Amina D. 28/11/2019

J’ai pas pu financer des études : j’ai financé mon mariage

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À 19 ans, j’ai dû partir de chez moi et trouver un emploi, sans diplôme. Puis mon petit garçon est arrivé. Alors l’école de mode ça me semble bien lointain…

Je veux être modéliste, une créatrice, travailler pour moi. J’aimerais étudier la mode, puis ouvrir mon atelier de couture sur mesure. Faire des vêtements, des sacs, des boucles d’oreilles, de la broderie, des serviettes…. Tout quoi !

Devenir modéliste, c’est une idée que j’ai depuis le collège et je me suis beaucoup renseignée. Mais les écoles de mode sont trop chères et dans tous les cas, j’ai pas le temps pour ça : parce que je dois travailler. Je voulais faire une école de stylisme qui s’appelle Formamod, ça coûte 10 000 euros par an pendant trois ans.

J’ai d’abord passé un CAP Arts de la broderie. Après ça, je voulais faire un bac pro Métiers de la mode – Vêtements pour ensuite mêler les deux : la broderie, plus la couture. Mais j’ai pas eu mon bac et j’ai pas pu le repasser avec tous les problèmes que j’avais dans ma famille. Même m’acheter une paire de boucles d’oreilles, je pouvais pas. Je devais travailler pour m’acheter mes affaires et vivre normalement avec l’esprit libre. Je devais partir de chez moi et trouver un appartement. Prendre mon envol, à 19 ans.

Mon salaire le plus élevé, c’était 1000 euros par mois

Je suis venue à l’ALJT, une résidence de jeunes travailleurs. Je devais trouver un travail pour payer mon loyer, pour vivre. J’ai travaillé pendant deux ans comme aide à la personne, avec les personnes âgées. C’était un CDI à mi-temps, payé au SMIC, du lundi au vendredi, mais ça dépendait des heures que je faisais. De base, j’aime pas parce que je suis une personne maniaque, mais j’avais pas le choix. Niveau financier, c’était pas trop ça. Mon salaire le plus élevé, c’était 1000 euros par mois. Parfois c’était 400, 500, 600 euros. Je pensais quand même mettre de l’argent de côté pour mon école, mais ça n’a pas été possible.

J’ai pas pu financer des études : j’ai financé mon mariage. Chez moi, on ne quitte pas la maison comme ça. Il fallait que je sois mariée religieusement. Je suis quand même partie avant de me marier, mais j’avais la pression de financer mon mariage au plus vite. Toutes mes économies sont parties dedans. Puis je suis tombée enceinte. C’était pas prévu. Mon mari, lui, le voulait depuis un moment et quand je suis tombée enceinte, il était content. Moi aussi d’ailleurs. Ce petit bout de chou fait notre bonheur, mais vue la situation dans laquelle je suis, avec un bébé, c’est compliqué. Même pour manger. La Sécu ne m’a versé mon congé maternité que deux mois après mon accouchement, et mon entreprise elle, ne me donnait que 25-50 euros par mois.

Plus j’avance, moins je me vois payer mes études chères

Je me sens bloquée. Je dois avoir des revenus pour élever mon petit garçon d’un an et les métiers de la mode sont fermés quand t’as pas d’expérience… Et puis il faut le bac déjà ! J’ai démissionné pour un poste de secrétaire médicale en juillet 2019, pour avoir un meilleur salaire, mais le directeur m’a virée au bout de quatre jours, soi-disant je n’étais pas assez rapide. C’est dur de trouver du travail, surtout quand t’as pas de diplôme. Pour l’instant, je suis en intérim en tant qu’hôtesse à Bercy, dans un hôtel et c’est plutôt cool.

Le bac, j’ai pensé à le repasser, mais je sais pas si ça va vraiment m’ouvrir des portes, parce que plus j’avance, moins je me vois payer mes études chères. Il y a pas longtemps, j’ai rencontré une dame qui m’a parlé de cours de couture du soir avec la Mairie de Paris. Je me suis pas encore renseignée, mais je vais le faire.

Parfois, je suis frustrée, parfois pas. C’est surtout quand je vois les autres qui travaillent dans la mode, qui font de la couture. Ils gagnent beaucoup et ils font ce que j’ai envie de faire plus tard. Ils ont réussi. Un jour, je ferai de la couture, j’en suis sûre. Je me dis que si j’ai un appartement, je pourrai tout résoudre, parce que je serai chez moi : mon mari s’occupera de la maison et mon fils sera grand.

Amina, 21 ans, intérimaire, Paris

Crédit photo : Amina, par © Carolina Arantes pour LA ZEP et l’ALJT Paris

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1 réaction

  1. Comment dire, je sui trop contente du résultat je m’attendais pas à que ça soit si beau et très bien fait ! Je sui émue par mon travail et chui contente que ça plaise aux autres. Merci encore vous êtes les meilleurs.

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