Zoé V. 27/12/2018

Dans ma banlieue, je me mets une pression monstre pour réussir

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Lycéenne à Creil dans l'Oise, Zoé doit surmonter les a priori sur les REP pour intégrer Sciences Po et devenir journaliste.

J’ai toujours été assez bonne élève. Pourtant, cela n’empêche pas que j’angoisse profondément pour mon avenir. Je déteste perdre. « Le plus important c’est de participer » n’appartient pas à mon vocabulaire. Je ne supporte pas l’idée d’être relayée sur le banc. Du coup, je me mets une pression monstre alors que je ne suis qu’en terminale. Tout ça parce que je viens de banlieue.

Avoir les meilleures notes possible, être admise à Sciences Po, obtenir le baccalauréat avec mention très bien, pouvoir exceller dans le métier que j’envisage, à savoir journaliste. Personne ne m’impose cette pression, du moins c’est ce que je me dis. Mais, en réalité, si je suis aussi stressée, c’est certainement parce que, de nos jours, il n’y a que l’excellence qui paie. Avoir le bac est plus facile que pour les générations précédentes donc évidemment, la différence se joue à la mention, à l’école ou la fac que l’on va intégrer. Des études extrêmement onéreuses dans mon cas ! Surtout pour nous qui évoluons dans un milieu populaire et très modeste. Ça peut en décourager plus d’un. Mais pas moi.

Plus d’a priori sur nous que pour des élèves hors REP

J’évolue depuis petite dans une banlieue et je n’ai  jamais eu de problème avec ça. C’est à partir du collège, en troisième, que j’ai réalisé que l’on était stigmatisés. Mon professeur de français (le meilleur professeur de lettres que j’ai pu avoir !) nous a expliqué que les correcteurs partaient avec beaucoup plus d’a priori sur nous que pour des élèves hors REP. Évidemment, j’ai tout de suite compris que je devais me surpasser pour être considérée non comme une élève de REP, mais simplement comme une élève. C’est dans cet état d’esprit que je me suis focalisée sur mon avenir, déjà réfléchi depuis un certain temps.

Et si certains clichés sur la qualité des cours en banlieue ne sont pas faux, il ne faut pas en faire une généralité. Au collège, j’étais tout le temps dans des classes assez agitées pendant les cours. Des classes très bruyantes dans lesquelles, parfois, les professeurs peinaient à faire cours. Tous les jours, j’entendais des histoires surréalistes où des élèves s’emportaient violemment contre les professeurs pour une simple remarque. Je ne veux pas les blâmer. Peut-être qu’eux aussi se sentaient oppressés par les stéréotypes et que c’était leur manière d’extérioriser. Moi, j’avais la tête froide, même avec beaucoup de bruit dans le cours, j’arrivais à me concentrer.

De la mauvaise réputation des lycées de banlieue, Sana aussi en a fait les frais ! Elle a dû s’habituer aux préjugés de certains professeurs, qui partaient même en vacances au milieu de l’année.

Un homme est debout au milieu d'une classe. Il pointe du doigt vers quelque chose. Autour de lui, de jeunes enfants sont assis à leur table. En fond, on voit un mur peint en vert canard, un rideau crème et des affiches artistiques avec des profils dessinés et colorés.

L’année suivante, en entrant au lycée, mon professeur d’anglais nous a tenu le même discours. Je suis reconnaissante envers ces deux professeurs qui m’ont ouvert les yeux. Sans leurs paroles, je n’aurais peut-être pas soutenu mes efforts. Cette pression est très grande mais me donne envie de persévérer coûte que coûte. Je ne suis pas fataliste !

Grâce au lycée Jules Uhry, j’ai quand même la chance de pouvoir passer gratuitement le concours d’admission de Sciences Po. C’est un des lycées partenaires qui peut en bénéficier. Alors certes, cette pression que je me mets peut être parfois envahissante, mais au final, j’essaye de mettre toutes les chances de mon côté, ce qui ne serait sûrement pas arrivé si je venais d’un milieu nettement plus favorisé.

L’environnement dans lequel on évolue ne devrait pas nous démotiver ou nous contraindre à changer nos perspectives. Il ne devrait pas nous faire baisser nos exigences, nous avons le droit comme toute autre personne d’accéder à la même chance, aux mêmes études, aux mêmes métiers. Notre milieu ne doit pas être une honte et nous devrions tous scander fièrement d’où nous venons.

Zoé, 17 ans, lycéenne, Creil

Crédit photo Adobe Stock // © mooshny

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4 réactions

  1. Ce n’est pas l’excellence qui paie mais l’origine sociale justement qui détermine le plus souvent l’avenir. Le mérite est souvent une illusion. Mais peu importe, j’espère que tu feras partie des exceptions. Tu as l’air bien partie pour. N’oublie pas simplement que ceux qui n’ont pas réussi ne sont pas moins méritants que toi.

  2. Zoé ton article est vraiment très bien écrit. Je ne doute pas un seul instant que tu réussiras toutes tes ambitions professionnelles. J’ai été à l’école avec ton papa quand ns habitions hargicourt…on évoquait moins d’excellence à l’époque et ton ressenti est tellement vrai de nos jours…je te souhaite le meilleur pour la suite.

  3. C’est très bien écrit. Je te souhaite de réussir dans la vie professionnelle, mais aussi dans la vie affective et familiale. Ton père m’a aidé à guérir.
    Garde le fighting spirit.

  4. Cet article est très authentique, plein de sincérité bravo. Un message d espoir.Je suis sûre que tu es battante et que tu réussiras. Ton père (avec qui j’ai travaillé doit être fière de toi).

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