ZEP 15/09/2020

Hôte.sse.s d’accueil : on n’est ni des objets ni des punching-balls

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Notre métier, c'est hôte.sse d'accueil. Lors de nos missions, on subit entre autres sexisme et grossophobie... toujours avec le sourire et sans rien dire.

@Lola. Trois ans de « métier », trois agences différentes, des dizaines de missions effectuées dans près de dix lieux. Même après toutes ces expériences, l’idée que je me fais de l’univers de ce job d’hôtesse d’accueil reste la même : on évolue dans un milieu où l’apparence est la préoccupation principale et où l’apologie de la conformité est faite. Conformité qui tend trop souvent vers le rétrograde, surtout en ce qui concerne les femmes. L’uniforme de rigueur est généralement le suivant : robe, chignon, rouge à lèvre rouge et talons hauts. Cette tenue censée « mettre en valeur », mais qui nous expose plus aux commentaires déplacés de certains clients qu’autre chose. 

@Marie. Être hôtesse d’accueil c’est déjà difficile, mais être hôtesse d’accueil et faire une taille 42 c’est presque impossible. Il y a un an, je me suis présentée à un entretien au sein d’une agence avec un CV identique (qui mettait notamment en avant les quatre langues que je parle) à celui d’une amie. Seulement voilà, elle faisait du 36 et moi du 44. Devinez qui ils n’ont pas retenue… Le plus drôle c’est que, quelques mois plus tard, je retente ma chance avec le même CV et cinq kilos en moins et là, miracle, je suis prise. C’est extrêmement triste de se dire que, peu importe tes compétences d’accueil ou tes capacités linguistiques, le physique prime sur tout.

« Tu as l’air gros dans ton costume, il serait temps de le changer »

@Axel. Accepter d’être hôte.sse.s d’accueil, c’est accepter d’être jugé.e en permanence. C’est un métier de présentation, et ça tu le sais quand tu signes ton contrat… Oui, mais voilà quand tu signes, tu n’imagines pas que tu vas faire face à des remarques désobligeantes de la part des client.e.s. Qu’après un « bonjour monsieur », la personne se sentira assez à l’aise, ou plutôt tellement supérieure à toi, qu’elle sera capable de te répondre que « tu as l’air gros dans ton costume, il serait temps de le changer ». 

@Marie. Même si t’arrives à dépasser le stade de l’entretien physique, le parcours reste semé d’embûches pour les tailles 40 et plus. Les postes qui sont les plus visibles ne te seront jamais attribués car, sur le papier, tu ne rentres pas dans les critères physiques stéréotypés imposés par les entreprises louant nos services. On te mettra toujours à l’arrière, au vestiaire ; tous les endroits ayant le potentiel de masquer ton corps. 

Pour ce qui est des uniformes, n’ose même pas espérer trouver une taille au-dessus du 40 considérée comme XL par les agences. T’as beau avoir renseigné tes mensurations en amont de la mission, tu te retrouveras quand même avec une jupe noire taille 38 qui révèle les 3/4 de ton postérieur. Tenue simple qui devient vulgaire et qui entraîne les commentaires sexistes et désobligeants qui vont avec, parfois pendant huit heures d’affilée. Ce qui est dommage, c’est que les agences ne se rendent pas compte qu’en procédant ainsi elles ternissent elles-mêmes leur image. 

« Bon, je ramène laquelle chez moi ce soir ? »

@Lola. Le parfait exemple du genre de commentaires que subissent les hôtesses ? « Elles sont mignonnes les hôtesses ce soir », « Vous êtes très jolie mademoiselle », accompagnés du petit sourire pervers qui va bien avec. C’est monnaie courante dans le milieu et, malheureusement, tout ce que tu peux faire c’est sourire, tendre le programme du concert, et lui souhaiter une agréable soirée. Bien sûr, le management de chaque mission nous dit la même chose : « Si un client est trop lourd ou s’adresse à vous de façon déplacée, venez nous voir. » C’est bien beau sur le principe, mais quand on fait face à des dizaines de remarques sexistes par mission, c’est un peu compliqué d’aller voir votre supérieur tous les quarts d’heure. 

