Nathalie E. 25/10/2018

Élève perturbatrice, j’ai intégré Sciences Po en master

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Après avoir enchainé les conseils de discipline, au collège et au lycée, je me suis découvert une passion pour la science politique. Mais comment espérer, avec mon parcours, intégrer Sciences Po ?

Cette année, j’ai intégré Sciences Po Grenoble en master « Etudes Internationales et Européennes » (Parcours Intégration et mutations en Méditerranée et au Moyen-Orient). Mais faisons un petit flash-back sur ma scolarité.

Originaire du Liban, j’ai quitté le pays à l’âge de 11 ans, en 2006, dès l’éclatement de la guerre entre le Liban et Israël. Arrivée en France, j’ai été scolarisée dans des établissements classés en REP+ (ancien ZEP). Dès mon entrée au collège, les problèmes de comportements ont surgi. J’étais loin d’être l’élève qu’on rêvait d’avoir en cours. De collège en collège, j’ai enchaîné les conseils de discipline. Arrivée en Seconde générale, je n’ai pas perdu les bonnes habitudes. Là aussi, j’ai enchaîné les conseils de discipline. Jusqu’à ma terminale littéraire, où j’ai découvert un programme qui allait me donner cette envie de me tourner vers les études politiques.

Je n’allais pas briser le plafond de verre

Ce programme, c’est le PEI (Programme d’Etudes Intégrées) mis en place par les instituts politiques de province, afin de préparer au mieux les lycéens à passer le concours de Sciences Po. Mais avant tout, ce programme permet d’appréhender de façon optimale les études supérieures, ce qui m’a donné le goût des études en même temps qu’un intérêt prononcé pour la science politique et les relations internationales. J’ai su tout de suite que cette filière était faite pour moi, car je suivais souvent l’actualité dans ma région, au Moyen-Orient, et son évolution. Mais vous imaginez bien qu’en terminale, l’élève perturbatrice que j’étais n’allait pas briser le plafond de verre, et passer ce fameux concours !

J’ai découvert que la filière de « Science Politique », installée à la faculté des Sciences Juridiques, Politiques, et Sociales de Lille, était accessible dés la première année, pour la rentrée 2014. Je me suis donc inscrite. La faculté, c’est tout de même un autre monde : les prises de notes en amphithéâtre, le rythme (malgré certains clichés, il y a beaucoup de travail en faculté), l’autonomie… J’ai dû rapidement m’adapter.

Les débats ont été un vrai succès

La première année validée, j’ai intégré la deuxième. Et là, j’ai voulu m’engager au niveau associatif. J’ai décidé de fonder l’association d’art oratoire « Révolte-toi Lille 2 », affiliée à la  Fédération Francophone de Débat. Tout s’est vite enchaîné. Au niveau universitaire, les débats ont été un vrai succès. Les étudiants ont montré un réel intérêt et les amphithéâtres étaient remplis à chaque événement qu’on organisait. Mais j’ai voulu m’investir au delà du champs universitaire. Je voulais une portée nationale. J’ai donc présenté le projet à mes deux anciens collèges, classés en REP+ à Tourcoing. Avec l’aide des équipes pédagogiques, nous avons réussi à ouvrir un atelier officiel d’art oratoire, ce qui nous a conduit à organiser deux débats officiels de collégiens, durant deux années consécutives. L’occasion pour moi de voir des personnes passionnantes mais surtout passionnées, motivées à l’idée de donner toutes les clés de réussite aux petits collégiens.

Mon autre défi : organiser un débat dans mon pays d’origine, le Liban. Je voulais montrer sa beauté, car l’image qu’on en donne est souvent loin de la réalité. J’ai découvert qu’il existait un club libanais de débat installé à l’université Saint-Joseph (USJ) de Beyrouth. En Novembre 2016, nous avons réussi à organiser une rencontre dans cette université. Et j’ai donc sélectionné quatre orateurs de mon club afin d’affronter l’équipe libanaise.

Il était temps pour moi de postuler à Sciences Po

Ce projet a été un succès, d’éloquence et d’expérience humaine. En mars 2016, l’USJ de Beyrouth a organisé le championnat international de débat francophone. Au total, 22 personnes du club ont participé à l’édition 2017, dont quatre qualifiés en demi-finale, et deux en finale. J’ai toujours voulu montrer la vraie image de mon pays d’origine, à travers ces événements. Et ça a marché. Plusieurs personnes m’ont dit qu’elles avaient vécu quelque chose de fort. Les participants ont été frappés par la beauté du Liban l’accueil chaleureux du peuple libanais, la « night life » (les soirées beyrouthines sont connues au Moyen-Orient pour être les meilleures). Ils voulaient tous y retourner !

En 2017-2018, j’ai effectué mon année académique en échange universitaire à l’USJ de Beyrouth, afin de préparer au mieux le master que je voulais intégrer. J’ai été contactée en septembre par la vie étudiante afin de prendre la présidence du club libanais de débat, offre que j’ai naturellement accepté, et exercé durant le premier semestre. J’ai très rapidement proposé un débat retour entre le club libanais et celui de Lille. En Novembre 2017, quatre orateurs du club libanais de débat ont effectué le déplacement jusqu’à Lille.

À la fin de l’année, j’ai dû choisir un master. Et là, j’ai estimé qu’il était l’heure pour moi de briser le plafond de verre. J’ai postulé à Sciences Po. Dossier, puis entretien. Et j’ai été acceptée. Il ne faut jamais lâcher son objectif de vue, car parfois nous sommes très près du but. Je pense que la clé de la réussite, c’est d’abord la confiance en soi, y croire, travailler et se donner les moyens. La réussite, ce n’est pas forcément intégrer une grande école ou faire de longues études, c’est tout simplement relever les défis qu’on se fixe.

 

Nathalie, 23 ans, étudiante, Doha (Qatar)

Crédit photo Wikimedia Commons // CC Mohamatou

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