Rose L. 21/03/2017

Ma jeunesse est dans le pré

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J'ai grandi à Marciac, un peu plus de 1 000 habitants. Adolescente, je ne rêvais que de partir, rejoindre une ville et voir le temps s'accélérer. Aujourd'hui citadine, je pense sans regrets mais avec une certaine nostalgie à l'insouciance de la campagne.

Revenir dans le passé. Se souvenir des promenades le long des champs à profiter du silence.

Dans ma campagne, j’avais trouvé mon coin à moi, ma « planque ». Crier, là-bas je pouvais. Me libérer en criant à voix pleine, forte, sans être interrompue sauf peut-être par le troupeau de moutons broutant sans complexe l’herbe fraîche des prairies.

Mais à cette époque, je voulais partir. Je voulais découvrir d’autres horizons et que le temps s’accélère.

Arrêter de voir toujours les mêmes têtes, entendre les mêmes voix, voir les mêmes paysages qui, au fil du temps, me paraissaient de plus en plus fades et ennuyeux.

Pourtant, je l’aimais ma campagne. J’adorais me retrouver avec ma petite bande de potes sur les bancs de la ville le soir, à refaire le monde, à laisser notre trace tant bien que mal à bout de compas, système D de tous les lycéens afin de marquer son passage. Cela nous semblait important à l’époque. On savait qu’on allait se quitter, alors on profitait autant qu’on le pouvait.

La campagne qui berce et endort

Je me souviens de cette journée d’été, c’était l’anniversaire d’une amie. Elle vivait dans une grande maison, un château en comparaison à mon 23 m² actuel, loin de tout, entourée de champs à perte de vue. Nous avions passé l’après-midi à nous baigner, profitant de la chaleur de la saison, et avions entrepris d’aller camper un peu plus loin pour la soirée.

Il faisait nuit noire, nous n’avions pas le moindre éclairage pour nous repérer et avions alors réussi à allumer un mini feu de camp qui suffisait à nous permettre de voir nos guitares et nos textes de chansons.

Il ne nous restait que quelques moments tous ensemble avant de partir chacun de notre côté à la fac et nous nous laissions aller dans cet instant, hors du temps, malgré les moustiques dansant autour de nos corps, prêts à s’abreuver.

Nous avons ri, dansé, pleuré, chanté jusqu’au petit matin sans penser à rien d’autre que nous. Entre deux chansons, nous nous regardions et faisions la promesse ambitieuse de nous retrouver quelques années plus tard, à ce même endroit. Mais cette promesse est restée en suspens…

Finalement, je me rends compte que nous étions insouciants car tout nous paraissait si simple dans notre campagne. Elle nous berçait, nous endormait et je voulais y échapper.

La campagne, c’est comme une parenthèse, le temps est à la limite de l’arrêt.

C’est agréable mais on se dit que pour évoluer, pour avoir une chance de trouver qui on est, il faut la quitter, en pensant tout de même que l’on restera en contact et que la maison, notre maison, sera intacte à chacun de nos retours. Pourtant, on ne pense pas vraiment à ce retour. On ne le veut pas tellement car cela ressemblerait à un retour en arrière.

La ville où tout est grand et rapide

Maintenant, mon quotidien, c’est la ville et je ne me vois pas retourner chez moi. Je le fais de temps en temps le week-end pour voir ma famille, mais pourtant, chaque retour est synonyme de nostalgie et de frustration. C’est bizarre comme sentiment…

Ma première journée à la ville, je l’ai vécue comme une libération, un envol en quelque sorte. Mon envol.

J’avais trouvé un appartement en plein centre-ville, en colocation avec ma meilleure amie. Nous y avons passé notre première nuit à même le sol, car nous n’avions pas encore amené nos meubles, mais nous étions heureuses.

Tout était grand, rapide et les gens comprenaient bien vite que nous venions de débarquer, nous étonnant de l’allure du métro et nous perdant dans les rues, zigzaguant, parcourant les moindres petits recoins. Nous avons marché toute la journée, mangé des sushis pour la première fois et n’avons pas beaucoup dormi. Nous étions beaucoup trop euphoriques et pressées de découvrir le reste.

Je trouvais la ville passionnante, remplie de personnes totalement différentes les unes des autres et qui paraissaient s’assumer autant physiquement que mentalement.

On parlait de tout en ville, on s’amusait, on buvait, on sortait, on fumait, et tout cela d’une manière qui me semblait complètement opposée à ma vie « d’avant ».

Aujourd’hui, je continue de parcourir cette ville, d’aimer cette vitesse, de découvrir tous ces lieux différents qui me semblent infinis. Je vis dans ce « rush », je suis loin de la parenthèse. Mais parfois, je revois le temps où j’étais assise, dans ma campagne, à rêver, imaginer, créer et grandir silencieusement.

 

Rose, 22 ans, volontaire en service civique, Perpignan

Crédit photo Rose

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