Pour Konbini,  suite au hashtag #PasTaPotiche, Laura Jovignot avait raconté les conditions de travail dégradantes, discriminantes et sexistes de son métier d’hôtesse d’accueil.

 

@Axel. Quand tu signes pour ce job, tu n’acceptes pas non plus d’être confronté au racisme. Afrodescendant, je fais en permanence face à des regards, des attitudes et des injonctions racistes. Notamment quand je suis dans mon costume de travail. Lorsque je souris à certaines personnes, leur faisant comprendre de faire contrôler leurs billets avec moi, elles vont préférer se diriger plutôt vers mes collègues blanc.he.s alors qu’il y a une énorme queue devant eux. Tout ça bien sûr en me regardant avec dédain de haut en bas.

Un homme a même osé un jour dire être content du comité d’accueil qui lui était réservé, tout en me montrant du doigt en me disant « sauf de vous ». Alors vous vous dites sûrement, mais pourquoi tu ne réagis pas ? Dans la vie, j’aurais bondi. Mais en tant qu’hôte, je me suis auto-conditionné en-dessous de ces gens. Tu te dis que c’est ton job de sourire, que c’était à prévoir, et qu’il ne faut pas s’énerver car sinon tu perdras ton travail… 

@Lola. Le plus dégoûtant que j’ai vécu était probablement au Stade de France. Des clients d’une loge VIP bourrés ont essayé de m’inviter à boire un verre. Au début c’est marrant de les voir comme ça, on se dit qu’ils ne sont pas méchants. Jusqu’à ce que certains se lancent dans des remarques plus que déplacées comme : « Vous avez pas un autre cadeau pour moi ? », « Bon, je ramène laquelle chez moi ce soir ? » Même si t’es plus que gênée, tu peux juste leur donner leur sac cadeau et leur souhaiter une bonne soirée. Parce que tu travailles et que tu veux faire d’autres missions. Donc il ne vaut mieux pas faire de vagues. 

Pourquoi garde-t-on le silence ? Par peur d’être blacklistés

@Axel. Il y a une culture du silence dans ce métier. Personne ne nous dit réellement de ne pas nous plaindre. Mais chacun sait que l’on est plus facilement exposé.e.s à la discrimination et la violence verbale. Souvent, nos chef.fe.s ont eux-mêmes été hôte.sse.s, et ont donc vécu ce que l’on raconte. Pourtant, lors des formations, on ne nous parle pas de ces sujets, de comment réagir lorsqu’on subit ces violences.

Je pense que le problème vient de l’évidence et de la récurrence. Chacun.e sait, chacun.e les vit ou les a vécues à sa manière, donc on normalise ces situations. Et on se dit que ça ne vaut pas la peine d’en parler car on les revivra sûrement demain. En plus, nous qui sommes souvent étudiant.e.s, on a besoin de ce travail et de cet argent. 

@Marie. On garde le silence par peur d’être blacklistés. Dans le monde de l’hôtessariat, tout le monde se connaît. Alors si t’es mal vu par une agence, tu peux vite te retrouver sans alternative. D’autant plus que les ragots et potins fusent constamment. Puis, on est tellement facilement remplaçable. Les missions sont simples, n’importe qui peut faire ce job. Et il y a bien des avantages à être hôtesse : les horaires flexibles, un salaire correct, le manque d’engagement nécessaire.

Amandine faisait des livraisons en camion pour une boîte. Mais entre le harcèlement sexuel, les menaces et les mauvaises conditions de travail, elle a préféré quitter ce « métier d’hommes ».

@Axel. Bien sûr, ce métier n’a pas que des aspects négatifs. Beaucoup de client.e.s sont aussi adorables avec nous, mais il faut les éduquer, leur faire comprendre que, oui, nous sommes là pour les aider, les orienter, mais pas là pour les servir. Que les femmes ne sont pas leurs esclaves sexuelles, et que nous ne sommes pas non plus leur punching-ball…

 

Lola, Marie et Axel – 21 à 25 ans

Crédit photo Hans Lucas // © Nicolas Messyasz (Série : Mondial de l’automobile 2016)

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