Mariame JA. 20/10/2019

Aux jeunes sapeurs-pompiers j’ai repoussé mes limites

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De mes 12 à 18 ans, je me suis préparée à devenir sapeur-pompier. Un entraînement intense, du sexisme, mais surtout des valeurs que je ne suis pas près d'oublier !

À 12 ans, je suis devenue Jeune Sapeur Pompier [JSP]. Sans doute pour suivre un schéma tracé ; un peu pour faire comme mon grand frère, beaucoup pour rendre maman fière. Certains rêvent de camions rouges, de sauver des vies en traversant les flammes au péril de leur vie. Et bien… pas moi. J’espérais presque inconsciemment ne pas être acceptée, un sentiment de ne jamais être à la hauteur hantant mon esprit. Mais après des tests d’aptitude, on m’a annoncé mon recrutement. C’était donc parti pour six ans de formation au lieu de quatre. Eh oui ! Pourquoi commencer à 14 ans quand on peut commencer à 12 ?

Tous mes samedis matins s’articulaient de la même manière.

8h00. En rang au garde-à-vous pour l’appel, puis départ pour la séance de sport (en espérant avant ça échapper au test de connaissances du cours de la semaine précédente ; rare, fort heureusement) : pompes, running, pompes, abois, running, tractions. Short et t-shirt, peu importe que l’on soit en février, qu’il pleuve, ou que l’on aille se jeter dans un lac d’eau glacée au cours de la séance.

10h00. Cours théorique ou pratique sur le sauvetage, mise en sécurité, secourisme, maîtrise d’un incendie ou autre technique opérationnelle.

12h30. Libération ! (= début du week-end)

J’ai eu du mal à reconnaître le sexisme

Assez rapidement, je suis devenue un « moteur du groupe » au niveau théorique. Eh oui, je suis plutôt du genre à voir la logique. Alors rester assise deux heures sur une chaise inconfortable à écouter un formateur nous parler des différents modes de propagation d’un incendie ou autres joyeusetés… C’était chiant, mais reposant ! En sport, c’était pas la même musique… Lors des rassemblements avec tous les JSP du département, sans me vanter, le 100 mètres, j’assurais assez. Mais le 4 kilomètres 500… beaucoup moins. Certains diront que cela permet de repousser ses limites. Pas faux, mais pas vrai non plus. En réalité, ça fait autant mal à l’amour propre qu’aux poumons.

Toi aussi tu veux devenir Jeune Sapeur Pompier ? C’est une formation tout au long de l’année scolaire, les mercredis et/ou les samedis. Voici une vidéo qui présente la formation !

Récit pas très glorieux, je le sais bien. Mais, le plus dur, en tant que féministe dans l’âme, c’est que j’ai eu du mal à réagir et même juste à reconnaître le sexisme auquel j’ai fait face : « Non mais les gars, vous n’avez pas honte ? Regardez, même une fille peut le faire ! » La fille en question c’était moi, très partagée entre ces remarques et les critiques de ma pratique sportive, malheureusement « un peu en dessous du niveau des garçons ». Au-delà de créer une rage conséquente, cela m’a surtout fait (beaucoup) me remettre en question. J’ai établi des plans de remise en forme, du genre : « Mais si je perdais du poids, mon cardio serait meilleur, non ? » (J’en ai plein d’autres des stupides comme ça !) Malheureusement, je n’ai jamais posé ces questions à quelqu’un qui m’aurait dit que c’était ridicule. J’ai juste interrogé mon esprit, source d’angoisse et de perte de confiance.

Mais il y a aussi eu beaucoup de positif dans mon expérience. Quand on pense JSP, on pense flammes, sauvetages, mais on oublie parfois l’éthique et les valeurs. À côté de ça, j’ai participé à un plan citoyenneté, en commémorant les « morts pour la France » au cours de la Première et de la Seconde Guerres Mondiales. Alors certes, rester au garde-à-vous pendant une demi-heure sous le soleil du 8 mai, ça ne parait pas idyllique, mais lever un drapeau français, ça crée un souvenir. Et c’est une petite fierté personnelle. Puis, vendre des peluches dans un centre commercial tout un samedi non plus ça parait pas passionnant, mais faire ça une fois par an en l’honneur du Téléthon, c’est un peu plus cool.

Les pompiers ne sont pas les seuls à vouloir améliorer le monde

J’ai arrêté en décembre 2018, peu avant mes 18 ans, quatre mois avant de passer mon brevet de JSP. Vous vous dites que c’est stupide d’avoir arrêté si près du but (et vous n’êtes pas les seuls), mais ce n’était pas mon but ! C’est à cette période-là que j’ai enfin réussi à affirmer mes envies alors j’ai pas hésité, j’ai pris mon téléphone, et j’ai  « rompu » avec la caserne… par SMS. C’est mal, mais le sentiment de liberté était intense. On m’a demandé pourquoi j’avais pas au moins téléphoné. Oui, j’ai été un peu lâche, autant vous dire que la devise « courage et dévouement » n’était définitivement pas pour moi. Et puis, je m’en fous ! J’ai permis d’offrir ma place pour le brevet JSP à un camarade (places limitées, disons que j’ai presque rendu service) et puis… je fais la grasse mat’ le samedi matin !

Émilie est lycéenne mais elle est surtout sapeur-pompier volontaire depuis un an. Son rêve : faire de cet engagement son métier. Les pompiers sont ma deuxième famille

Les JSP ce n’était pas parfait, mais j’ai clairement repoussé mes limites. Et puis, j’ai aimé les valeurs défendues par les sapeurs pompiers, à savoir la solidarité, l’entraide, la cohésion, l’esprit d’équipe. Jamais l’un des membres du groupe ne se serait retrouvé abandonné, sans soutien des autres. C’est peut-être en partie ce qui m’a poussée à persévérer. J’aime l’idée (utopique à 120 %) que le monde qui m’entoure pourrait être meilleur si chacun permettait à une personne en difficulté de s’appuyer sur son épaule. Un peu naïve ? Pas tant que ça ! En devenant Jeune Ambassadrice, j’ai rencontré plein de gens dévoués à la défense de causes qui leur tiennent à cœur, des personnes de mon âge, ou plus âgées. Alors je me dis qu’on ne doit pas être les seuls à vouloir améliorer le monde dans lequel on vit, au moins à notre échelle. Point positif notable : être JSP m’a probablement permis de devenir JA, pour l’engagement que cela représente. C’était juste pas pour moi.

J’ai peut-être pas un mental d’acier, mais je suis prête à poursuivre ma voie. Maintenant, je m’apprête à intégrer une école dans le secteur du digital pour maîtriser de nouveaux outils qui me permettront d’exprimer les opinions refoulées, réagir, et lutter au maximum contre les stéréotypes que j’ai pu rencontrer.

 

Mariame, 18 ans, lycéenne, Bordeaux

Crédit photo © Sapeur-pompier de France

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