Elliot C. 02/02/2017

La sélection par les concours ne fait pas le talent !

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Plus d'un millier de candidats pour 40 admis... L'école de cinéma de la FEMIS est parmi les formations les plus sélectives en France. Aspirant cinéaste, j'ai vu en avant-première le documentaire que Claire Simon a consacré à ce concours. De quoi me conforter dans l'idée que la sélection par concours a ses limites...

 

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été contre les concours. Après mon master de philosophie, je n’ai pas voulu passer l’agrégation. Quand je me suis réorienté en journalisme, j’ai opté pour l’alternance. En cinéma, je ne me suis même pas posé la question.

Loin de me sentir au-dessus de ça (ma technique aurait sûrement bénéficié d’une formation d’école), j’ai toujours pesé ce que ça impliquait économiquement, socialement et psychologiquement : un calvaire.

Ce qui est super dans Le concours de Claire Simon, c’est qu’elle laisse les gens se faire leur propre idée. La mise en scène est très effacée, presque impressionniste ; si ce n’est que les gens se savent filmés. On suit les candidats et le jury d’un bout à l’autre des grandes étapes de sélection à la FEMIS, proche de ce rush d’épreuves mais sans prendre parti sur son déroulé.

Je ne suis pas critique de film, mais mon œil de jeune cinéaste a beaucoup apprécié ce documentaire sans excès, la sobriété d’un regard extérieur.

Autrement dit : Le concours est un très bon film.

Un concours, c’est beaucoup de travail en amont

Vient alors le générique de fin et avec lui mon jugement : j’ai bien fait de ne jamais me lancer dans ces concours.

Pourtant, ce n’est pas tant la complaisance d’un jury de caste ou l’incohérence de leurs tergiversations qui m’ont dégoûté. C’est surtout l’homogénéité des profils des candidats qu’on voit s’aligner tout au long du film.

Et surtout l’omission totale de tout ce que ça implique en amont !

Où sont les mois de préparation ? Cette année plongée dans les livres et les visionnages. Cette année exclusivement tournée vers le concours au point de ne plus voir personne.

Cette année sans revenus pour des jeunes qui doivent pleinement se consacrer à intégrer l’élite ? Il n’est fait aucune mention de ces problématiques, pourtant centrales dans la réussite des concours en tous genres.

Je n’en ai jamais passé. Mais je connais des gens qui se tuent à l’agrégation depuis plusieurs années, qui s’enferment en bibliothèque, comme de vrais moines. J’ai soutenu une amie qui après un an d’efforts a échoué aux concours de journalisme et en a abandonné sa passion de toujours. Et j’ai vu des confrères s’endetter seulement pour pouvoir y participer.

Et nous sommes parisiens ! Des classes moyennes soutenues, préparées, incitées à tenter cette folie des concours. Nous trouvons déjà cela difficile, mais nous avons les outils pour affronter ces systèmes sélectifs, mais quelle place est donnée aux jeunes en difficulté ? Défavorisés ? Ruraux ?

L’élite forme l’élite

À la FEMIS, apparemment aucune ! Quand on voit le panel de petits blancs bien élevés qui s’alignent sur les bancs de l’école, qui posent fièrement devant les caméras qu’ils ne connaissent que déjà trop, on questionne la sélection et surtout la dimension éducative du système.

Le représentant de « l’ascenseur social » du film est quand même un serveur, urbain, qui a été à l’université. Je ne dévalorise pas son parcours mais c’est lui que le jury catégorise de « bouseux »,  quand je l’ai personnellement identifié à un « hipster parisien ».

Ces concours sélectifs attirent ceux qui ont les moyens culturels et financiers d’y accéder, une élite qui n’a pas vraiment besoin de la formation, juste de la réputation.

Alors aussi prestigieuses que soient ces écoles, elles ne vaudront jamais à mes yeux de m’endetter pour la vie, de m’isoler des relations qui nourrissent chaque jour mon imaginaire, de rejoindre une élite qui ne connait du monde que sa petite matrice.

J’ai une plus haute idée de la société et du cinéma, une idée qui part d’en bas. Le cinéma, je l’attaquerai avec les vrais « bouseux » qui crèvent d’envie et rêvent d’en vivre.

 

 

Elliot, journaliste, 26 ans, Paris

Crédit photo Le Concours / Andolfi

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1 réaction

  1. Parfait.
    Je suis d’accord .
    J’ai un parcours atypique et ce n’est pas en ayant le capes de musique qu ‘on tient une classe .
    Ce n’est pas possible.
    Il faut de la psychologie,de l’écoute et une sensibilité.
    Je suis sur le terrain avec 3diplômes d’état et deux licence .
    Un parcours avec un handicap et j’ essaie de tenir 650eleves .

    Je peux commencer mon film sur ma vie .
    Victime d’un stress post-traumatique des attentats du RERB.
    Je connais l’existence et les Segpa m’adore comme professeur de musique .
    J’aimerais vous connaître.
    La vérité est dans vos propos .

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