Morgan L. 16/02/2017

La prison n’est pas une école

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François Fillon voudrait abaisser la majorité pénale à 16 ans... Je ne vois pas comment cela pourrait être une solution.

Alors vous souhaitez les envoyer en prison.
Vous préférez les voir privés d’avenir, alors qu’eux-mêmes ne sont pas sûrs d’en trouver un. Vous vous confortez à les faire taire, à les abrutir par l’isolement, à les punir d’un mal dont ils ne sont pas responsables.
Responsables de leurs ingratitudes, ça oui, ils le sont.
Mais cette fracture sociale – immortelle ou récidiviste – , ce fossé entre intégrés et découragés, l’ont-ils personnellement voulu ?

C’est un pays où le multiculturalisme cohabite sans se connaître. Se côtoie sans même chercher à s’apprécier.

Le pays d’une école élitiste donc injuste avec ceux partis moins gâtés que les autres. L’école française est exigeante et cela n’est pas à blâmer. Mais l’école française est désuète, mal-adaptée à une dictature du diplôme qui ne peut plus se permettre de disqualifier tant de candidats au tournoi.

Privé de devenir ce qu’il mérite d’être

C’est aussi le pays où un jeune déçu par la vie dès l’enfance, ne disposant pas d’un esprit courageux qui lui permettrait de s’affirmer, cultive intérieurement un dégoût du monde qui l’entoure. Cela s’exprime malheureusement parfois par un pas de trop franchi vers la délinquance.

Se sentir exclu provoque une frustration véhémente chez n’importe lequel des individus.

Celui qui réagira par la violence est perdu. Se sentant lamentablement stigmatisé par les gens qui l’entoure, il n’a plus foi en rien. Même l’école, lieu de formation commun à tous les enfants de son âge, lui a bestialement fermé ses portes. C’est un enfant privé d’avenir. Pire même, privé du développement de soi, privé de devenir ce qu’il mérite d’être.


C’est le pays qui sait donner espoir mais c’est aussi celui dans lequel la politique ne réagit qu’aveuglement, sans aucune volonté d’adaptation à la conjoncture– malgré toute la beauté des ressources dont elle dispose.
À quand l’extinction d’une histoire politique régie par intérêts personnels ?ÀA quand une volonté sincère de voir la France rayonner des bénéfices qu’elle aura su tirer de son riche potentiel ?

Pas d’excuses, mais de la culture

Je ne pense pas que vous croyez aux bienfaits de l’incarcération. Je ne crois pas même que vous souhaitez voir ces jeunes s’extraire de leur hargne contre la vie. Mais je le comprends.

Établir une solide politique d’intégration est un travail fastidieux, abaisser la majorité pénale s’annonce nettement moins contraignant.

Parler, comprendre, analyser, s’adapter pour réagir. Ce scénario n’a été que trop rarement mis en scène lorsqu’il s’agissait de contenter une population aspirant à un harmonieux vivre-ensemble. Un monde sans violence est possible, si l’on souhaite le voir exister.


Au risque de voir naître un quiproquo, il convient de préciser mon propos. L’idée n’est pas de venir excuser un feu mis aux poubelles, une insulte de trop qui fera basculer l’interpellation ou encore le comportement disgracieux d’un jeune face à quelqu’un qui ne lui veut aucun mal.

La culture est la plus forte des armes et c’est la seule qu’il leur manque.

Alors pourquoi ne pas chercher à la leur offrir ? Pourquoi se plaindre d’une jeunesse violente si c’est en taule que l’on a pour objectif de la canaliser ? Prendre le problème à l’envers ne résout aucun vice.

Alors, quel est le plan désormais ?

Laisser les médias parler une fois de plus de violences policières et d’émeutes de banlieues sans n’avoir aucun projet plus élaboré que celui d’abaisser la majorité pénale à 16 ans ?

Si un enfant n’est pas considéré en âge de s’exprimer dans l’urne, comment pouvons-nous envisager sa rétention ?

Comment pouvons-nous aspirer à l’écrouer sans chercher à expliquer son acte pour éviter ainsi sa réitération ? Comment penser qu’un délinquant prématuré – si c’est ce dont il faut parler ici – ressortira enrichi d’un séjour en détention ?


Voir notre pays s’épanouir est possible. Cela exige cependant d’en comprendre les vices pour en faire jouer la complexité. De l’aimer pour ses maladresses, ses différences et ses parfaites imperfections.

Aider les jeunes ne demande qu’à croire en eux.

 

Morgan, 19 ans, Nanterre

Crédit photos : Les illustrations sont tirées de Misfits, une série anglaise qui déconstruit les clichés sur la banlieue à la force de ces superhéros !

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