Naomi M. 25/07/2017

Lettre à la prof qui m’a sauvée de la timidité

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La timidité maladive n'est pas une fatalité. L'aide de ses proches peut être bénéfique. Moi, je suis sur la bonne voie grâce à l'une de mes profs.

Lorsque j’étais enfant, je me rappelle que si quelqu’un d’autre que mes parents ou mon frère venait chez nous, je me cachais et refusais de dire bonjour. Je n’étais pas mal élevée, je ne cherchais pas à faire mon intéressante, j’étais juste pétrifiée à l’idée de parler à un étranger. Et peut-être que je le serais toujours si je n’avais pas eu la chance de vous rencontrer.

Bavarde avec les amis, muette devant la classe

J’avais 13 ans. Cette timidité maladive ne m’avait jamais quittée. J’avais appris à discuter avec les gens de mon âge, à avoir l’air à l’aise, un peu trop peut-être, pour cacher ce mal-être que n’importe quel regard déclenchait. Je piquais les expressions de mon grand frère et même certains de ses vêtements pour paraître sûre de moi, pour paraître forte.

Mes professeurs pensaient que je ne répondais jamais à leurs questions parce que je ne savais rien. Ils ne pouvaient pas savoir que même si j’avais toujours la bonne réponse, parler devant mes 25 camarades m’était impossible.

Et un jour, vous êtes arrivée. Vous nous avez répartis par petits groupes pour réaliser des exposés. On devait se lever et présenter nos recherches devant la classe. J’y avais passé plusieurs heures et écrit un tas de pages pour rendre le meilleur travail possible, j’avais espéré pouvoir échapper à l’oral… mais impossible.

Lorsque mon tour de parler est venu, je me suis mise à trembler et à pleurer. Personne n’a compris. Mes camarades ont ri de moi, vous avez dû penser que je faisais du cinéma puisque vous vous êtes empressée de convoquer ma mère.

Mes professeurs pensaient que je ne répondais jamais à leurs questions parce que je ne savais rien. Ils ne pouvaient pas savoir que même si j’avais toujours la bonne réponse, parler devant mes 25 camarades m’était impossible.

Quand elle vous a dit que j’avais toujours été extrêmement timide, incapable de prendre part aux conversations des repas de famille, vous avez douté. Mais vous avez fini par comprendre, vous avez réalisé que si j’étais si extravertie dans la cour et si muette lors des interrogations orales, ce n’était pas parce que je refusais de travailler, c’était parce qu’il est beaucoup plus facile de raconter des blagues à ses amis lorsqu’ils n’écoutent qu’à moitié que de prendre le risque de se tromper devant toute une assemblée.

Ignorer ou rattraper ?

Heureusement, vous avez su réagir. Vous avez refusé la pitié, vous avez refusé de faire comme si vous ne saviez rien, comme si cela n’avait aucune importance. Parce que vous êtes une personne investie et altruiste, vous m’avez aidée. Vous ne m’avez pas laissé le choix. Rester dans cette situation n’était pas une option.

À partir de ce jour, j’ai eu l’obligation de venir vous parler, à la fin de chaque cours, pour vous poser une question de grammaire ou pour vous raconter mon week-end.

Je ne pensais pas en être capable. Au début, j’arrivais en cours avec la boule au ventre et les larmes aux yeux. Mais de jour en jour, de semaine en semaine, j’ai pris de l’aisance, j’ai fini par trouver des choses à dire et à la fin de l’année je n’avais presque plus peur de vous aborder.

L’année qui a suivi j’ai décidé de ne pas laisser ces efforts se perdre et je me suis mise au théâtre.

Ça n’a pas été facile, ça n’a pas été miraculeux, mais ça m’a transformée.

La timidité n’est pas une fatalité

Je crois que j’aurais toujours mal au cœur avant de parler à un inconnu, que j’aurai toujours les larmes aux yeux avant de prendre la parole au public, mais aujourd’hui, je suis capable de faire de nouvelles rencontres et de poser des questions à mes chefs.

Parce que vous m’avez sauvée, parce que, tout en restant à votre place de professeure, vous avez choisi d’aller au bout de votre mission. Vous ne m’avez pas traitée comme une handicapée, car la timidité n’est pas une fatalité. Vous m’avez obligée à agir comme les autres, sachant que ce serait difficile. Vous m’avez donné le courage de franchir un obstacle, j’ai fini par comprendre que je pouvais le faire.

J’aimerais vous remercier une fois de plus d’avoir pris le temps de m’aider, grâce à vous, j’ai fait mes premiers pas sur ce très long chemin et je ferai toujours tout pour continuer à avancer.

Naomi, 19 ans, en service civique, Marseille

Crédit photo Ryan McGuire

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