Kenza H. 08/05/2019

C’est pas parce que je viens d’une cité que je vais pas briller

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Dans mon quartier, je vois deux options : bosser dur à l'école ou... dans la rue. J'ai choisi de réaliser mes rêves, rendre fiers mes parents et servir de modèle aux plus jeunes.

Je trouve que la discrimination débute à partir du moment où l’on sort de notre zone de confort : la cité. Les préjugés sont fondés sur des apparences mais ces dernières peuvent changer, évoluer. On est peu à essayer de se bouger pour supprimer tous ces préjugés. Perso, je sais que je vais y arriver, mais dans mon quartier, c’est pas le cas de tout le monde.

Beaucoup l’ont l’ambition, mais finissent par abandonner pour rester en bas du bat’ à se tourner les pouces et à vendre leur merde ; qui les tue à petit feu. On connaît tous ce mec avec une intelligence et un savoir impressionnants mais qui reste au même point parce que le quartier, il le quittera jamais. Je parle des grands du quartier que je vois en rentrant des cours à la pause de midi (c’est leur heure de pointe) et puis tout le reste de la journée en fait. Ils sont là, posés matin, midi et soir, toujours à la même place…  Il y a Samir de la tour blanche, j’ai grandi avec lui, on se disputait toujours au parc d’ailleurs. Lui, c’est l’exemple même du mec qui a vrillé pour aider sa mère. Elle est tombée gravement malade, ils vivaient que tous les deux du coup elle a arrêté de taffer et je vous laisse imaginer la suite. Samir a plongé dans l’argent sale… C’est sûr que c’est plus facile que d’être embauché ! Aujourd’hui, je le croise toujours au même endroit, les yeux cernés et le regard vide.

On peut tous s’en sortir si on dépasse les préjugés

La première clé qu’on nous donne c’est l’école, mais là-bas il y a deux cas :

Il y a le pitre, qui est là que pour amuser la galerie et mettre l’ambiance, j’en ai connu de ceux-là, leur chemin était tracé depuis le début : « la rue ».
Et il y a celui qui bosse dur, qui est là pour briser les codes et les préjugés mal fondés mais surtout pour rendre fiers ses parents.
Moi ? Je fais partie de celles qui veulent montrer le trésor qui se cache dans nos cités. Je veux rendre fiers mes parents, leur montrer qu’ils ne se sont pas démenés pour rien, à taffer dur et à quitter l’Algérie pour la France. Mais l’autre truc, c’est de donner envie aux plus petits, leur montrer qu’il n’y a pas que l’argent sale pour pouvoir t’acheter une grosse voiture. On est tous intelligents et on peut tous s’en sortir si on s’en donne les moyens. J’ai 17 ans et des tonnes de rêves en tête. Voyager, découvrir de nouvelles cultures, aider mon prochain.

Si on respecte l’ambition de Kenza, on aime à rappeler que le « mérite » est le meilleur moyen de cacher des inégalités sociétales. Brut et David Guibaud nous l’expliquent à merveille !

J’ai fait partie de ceux qui s’amusaient avec ses potes au lieu d’écouter les dires du prof, ouais, et je ne regrette pas. Mais ces potes, je m’en suis éloignée petit à petit. J’ai changé mon entourage du tout au tout et aujourd’hui, je compte mes amis sur les doigts d’une main. C’est en première que j’ai réalisé que ça ne menait à rien toutes ces conneries, quand j’ai vu la tête que mon père faisait devant mes bulletins. J’avais toute ma famille qui attendait ma réussite.

Noire, venant du Val d’Oise et arrivée en classe prépa dans le 16e arrondissement de Paris, Marie-Ange a été confrontée à la puissance des clichés. Elle n’a rien lâché. Et c’est sa fierté ! Classe prépa : je suis une racaille d’élite

Alors maintenant, dès que je rentre chez moi, je me mets direct dans mes révisions, je relis mes cours encore et encore et puis quand je ne comprends pas, je cherche de l’aide. Mes potes et moi on se démerde pour réaliser nos rêves et on les réalisera même avec notre étiquette collée sur le front. Moi, mon étiquette, c’est celle de la fille au teint basané qui dès qu’elle emploie des mots avec un français un peu plus soutenu, la société la regarde avec des gros yeux. Avec du recul, cette étiquette j’en suis fière, fière de leur montrer qu’on a tous un cerveau.

 

Kenza, 17 ans, lycéenne, Mantes-la-Jolie

Crédit Photo  Netlifx // © Nicola Goode, On My Block (série 2018)

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3 réactions

  1. Bonjour Kenza,

    Bravo pour ta détermination !! il n’y a que le travail qui paie, le reste est éphémère.
    Si je peux aider d’une quelconque manière n’hésite pas 🙂

    Courage !

  2. Merci et oui évidemment qu’il y a des personnes vraiment intelligentes en cité ! Je vous souhaite une belle réussite vous allez l’air motivé continuez comme ça !

  3. Je vous souhaite de réaliser votre rêve, surtout ne lachez rien car rien est impossible !
    Je suis passer par un village en province, un an dans une cité dans le 93 et je t’assure qu’il y a des personnes intelligentes dans les cités, qui font le bien et donne le meilleur pour leur réussite.
    Le reste, ils sont non-chalant, argent facile mais ça ils comprendront et ça sera trop tard.

    Je suis passer par l’ecole, jusqu’au bts, malgré un échec et les sous entendu de ne pas pouvoir réussir mon rêve ou ce que j’aime le plus.

    Aujourd’hui, je suis mannequin mais depuis j’ai quitter l’ecole, j’ai décidé de suivre mon rêve et je compte y parvenir.
    Néanmoins, je m’en rapproche car je reviens d’un test eń professionel et bientôt je réussirais ma mission, ma passion mais j’abandonnerais jamais!
    Cependant, l’école nous met dans le droit chemin et heureusement, car malgré mon échec , je compte bien rattraper mes points en bts.
    Je partage mon énergie dans les écoles élémentaires et surtout montrer à ses enfants ou ses jeunes, qu’ils ont la chance d’être en France et d’apprendre !

    Donnez vous les moyens, dites vous vous avez rien à perdre et surtout pensez à vos parents, vos familles qui reviennent de loin !
    Il est préférable de tout essayé pour ne pas regretter dans le futur, vous êtes jeunes et vous êtes plus fort que vous le pensez !

    Cordialement

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