Wahib A. 12/04/2018

J’ai aidé mon pote incarcéré à ne pas craquer

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Mon ami vivait mal la prison. En bon pote, je l'ai soutenu du mieux que je pouvais, jusqu'à sa sortie. En donnant de l'argent, et de mon temps.

En janvier 2016, un ami d’enfance est entré en prison pour six mois au centre de détention de Villepinte, dans le 93. Pour une affaire de trafic de stupéfiants. Issu d’une famille très pauvre, pour purger sa peine dans de bonnes conditions, ça a été dur. Le système fait que les conditions de vie des prisonniers sont totalement liées aux montants des mandats qu’ils reçoivent.

Au début, il utilisait le smartphone de son codétenu pour me contacter et me demander ce dont il avait besoin. Son téléphone à lui, on lui a envoyé en « parachute » : on enroule le téléphone avec beaucoup de mousse et papier cellophane et on le balance à une heure précise dans la cour de promenade.

J’ai fait des choses dont je  suis pas fier pour lui envoyer de l’argent

Sa famille n’avait pas les moyens de lui envoyer de l’argent. Et les prix en prison sont largement plus élevés que dehors ! La télé, c’était quatorze euros par mois. Et les prix de la nourriture sont multipliés par environ deux ou trois comparé à dehors. J’ai donc dû faire des choses dont je ne suis pas fier et à contre-cœur pour lui envoyer de l’argent (je n’avais pas de « vrai » boulot…).

Je me rendais à la poste pour lui envoyer des mandats cash qu’il recevait au bout de 48h à 72h. Je devais inscrire son numéro de détenu, son nom/prénom ainsi que l’adresse de la prison et mes coordonnées. Le montant des mandats était toujours de 100 euros,  un ou deux par semaine, tout dépendait de son besoin.

Je l’ai aussi soutenu psychologiquement. Grâce au téléphone, il avait accès aux réseaux sociaux et donc à internet. Il se connectait fréquemment sur Snapchat et Whatsapp pour qu’on discute en vidéoconférence. C’était pour lui donner une force mentale qui s’éteignait petit à petit tout au long de sa peine. Sans cette communication, les six mois auraient parus beaucoup plus longs.

Je suis allé le voir jusqu’à sa sortie

Après plusieurs mois, j’ai fait ma demande de visite au parloir qui a été acceptée. J’y allais quand j’avais le temps, entre les cours à la fac et mes activités à l’extérieur. Je l’appelais toujours avant pour lui fixer un jour. Au parloir, parfois je lui ramenais des vêtements que sa mère me donnait ou que je lui achetais et j’en profitais pour lui glisser quelques mots bienveillants. Je lui parlais de projets pour quand il serait dehors, pour le motiver.

Aujourd’hui, il est sorti. Il est en deuxième année de BTS et a arrêté l’argent facile. Il a pris du recul, gagné en maturité et a suivi mes conseils pour poursuivre les études.

Aymeric raconte sa détention comme une chance. La chance de pouvoir suivre une formation, d’obtenir son diplôme et d’être prêt pour la sortie.

La prison permet à certaines personnes de se remettre les idées en place et mon pote en fait partie. En voyant les larmes qui coulaient une à une sur les joues de sa mère durant ses visites au parloir, il a eu un déclic. J’ai eu la chance de percevoir ce déclic au long de nos discussions, alors j’en ai profité pour lui expliquer que la vie ne se résume pas aux trafics illégaux, qu’on pouvait aussi se remplir les poches en choisissant la voie difficile. À sa sortie, il a directement fait des vœux pour un BTS assistant de gestion à Aulnay-sous-bois.

Je me souviens d’une phrase que je lui répétais assez souvent : « Plus le combat est dur, plus la victoire est belle. »

 

Wahib, 22 ans, étudiant, Bondy

Crédit photo Adobe Stock // CC Sinuswelle

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