Songul A. 08/09/2020

Boursière échelon zéro, j’ai cumulé les jobs pour survivre

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Pendant ses études, Songül ne percevait que 100 euros de bourse par mois. Elle a du travailler pendant cinq ans à côté de ses cours.

Je travaille depuis que j’ai 18 ans et je n’ai jamais arrêté depuis. J’ai fait du ménage, distribué des flyers et beaucoup de vente. J’ai cumulé jusqu’à trois différents jobs pour payer mes études à l’étranger. Parce que j’étais échelon 0 donc je recevais 100 euros de bourse par mois, ce qui n’était pas suffisant pour un mois complet et les imprévus qu’il peut y avoir. Je travaillais donc à côté pour combler ce manque d’argent.

Le système boursier est imparfait. Le revenu de nos parents est indicatif et n’est souvent pas représentatif de la situation financière de la famille. Mes parents avaient des dettes et n’arrivaient pas toujours à lier toutes ces responsabilités. Ces informations peuvent être importantes dans la prise en compte d’une bourse.

L’argent que je me faisais, je le dépensais pour vivre, tout simplement. J’étais totalement indépendante financièrement. Je payais mon abonnement téléphonique, ma carte de bus, mes loisirs, mes repas du midi car j’habitais à 45 minutes de l’université. Je payais les dépenses liées à la santé, mes livres scolaires, le matériel nécessaire pour étudier ou m’habiller.

Pour travailler, je manquais des cours

Je travaillais au minimum dix heures par semaine, et jusqu’à trente heures. J’ai eu la chance d’avoir des jobs flexibles. Je travaillais souvent le vendredi soir de 16 à 21 heures et le samedi matin de 8 à 13 heures. C’est surtout difficile pendant les périodes d’examens, car tu as moins de temps pour réviser et donc moins de chances de réussir. Je me réservais le dimanche matin comme repos.

J’étais à l’université, donc je manquais souvent des cours magistraux pour aller travailler, surtout ceux du vendredi après-midi, ou d’autres quand je faisais des extras en restauration pendant la semaine. Mes amis me donnaient les cours par la suite. S’il y en avait que je ne pouvais pas manquer, je m’arrangeais avec le travail pour modifier mes disponibilités de la semaine. Mais j’ai manqué des cours à chaque semestre. En master non, car on avait moins de cours et, surtout, on était seulement vingt. Mais il m’est arrivé de prévenir mes professeurs que je devais partir plus tôt. Heureusement, tous connaissaient ma situation et étaient très compréhensifs.

Imane Bon est influençeuse sur les réseaux sociaux. Elle conseille des étudiant·e·s précaires et avec une bourse, en créant notamment des recettes de cuisine à bas coût.

Mais, forcément, je trouvais ça injuste et frustrant. Cela a eu un impact sur mon moral par moments. C’était très stressant, très fatigant pour ma santé mentale car je m’épuisais à vouloir tout gérer. J’ai toujours essayé d’avoir un équilibre entre les études, le travail et les sorties, et finalement je faisais l’impasse sur mon repos. Je n’avais aucun week-end de libre. Au bout d’un moment, votre corps vous le rappelle.

Et cela a forcément eu un impact sur mes notes. Pour les matières plus littéraires où il fallait apprendre par cœur, j’avais moins de temps pour réviser et donc cela a joué. Par contre, pour les matières plus scientifiques, j’ai appris à être plus efficace en peu de temps et j’ai toujours eu de bonnes notes. Pour le master, vous êtes sélectionné sur dossier. Je sais qu’ils ont pris en compte mes expériences professionnelles car c’était un master très sélectif et je n’avais pas d’excellentes notes. C’est surtout dans ces moments de peurs et de doute que vous êtes frustré et que vous trouvez ça injuste.

Galérer m’a apporté de l’expérience

Je voulais faire une carrière à l’international et donc étudier à l’étranger. Pour cela, il faut avancer une certaine somme d’argent (loyer, caution, billets, matériel scolaire, vivre). C’était fatigant, parfois démoralisant, car j’étais entourée de personnes qui n’avaient pas ce problème et qui avaient la chance d’avoir des parents qui les soutenaient financièrement. Je travaillais deux à trois jours par semaine et donc je sacrifiais ces jours au lieu de réviser ou de me reposer. Je travaillais tous les samedis et je rejoignais mes amies à la bibliothèque, donc je prenais du retard sur les chapitres à revoir. Quand je rattrapais ces chapitres, mes amis pouvaient se reposer ou avancer.

Ça a parfois été difficile à gérer, mais dans l’ensemble, je suis très contente de mon parcours car j’ai réussi à concilier les deux. Cela m’a beaucoup apporté, sur l’organisation et d’un point de vue professionnel. Je n’ai eu aucun mal à trouver un stage ou même un emploi « grâce » à ces années où j’ai vraiment galéré. Cela m’a permis d’être très autonome et de prendre des initiatives. Tous mes employeurs m’ont félicitée. Lors de tous mes entretiens, les recruteurs ont mentionné le fait qu’ils ressentaient une maturité à travers mon discours et ma philosophie, et que j’avais touché au monde du travail.

Galères de logement, privations, endettement, bourse bloquée… Les études supérieures et la majorité ont pour Nini aussi rimé avec précarité.

J’ai réussi mes études mais j’en connais qui ont préféré commencer à travailler plutôt que de continuer en master. Pour les étudiants qui sont obligés de travailler : vous allez apprendre l’indépendance qu’on n’apprend pas à l’école et, ça, c’est très important ! C’était dur, très dur, avec beaucoup de doutes sur l’avenir, mais j’avais un objectif précis : réussir mes études et avoir le choix de mon métier. Je suis déjà très reconnaissante de ce que l’Education française m’a apporté et permis de faire : que l’école soit accessible, gratuite pour tous et que j’ai reçu une bourse pendant mes études. Bien sûr tout n’est pas parfait, mais c’est une chance d’étudier en France.

Songül, 27 ans, salariée, Strasbourg

Crédit photo : Pexels // CC Andrea Piacquadio

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