Karim S. 03/10/2018

Je suis l’Africain qui fait des saltos

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En débarquant à 17 ans de Guinée-Bissau en France, je n'ai pas lâché mon rêve de vivre de la danse… Je me produis déjà dans la rue et dans le métro en espérant devenir bientôt danseur pro !

Depuis que je suis petit, je danse. Je dansais dans la rue en Guinée, c’était mon plaisir. Ma famille n’aimait pas trop ça, pour eux c’était un truc de voyou. Mais quand je danse, je me sens bien. Ça me fait oublier les mauvaises pensées. La danse, c’est ma vie, c’est mon métier, c’est tout pour moi.

Ça fait trois ans que j’ai quitté ma famille. J’habitais à Kankan, dans l’est de la Guinée. Là-bas c’était difficile parce que mon papa est décédé quand j’étais petit. J’ai trois petits frères et une grande sœur, je n’avais pas de travail… Je n’avais que 13 ans, mais notre situation était grave, alors j’ai décidé de partir. Je ne l’ai dit à personne. Je n’ai même pas dit au revoir à ma mère et je suis parti pour gagner de l’argent. J’ai rejoint la capitale Conakry.

Là c’est moi à gauche, avec le t-shirt Diesel.

J’ai réparé des chaussures venues d’Europe

Après Conakry, je suis allé dans le pays voisin, en Guinée-Bissau. Un jour, j’ai participé à un concours de danse des agences du réseau Orange et j’ai rencontré le chef d’un groupe. J’ai fait trois ans dans ce groupe et on a gagné le concours chaque année. Mais il fallait que je gagne plus d’argent pour ma famille, du coup j’ai arrêté. Mon nouveau job, c’était de rafistoler les chaussures d’occasion qui quittent l’Europe pour l’Afrique. Il faut les laver, les réparer et les revendre. J’ai fait ça un moment, mais j’ai bien vu que comme dans la danse, parfois tu gagnes, parfois tu gagnes pas. Alors autant suivre mon rêve.

Ça fait sept mois que je suis en France, je loge à Colombes. Quand je suis arrivé, je ne connaissais personne. Ce n’était pas facile de trouver un endroit pour faire mon travail.

Mais Dieu m’a aidé un jour dans le métro. J’ai vu des gens qui jouaient des percussions et je suis venu directement, sans leur demander. J’ai commencé à danser. Ils étaient très contents car il y a des gens qui sont venus nous donner de l’argent ce jour-là, ça s‘est bien passé. Grâce à ça, je me suis fait un ami musicien.

C’est lui qui m’a donné l’adresse de l’atelier des artistes en exil.  Un jour, j’ai été là-bas et j’ai demandé la dame Judith, la directrice. On a parlé. Elle a dit : « On ne travaille pas avec les mineurs. » Mais j’ai eu de la chance, elle m’a quand même inscrit et depuis ce jour, je travaille là-bas avec deux Maliens, Soumaila et Lassine. On s’entraîne, on a participé au festival du Mali et on prépare d’autres spectacles. Maintenant, je répète là-bas tous les jours, du lundi au vendredi.

47 euros pour trois heures de danse

Je fais du break dance et du ballet africain. C’est une danse traditionnelle sur du tam-tam et du balafon (un xylophone africain) que j’ai apprise en Guinée Bissau. Ma spécialité, c’est le salto. Il n’y a pas beaucoup de gens qui savent le faire, je pense que c’est pour ça qu’on me remarque, ça impressionne les gens. C’est ma marque de fabrique.

Deux semaines aprés son arrivée en France en 2016, Adama s’inscrit au club de foot de sa nouvelle ville. Au programme : matchs quotidiens, discussions en français sur le terrain et intégration dans sa région, le ballon au pied !

Aujourd’hui, je gagne un peu d’argent en me produisant dans la rue. Mes endroits préférés, c’est République et la Tour Eiffel. Le premier jour à la tour Eiffel, j’ai gagné 47 euros pour trois heures de danse. C’était pas facile parce qu’il y a beaucoup de groupes, il faut attendre qu’ils aient terminé. Et puis je m’entraîne tous les week-ends à République. Je sais qu’un jour je vais y arriver. J’ai vu beaucoup de danseurs et de chanteurs qui ont réussi et je veux être comme eux.

Au début, j’ai eu du mal à trouver un appareil pour brancher ma musique, mais finalement, une fille de l’atelier m’en a prêté un. Dessus, je télécharge des musiques traditionnelles mais j’ai aussi des morceaux de Chris Brown, Usher, Rihanna ou Nicki Minaj. Si vous voulez me voir, vous pouvez venir à l’atelier des artistes en exil, place de la République ou au Trocadéro. Je suis le vrai Africain, qui fait des saltos.

Quand je m’entraîne à «Répu» (Paris).

 

Karim, 17 ans, lycéen, Paris

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