Claudia 26/07/2018

En quittant l’école avant le diplôme, j’ai appris à me faire confiance

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En cinquième année d'études post-bac, j'ai craqué. Au bord de l'étouffement, j'ai décidé de tout arrêter. Volontaire en service civique dans une association, j'ai réussi à me retrouver...

Ce jeudi-là, pour la cinquième fois, je suis allée écouter le discours de bienvenue de la directrice. Pour la dernière fois. L’année du diplôme. L’année de la réussite. Pourtant, quand je suis sortie du métro ce jour-là, j’ai senti ma poitrine se contracter, mes mains trembler, ma tête tourner… Et je me suis demandée comment j’allais tenir jusqu’à la fin de l’année. C’était le jour de la pré-rentrée.

J’ai fait un bac Arts Appliqués que j’ai eu avec mention, j’ai découvert l’univers de la bijouterie-joaillerie qui m’a menée dans une des grandes écoles d’Arts de Paris, loin de ma petite vie lyonnaise. J’ai appris à vivre seule, loin de ceux que je connaissais, j’ai fait de mon groupe d’amis une nouvelle famille. Après trois ans, j’ai décidé de m’orienter vers la finition, légère déviation dans mon cursus qui me permettait de découvrir de nouveaux horizons tout en restant dans la même école. Ce fut ma première petite révolte, ma première décision personnelle. Pourtant, après quelques mois, je me suis rendu compte que cette formation ne me correspondait pas. Moi qui avais quitté la bijouterie, mon rêve d’adolescente, je ne me sentais plus à ma place. La première année est donc passée lentement avec des doutes, des questions.

À bout de souffle

Les semaines qui ont suivi la seconde rentrée (en finition) ont été aussi longues que pénibles tandis que le doute s’insinuait en moi. Les heures de cours sans fin et inintéressantes se succédaient, avec des professeurs tantôt hautains, tantôt d’une dureté impitoyable. L’esprit de compétition. Le travail, toujours plus long. Toujours plus poussé. Toujours plus. Il faut être créatif, novateur, il faut aller plus loin. Ne rien dire. Ne pas prendre les remarques personnellement. Et pourtant se laisser juger. Encore. Encore. Toujours.

Le mal-être qui grandissait en moi me rongeait lentement, plus durement encore après l’été, deux mois de liberté, de calme et de vagabondage. À bout de souffle, j’ai décidé d’arrêter. Beaucoup n’ont pas compris. Pourquoi une fille comme moi, sans problème, voulait quitter cette grande école d’art ? Parce que c’est ce que je suis, une fille sans problème, intelligente, travailleuse et créative. Une fille qui réussit.

Alors pourquoi arrêter, si près du but ? Mais quel but, au juste… L’obtention d’un diplôme qui ne me correspond pas ? Un diplôme qui me met sous pression un peu plus chaque jour qui passe ? Un diplôme qui n’a pas de sens ? Est-ce ça, « le but » ?
J’ai cette phrase de John Lennon qui me revient en tête : « A l’école on m’a demandé ce que je voulais faire plus tard. J’ai répondu « heureux ». Ils m’ont dit que je n’avais pas compris la question, j’ai répondu qu’ils n’avaient pas compris la vie ».

Je me souviens avoir pleuré chaque jour pendant un mois et ce n’est qu’après avoir vu le désespoir qui coulait de mes yeux jour après jour que certains ont commencé à comprendre. D’abord des amis, puis ma famille. Faute d’approuver, ils ont accepté.

Adieu la petite fille parfaite, je suis là où je veux être

Alors j’ai quitté l’école et j’ai dû en assumer les conséquences. J’ai cherché du travail. Pas facile quand on cherche pour quelques semaines et qu’on a aucune expérience ou presque. Pourtant, j’ai fini par trouver des petits boulots, une journée par ci, deux jours par là. J’ai appris à me faire confiance. Je me suis prouvé ma valeur et mon courage. Je voulais depuis longtemps faire un service civique et lorsque j’en ai trouvé un qui me plaisait énormément, j’ai tout donné pour le faire.

Grâce à ces expériences, à ces aventures peut-être, en contact avec des personnes âgées et les autres jeunes de mon service civique, j’ai appris à me connaître. Adieu petite fille parfaite. Adieu parcours rêvé, grande école, vie lisse. Je suis ici, là où je veux être, j’apporte la joie partout où je peux, je veux donner mon temps pour construire demain, ce monde un peu rêvé, très utopique, où chacun a sa place et s’en rend compte. Car aujourd’hui, je peux être qui je veux et vivre aussi haut que mes rêves.

 

Claudia, 22 ans, volontaire service civique, Paris

Crédit photo Max Pixel // CC0

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