Marriah G. 19/09/2020

Handicap : la ville m’invalide

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Le mobilier urbain et les regards des gens me rappellent constamment mon handicap. J'ai développé des techniques de compensation afin de ne pas me laisser ronger par les émotions négatives que cela suscite.

Vous savez quoi ? L’activité la plus normale pour vous est devenue la plus compliquée pour moi, à cause de mon handicap. J’ai besoin d’outils médicaux pour m’aider à marcher depuis cinq ou six ans parce que, à 15 ans, j’ai perdu une jambe. Entre mes 15 et mes 18 ans, j’ai vécu deux ostéosarcomes. Tu entends le mot « os », qui signifie : cancer des os.

Aujourd’hui, j’ai 20 ans et deux prothèses, interne et externe, à la jambe gauche. Je suis obligée de m’appuyer sur des béquilles. Et m’intégrer dans le monde des valides est un combat constant avec la vie et dans la ville. Car j’habite à Paris, l’une des villes les plus modernes au monde… mais moderne pour qui ?

Vous trouvez ça moderne de rater son train qui arrive dans cinq minutes juste parce que dans la gare où vous êtes il n’y a pas d’ascenseur et que vous mettez vingt minutes à descendre les escaliers ? Pas que dans les gares d’ailleurs ! Quand je descends à République avec mes copines, on tourne en rond pour trouver un ascenseur qui n’existe pas !

Mon problème c’est la mobilité, mais aussi le regard des autres dans ces situations.

Les béquilles et mon handicap, c’est alarmant pour les gens

Une fois, dans un centre commercial, accompagnée d’une copine (et de nos sacs de courses), nous devions descendre des escaliers pour sortir. Il y avait une rampe, j’ai laissé la béquille à mon amie pour m’y accrocher. Soudainement, une passante m’a vue et s’est sentie obligée de m’aider au vu de mon état physique. Les béquilles, pour les gens, c’est alarmant. Et les regards sont très différents les uns des autres…

De rouille est d’os est un film de Jacques Audiard sorti en 2012. Un film sur le handicap physique et social, une ode à la résilience quand deux cœurs se trouvent et se soutiennent dans leurs difficultés.

Affiche du film de rouille et d'os

Je n’ai pas encore essayé les piscines mais je suis allée au spa avec ma mamie, et c’était perturbant de se mettre « à nu », en maillot de bain, dans un lieu public. Heureusement, on était entre femmes ! Je me suis dit : « Je peux le faire mais il faut encore encaisser le regard. »

Les enfants sont les plus insistants. Et ils disent tout haut ce que les gens pensent tout bas. Je pense que ça vient du manque de sensibilisation dans les écoles et les collèges. C’est inacceptable. Pour les adultes, c’est une sorte de curiosité enfantine. Du coup, se balader avec moi peut être gênant. Les gens ont tendance à vouloir savoir ce qui m’est arrivé, inconsciemment ou pas.

« Vous êtes tombée au ski mademoiselle ? »

Une fois, dans la rue, on m’a abordée par surprise : « Qu’est-ce qui vous est arrivé ? Vous êtes tombée au ski mademoiselle ? » Ce genre de questions… c’est une atteinte à ma vie privée, même si ça peut partir d’une bonne intention. Et ça participe à me différencier des gens, alors qu’à une personne « normale » on ne lui dirait rien. Parfois, la question se lit directement dans leur regard, selon la persistance…

Ce sont ces regards qui m’intimident et font ressortir mes émotions. Où que je sois, je ne peux pas passer inaperçue. Même dans une foule de gens… Et je me demande : « Pourquoi ce n’est pas comme avant ? » Pour s’accepter, il est important de bannir ce genre de pensées qui nous rongent de l’intérieur et peuvent se transformer en émotions qui nous affaiblissent, telles que les pleurs. Mais j’aime tellement la vie que j’ai décidé de relever la tête, de lire des livres et d’écouter des podcasts sur le développement personnel. La minute de méditation m’a énormément aidée par exemple !

