Mahadi G. 15/02/2021

La diversité dans les médias, ce sera moi ?

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En tant que jeune de banlieue, Mahadi peine à croire en l'égalité des chances en voyant le manque de diversité dans son futur métier.

Récemment, après une énième journée 8 heures – 18 heures au lycée, je suis tombée sur la photo de l’équipe d’Europe 1 sur Twitter. Il n’y avait que des personnes blanches. J’ai regardé ma main noire, mes ongles colorés au henné, et j’ai repensé à mes origines maliennes et à ma religion musulmane. C’était violent à voir, j’avais les larmes aux yeux et le souffle coupé par ce manque de diversité. Je me suis dit : « Dois-je m’excuser d’être ce que je suis ou dois-je me conformer à ce que la société voudrait voir ? » 

Parfois, j’ai peur. Peur qu’on prenne une femme blanche et pas moi, alors qu’on a fait les mêmes études. Juste parce qu’elle est blanche. 

Je fais tout pour être parfaite

En première, j’ai bien choisi mes options : théâtre pour l’éloquence, européenne pour avoir un bac différent des autres et parcours sciences po pour me préparer au post-bac (et y accéder, pourquoi pas). Tout ça en ayant un ensemble spécialité littéraire. Je dois avoir trente-trois heures de cours par semaine, même si en ce moment je n’ai qu’un jour sur deux en présentiel.

J’essaie aussi de prendre des responsabilités au lycée : je suis déléguée et membre du CVL (conseil de vie lycéenne). Je fais tout pour être parfaite, pour que mon dossier ait de la plus-value sur les autres sur Parcoursup. Quand j’avais commencé à m’informer là-dessus, j’avais vu beaucoup de gens sur Twitter qui se plaignaient qu’il y avait des discriminations dans les dossiers.

Trop ambitieuse ? Moi, je sais que je peux le faire

Moi, je suis dans un lycée en REP+ (réseau d’éducation prioritaire) dans le 93 et je n’ai pas d’excellentes notes. Je suis dans la moyenne. Mes profs me reprochent de ne pas avoir de rigueur. J’ai peur qu’il y ait trop de dossiers comme le mien et de passer à côté de ce que je voudrais pour le post-bac.

Selon une étude du conseil supérieur de l’audiovisuel sur la diversité dans les médias, les personnes « perçues comme blanches » restent majoritairement représentées (83 %), tous programmes confondus. L’égalité des chances a encore du chemin à faire ! Nesrine Slaoui, journaliste, fait partie des 4 % d’enfants d’ouvrier.e.s non qualifié.e.s diplômé.e.s d’un bac +5. Elle le racontait pour Brut en 2019 et sort aujourd’hui son livre, Illégitimes, sur le sujet.

 

Je veux être journaliste depuis la sixième. Je regardais des documentaires, et je me disais que c’était trop bien de savoir ce qu’il se passait dans le monde. En troisième, je suis allée chez une association qui s’appelle Rêv’Elles, qui aide les jeunes femmes banlieusardes à s’émanciper. Une journaliste de TF1 a interviewé la présidente de l’association et m’a proposé de faire mon stage d’observation avec elle. Je suis allée sur des tournages où elle interviewait des personnes sur le terrain. J’ai beaucoup aimé cette expérience. Ça m’a donné envie d’être journaliste. Et, même si certains camarades de classe m’ont dit « tu te la pètes trop » ou « c’est trop ambitieux », moi je sais que je peux le faire.

Mouloud Achour, Rokhaya Diallo, Hapsatou Sy me donnent envie d’y croire à cette diversité

D’un autre côté, je crois en l’égalité des chances, parce qu’on voit de plus en plus de personnes maghrébines et noires qui réussissent dans les médias. Je pense à Mouloud Achour, Rokhaya Diallo, Hapsatou Sy… Mais peut-être que je veux juste y croire, à cette égalité. Parce que d’un autre côté, je ne vois pas de gens comme moi au JT de TF1 ou de France 2. 

La « diversité » a ses modèles de réussite ! Aya Nakamura, Moussa Sissoko, Adrien Gamsi… Tou.te.s trois viennent de la cité des 3 000 à Aulnay-sous-Bois, là où habite Paul. Plus tard, il espère pouvoir réussir comme elle.eux et inspirer à son tour les petit.e.s de son quartier.

Je veux continuer à donner mon meilleur car, dans ma petite tête, j’entends cette voix : « Tu vas percer ne t’inquiète pas, si t’es là, c’est que t’as ta place. » Même si, d’un autre côté, je reste tourmentée à l’idée d’échouer et je pense à d’autres horizons en me disant que l’égalité des chances est une utopie. En fait, on peut réussir en banlieue, mais il faut travailler plus et se sacrifier pour voir la lumière. Mais je ne compte pas faillir à mes ambitions.  

 

Mahadi, 17 ans, lycéenne, Villetaneuse

Visuel La ZEP

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