Megg S. 21/02/2018

Dyslexique, je me suis battue pour arriver en 3e année de lettres

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Comme 5 % à 10 % des étudiants, je suis dyslexique. Face aux critiques, aux jugements et aux rabaissements de mes profs, je n'ai pourtant jamais baissé les bras. Aujourd'hui, je suis en L3 Lettres Modernes et ne compte pas m'arrêter là !

« Un dyslexique n’a rien à faire en Lettres ». Encore et toujours cette critique blessante. Des mots qui m’empêchent d’avoir confiance en moi.

J’étais en CM2 quand on m’a dit que j’étais « dyslexique ». Un mot bien trop compliqué pour moi. Depuis ce diagnostic, j’ai l’impression d’être différente des autres. Ma mère doit se lancer dans des démarches administratives pour que l’on puisse m’aider. Cette aide consiste à avoir, à l’époque, un devoir différent de ceux de mes camarades de classe. Allez expliquer à vos amis de 10 ans que votre devoir est différent, et donc plus facile que le leur, à cause d’un petit problème.

Les reproches et critiques ont commencé : « Elle est bête ! »« C’est la chouchoute de la prof parce que son devoir est plus simple ». La solitude m’a donc suivie une bonne partie de ma scolarité.

Arrivée au collège, j’ai essayé de faire en sorte que tout se passe pour le mieux. Honteuse d’être dyslexique, j’ai demandé à ma mère de ne pas en parler aux enseignants. Je ne voulais pas me sentir rejetée, critiquée ou encore jugée. Dans ces moments d’angoisse, on préfère être en échec scolaire que de se sentir différente des autres.

Ce choix m’a valu d’être menacée de redoublement tous les trimestres. À chaque fin d’année, j’avais cette angoisse. Et de l’incompréhension. Pourquoi vouloir me faire redoubler alors que j’avais entre 9 et 10 de moyenne ? Pour moi, c’était un succès. Or, les profs en faisaient une faiblesse et un échec.

Pendant quatre ans, j’ai dû faire appel pour ne pas redoubler et prouver aux professeurs et même à mes parents que je pouvais réussir l’année suivante. Ce fut certes un combat long et difficile, mais j’ai réussi à avoir mon brevet sans redoubler.

Au lycée, même combat !

Alors qu’une nouvelle année commençait, dans une nouvelle ville, je me suis dit que ma Seconde allait bien se passer. Mais ça a été un retour en enfer. Pour la première fois, j’ai accepté de parler du fait que je suis dyslexique et j’ai souhaité faire les choses bien en instaurant un tiers-temps. Il s’avère que ma prof principale n’était pas du même avis. Pendant quatre mois elle m’a fait vivre un calvaire : elle n’avait aucun tact et n’hésitait pas à me dire que je n’arriverais à rien. Pour elle, j’étais une illettrée.

J’assistais à ses cours la boule au ventre, redoutant une nouvelle humiliation. Une angoisse que je n’ai pas su gérer. J’ai donc supplié ma mère de me déscolariser et de m’inscrire à des cours à distance. Malgré le bref répit que cette situation m’a donné, la déprime m’a gagnée et j’ai ressenti le besoin de retrouver un rythme et un environnement scolaire classique pour ma Première L.

En Première et en Terminale, je suis tombée sur des personnes et des enseignants tout à fait compréhensifs qui m’ont aidée à réussir et m’ont appris à ne plus avoir honte. En route vers le bac je suis partie confiante malgré mes mauvaises notes en gardant toujours en tête les discours de ma prof de philo : « Vous êtes loin d’être bête, vous travaillez et ça payera. Vous allez avoir le bac, il suffit juste de croire en vous ! ».

#Voixdorientation. Pour Ondine aussi ça a été difficile de passer le bac ! Et en plus, elle, on lui disait qu’elle était nulle.

Malgré un premier échec au bac, je ne baisse pas les bras. Je garde ces discours encourageants en tête et je me réinscris en Terminale. Contente de voir que j’avais de nouveau cette prof de philo, je me dis que cette fois-ci j’allais l’avoir. Pour m’améliorer et ne plus avoir peur de l’échec je décide de travailler encore plus en demandant des devoirs supplémentaires. Je n’avais plus de vie à côté des études mais mon objectif était bel et bien de montrer que même en ayant ce handicap, c’est possible d’avoir un Bac L. J’ai certes mis quatre ans à quitter le lycée mais ce n’était pas impossible !

