Juliette D. 12/04/2015

Le jour où j’ai donné du sens à mon job

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Avoir un avenir tout tracé, un métier « prestigieux », être la fierté de son entourage... Doit-on renoncer à tout pour son bien-être ? Oui !

Je me réveille un matin, c’était au mois de mai 2014. Je me demande ce que je fais là, ce que je fais de ma vie. Je ne me sens pas à ma place, je me sens perdue. Je suis seule.

7h. Le réveil sonne. Comme chaque matin, je me demande ce qui me donne envie de me lever. Je vais au travail. Le bureau, les dossiers, par dizaines, les mails, par centaines. Et puis les « Bonjour » qui sonnent faux et les sourires hypocrites. Les pauses café et les dossiers, encore des dossiers. Heures sup’, coups de téléphone qui ne cessent jamais, encore des mails non lus. 20h. La journée est finie. Elle finit tristement, comme elle a commencé.

« Quelle femme d’affaire ! Quoi tu veux arrêter ? »

Solitude. Je ne suis pas à ma place. Les pressions familiales et sociétales n’arrangent rien. « Quelle femme d’affaires ! Qu’elle est brillante ! Elle est faite pour le droit. » « Comme je suis fier de toi ma fille… Quoi ? Tu veux tout arrêter ? C’est hors de question ! Tu vas avoir un beau et prestigieux métier, tu vas bien gagner ta vie. C’est le début. C’est toujours dur le début. Après, ça ira mieux, fais-moi confiance… »

Ça ne va pas mieux. Et ça n’ira jamais mieux. Je ne suis pas faite pour ça, pour cette vie de bureau, de rentabilité et d’hypocrisie. L’humain est réduit à un chiffre d’affaires. Il faut aller vite, ne pas trop parler surtout, le temps, c’est de l’argent. « Juliette, cinq heures sur ce dossier, ce n’est pas possible. Ce n’est pas rentable, tu vois bien qu’il n’y a pas d’argent sur les comptes. Il faut aller plus vite. »

Et puis, arrive un jour où on ne peut plus continuer à faire semblant, à faire comme si tout allait bien. On est à bout, on se rend compte qu’on s’est planté, qu’on doit agir pour ne pas devenir ce qu’on n’est pas, pour être ce qu’on est réellement. Ce jour est une libération.

L’envie d’être moi, tout simplement

Après six années passées sur les bancs de la fac de droit, j’ai décidé de tout arrêter :  mes études, le travail… Il était temps de faire autre chose, quelque chose qui ait du sens pour moi. J’étais heureuse, libérée de faire ce choix, un choix qui me correspondait, un choix d’adulte. Ça n’a pas plu à tout le monde, surtout à mon père. J’ai eu le sentiment que j’étais devenue la honte de sa vie, après avoir toujours été sa plus grande fierté. Je n’étais soudain plus qu’une pleurnicheuse qui n’aimait pas travailler. J’avais fait toutes ces études, tous ces efforts, pour rien. Entendre, vivre, une telle réaction de la part de l’une des personnes à qui l’on tient le plus au monde, c’est dur. Il y a ce sentiment d’avoir tout raté, de ne pas avoir pris la bonne décision. Mon avenir était tout tracé et d’après mon père, j’avais tout gâché. On s’engueulait, on se faisait pleurer, on se faisait du mal. Alors, on a arrêté de se parler.

Aujourd’hui, je suis volontaire en service civique dans une association, et je suis heureuse. Je fais ce que j’aime, je travaille en conformité avec mes valeurs. Dans cette association, on a le temps de prendre soin des autres, les individus ne sont pas jugés en fonction de leur compte en banque. Ils ne sont pas jugés, tout simplement. Aujourd’hui, mon engagement et mon goût de la vie font le bonheur de mon père, je crois. On se parle à nouveau et il est serein de me voir heureuse. Il a compris qui j’étais, ce que je voulais vraiment. Je suis épanouie et je sais que ma décision était la bonne. Je sais où je vais, ce que je veux, je ne suis plus perdue ni seule. Je suis moi, tout simplement.

 

Juliette, 24 ans, volontaire en service civique, La Rochelle

Crédit photo CC Flickr alles banane

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