la planète. Car, bien sûr, l’élevage est la plus grande cause de pollution dans le monde et les rejets de CO2 des voitures et des entreprises fabriquent des papillons !!!

Je suis conscient que certaines pratiques, comme l’élevage de masse, sont en effet très polluantes, mais je trouve qu’on les incrimine beaucoup par rapport aux entreprises qui polluent les lacs ou par rapport au nombre de voitures en ville. Mon père, lui, a une exploitation « modérée » : c’est presque bio, c’est juste que les normes bio sont vraiment chiantes quand on creuse sur le fond (les questions de superficie, de terrain, c’est pas qu’une histoire d’engrais et de pesticides !). C’est un élevage moyen, il a 160 bovins et, surtout, mon père a la même vie que tout le monde.

Je n’ai plus honte de dire que je suis fils d’agriculteur

Pour lui, une journée type, c’est commencer à 8 heures et nourrir les animaux qui se trouvent dans le bâtiment. À 9 h 30, il fait le tour des champs pour voir si toutes les vaches ont de l’eau, de la nourriture. Il change de champ les vaches qui en ont besoin. Il revient à 13 heures et mange jusqu’à 14 heures. II fait une sieste jusqu’à 15 heures. Il fait des travaux divers jusqu’à 17 heures. Il nourrit une deuxième et dernière fois les vaches jusqu’à 18 h 30 et sa journée se finit.

Série 2/4 – Apprenti dans une ferme céréalière, Gabin constate le décalage entre les clichés sur les agriculteurs·trices et la réalité.

Au premier plan, il y a des verres qui trinquent et une personne qui fait de la mécanique. En arrière-plan, un agriculteur est sur son téléphone. Au loin, on retrouve un tracteur.

En moyenne, il gagne 2 000 euros par mois. C’est largement assez pour avoir une vie décente. Il prend une douche tous les soirs et utilise du shampoing (goût noix de coco). Il embauche à 8 heures et finit à 18 heures, ensuite il regarde le journal d’Arte. Mes parents aiment aller en ville, au cinéma ou au théâtre. Ils ont un super groupe d’amis qui ont tous types de professions. Ma mère a son travail à côté et mon père cuisine ! De temps en temps hein, tout ne peut pas être parfait non plus…

Tout ça pour dire que je n’ai plus honte de dire que je suis fils d’agriculteur.

Arthur, 19 ans, volontaire en service civique, Nantes

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

L’agriculture en pleine transformation

Une profession qui se meurt

Dans moins de dix ans, la moitié des agriculteurs·trices partiront à la retraite. Un départ sur trois seulement sera remplacé. Il y a quatre fois moins d’agriculteurs·trices qu’il y a quarante ans, et 100 000 exploitations agricoles ont disparu depuis 2010. En cause, la pénibilité, les infrastructures trop chères, les salaires trop faibles, mais aussi le changement climatique et ses conséquences…

Objectif, attirer les jeunes

Le ministère de l’Agriculture mise tout sur les jeunes. Via sa campagne « Entrepreneurs du vivant »­, il sponsorise des influenceurs·euses pour dépoussiérer l’image de ces métiers : Amixem passe une journée à la ferme et Juste Zoé plante un potager. Un tournoi sur le jeu Farming Simulator a même été organisé en décembre sur Twitch.

Féminisme agricole

À l’heure où la profession se féminise, les agricultrices sont de plus en plus nombreuses à lutter pour une meilleure reconnaissance et les mêmes droits que les hommes, longtemps considérés comme seuls chefs des exploitations. « [Elles] ont longtemps été des travailleuses invisibles, absentes des statistiques ; elles ne travaillaient pas, elles aidaient leurs maris », reconnaît un rapport du Sénat en 2017.

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