Killian est malvoyant et, avec son handicap, il voit le monde différemment des autres : « Ce que l’on connait de la normalité n’est pas gravé dans la pierre, elle change tout comme on change au cours de notre vie. »

Je ne peux pas changer mon physique, mais ma mentalité oui. Ça m’aide à compenser ces regards et à m’autoriser à faire des choses que tout le monde fait, à être dans « la norme ».

 

Marriah, 20 ans, en formation, Paris (Insta : marriah.n // Snap : mariebeleg)

Crédit photo Unsplash // CC Anna Shvets

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13 réactions

  1. Bonjour Marriah,
    “Ce regard”: oui je le connais bien ! Je suis une femme qui est en fauteuil roulant depuis 8 ans.
    Je suis très autonome et cela étonne fortement les gens car ils ne s’attendent pas à ce que “un handicapé” -parce que ce nous ne sommes plus vraiment des personnes dans les yeux de certains et encore moins des femmes!- se balade en totale liberté sans aidant.
    Les enfants, ça va, ils sont francs: je suis heureuse de répondre à leurs questions…surtout si les parents, un peu en retrait, font ce regard desespéré qui dit Chuuuut! à leur progéniture. Je leur raconte volontiers que je me déplace en fauteuil parce que j’ai “un gros bobo à la jambe” et que cela n’a rien de dramatique. Puis je fais une petite route arrière avec mon fauteuil pour le montrer: ils adorent. Il m’est même arrivée de jouer au skatepark avec des petits, sous le regard choqué des parents! J’avoue que cela m’amuse de casser les mythes sur les personnes en fauteuil roulant. Il serait temps que quelqu’un le fasse pour qu’on arrête d’en pleurer mais qu’on agisse tout simplement pour nous faciliter le quotidien.
    J’ai appris à accepter les regards car l’humain est tout simplement un animal curieux de nature, et certains n’ont jamais appris à se tenir. Mais parfois encore il m’arrive de faire une “baston de regards” avec un adulte pour bien montrer à quelqu’un que son insistance n’est pas acceptable.
    Ce qui est le plus ennuyant, c’est que de parfaits inconnus veulent toujours me parler de mon handicap. Comme si ma vie, ma personne, se résumait à cela! Donc avis à la population : malgré nos “défauts” (dans vos yeux hein) nous restons Des Gens Normaux qui aiment qu’on leur parle des nouveaux films, des bêtises qu’ont fait les enfants, de vos vacances et de tout ce qui est beau et bien et intéressant !
    Voila, vous n’avez plus à vous torturer l’esprit avec “Mais de quoi puis-je bien parler à une personne handicapée ?”
    Ah oui, autre chose encore : le courage… arrêtez de nous répéter comment nous sommes courageux bon sang! À force cela devient lourd.
    Merci! 😉

  2. Dans ce monde où tout est inégale, si on se laisse porter par le sentiment des dits de ceux là, on se retrouvera sous leur dominance.
    Pour moi regarde les et souris rien ne t’arrêteras et en plus ne laisse jamais les yeux baissés les yeux ❤️

  3. Courage à toi je suis énormément touché .
    Ne fait pas attention aux regards des autres.
    Bisous Marriah

  4. Sa ma ému et courage ❤️❤️

  5. Omg cette personne est un exemple . De personne forte je voudrais tellement avoir cette mentalité. bon courage

  6. Wow vous avez une véritable histoire je vais prier jesus christ pour vous se soir

  7. Je suis ému bon courage à toi et à ta famille que le bonheur soit pour vous Inshallah

  8. Bon courage pour la suite

  9. Ton histoire mà énormément touché courage à toi

  10. Courage à vous je vous aime de tous mon cœur et vous êtes pas des gens diffèrent que vous avez un handicap ou pas d’handicap vous êtes des gens normal breff voilà à tous les regeux ❤️

  11. Waouhh sa me touche énormement ❤

  12. Ton histoire ma toucher , jte souhaite tt le bonheur ta tt mon courage

  13. Sa me fait beaucoup de peine courage a toi et force a toi je t’encourage fortement t la meilleure continue comme sa je t’aime Marriah gros bisous a toi ❤

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