À force de m’accrocher, je vais y arriver

Aujourd’hui je suis en L3 Lettres Modernes. Je pensais que la mentalité des profs ou des étudiants serait complètement différente. Il s’avère qu’on trouve toujours une exception.

Il y a maintenant une semaine, après avoir reçu une sale note (5/20), je décide d’aller parler à mon enseignante. Son discours m’a choquée. Il était totalement injuste. Elle m’a retiré 5 points car mon orthographe était inadmissible même si le contenu était intéressant. Je lui explique que je suis dyslexique et que je faisais de mon mieux pour améliorer cela. Alors que je lui demande un moyen de me rattraper, elle me répond : « Je vous note comme une étudiante de L3. Cela ne se fait pas pour les autres si je fais du favoritisme et que je vous note différemment. Je ne fais pas de traitement de faveur. »

Donc, demander de l’aide et qu’elle revoie ma note n’est pas « correct » par rapport aux autres ? C’est vrai que les étudiants de Lettres sont tous dyslexiques et partent tous avec un handicap !

Alors que j’insiste pour avoir un devoir supplémentaire elle me rétorque : « Non désolée ce n’est pas possible. Si votre devoir mérite un 5/20, c’est que vous devriez revoir votre orientation. Une personne dyslexique qui a de grosses difficultés, comme vous, n’ont rien à faire en Lettres et n’arriveront jamais à avoir les concours pour être enseignant. Réfléchissez plus en détails à votre futur. »

#Voixdorientation est une chronique de la ZEP en partenariat avec Le Monde Campus qui publie aussi l’ensemble de ces articles !

J’ai réussi à avoir mon brevet, mon bac et je compte bien avoir ma licence de Lettres. Mon handicap m’a posé énormément de problèmes et m’a poussée à revoir sans arrêt mon orientation. Mais, après une longue réflexion, le soutien de certains professeurs, de ma famille et la découverte d’un cours de journalisme, j’ai trouvé ce vers quoi je veux aller. Ma licence validée, je compte trouver une école de journalisme en alternance, à Paris, pour commencer à faire ce qui me passionne vraiment.

Il ne faut pas faire attention à ces discours discriminatoires et garder en tête ce qu’on aime et se battre pour.

 

Meggane, 23 ans, L3 Lettres modernes, Nanterre

Crédit photo Adobe Stock // © pathdoc

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3 réactions

  1. Bonjour,Je ne pense pas que lassociation ait un but précisément dévolue à la dyslexie. Cest plutôt un vecteur de communication pour celle ci. Cest comme ça que je le comprends. Ça fait partie du personnage de Pascal et du coup il le dit en toute transparence (corrigez moi si je me trompe Pascal). Depuis peu, jose dire que je suis dyspraxique et même au travail (je suis infirmière). Jexplique ce que cest. Du coup on comprend mes bizarreries et jai appris que la fille dun collègue est dyspraxique, la fille dune autre aphasique et une collègue est dyslexique (un interne aussi). On discute, on ri et on dédramatise (les prises en charge de nos enfants sont parfois lourdes en temps et en soin). Le partage ça fait du bien. Un bel espoir à travers le témoignage de Pascal pour tous les dyslexiques Ne pas laisser tomber. Etant dyspraxique avec un trouble de la coordination je suis infirmière en services de soins techniques. Jy suis arrivée et jen suis contente. Si un jour je peux encourager quelquun tant mieux. Alors il ny a pas de mur bien rigide avec dun coté lassociation littéraire et de lautre la dyslexie : les deux sont liées il me semble. Le tout représenté par Pascal. Un continuum. Ça donne lesprit du blog : très humain Bonne journée

  2. Thanks for the article post.Really thank you! Great.

  3. Bonjour ! Courage ! Je fais aussi partie de la grande famille des dys (même si je ne suis pas dyslexique mais dyspraxique et dyscalculique). J’ai suivi la même formation que toi (Lettres modernes et j’ai le même âge !). Je suis sûre que tu vas y arriver !

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