Christophe F. 17/12/2017

J’ai connu la rue… je m’en suis sorti à Paris !

tags :

Je me suis fait virer de chez ma mère à 19 ans. De la rue au Portugal à des petits jobs à Paris, j'ai tout fait pour m'en sortir. Aujourd'hui, je peux enfin penser à l'avenir.

Quand j’avais 9-10 ans, au Portugal, ma vie n’était pas facile : quand je n’étais pas à l’école, mon père me faisait travailler dans le jardin de notre maison, pour construire des murs et d’autres choses comme ça.

À 11 ans, mes parents se sont séparés. Tout a changé pour moi. Mon père est parti et je ne l’ai jamais revu. J’ai dû grandir très vite et élever mon frère qui a 2 ans de moins que moi. À cette époque, il était en dépression. Moi aussi. Je dormais avec des couteaux parce que j’avais peur que mon père revienne. Il était violent. Alcoolique. Bref, je devais m’occuper de mon frère. Je lui montrais comment faire les choses, prendre soin de lui-même, respecter les autres et surtout sa propre mère, bien choisir les personnes avec qui il trainait… Franchement, ce n’était pas facile, mais aujourd’hui, je peux dire qu’il est un homme, avec quelques défauts, bien sûr, mais il doit me remercier pour ce qu’il sait.

De chez ma mère à la rue

A 18 ans, j’ai arrêté mon Bac pro maintenance informatique. Je voulais directement travailler, mais je ne savais pas dans quoi. Alors je n’ai rien fait. Ma mère ne voulait pas vraiment me donner d’argent.

Quand j’ai eu 19 ans, la situation s’est encore compliquée. Mon beau-père avec qui m’a mère était depuis plus d’un an, nous faisait la tête, à mon frère et moi. Il me disait qu’il fallait que je travaille car en attendant, c’était lui qui ramenait l’argent à la maison. Il en était arrivé au point de cacher de la nourriture dans sa chambre et de la fermer à clé.

Tous les jours, ça criait. À un moment donné, j’ai dit à ma mère de choisir entre lui et nous. Elle l’a choisi lui. Elle m’a laissé sans rien.

Je suis parti de chez elle et mon frère est resté. C’était au mois de mai. J’étais vraiment mal. Je suis allé dans la rue. Je suis resté dans ma petite ville, à Tomar, mais je bougeais tout le temps. J’allais là où il faisait plus chaud, dans les bâtiments laissés à l’abandon. J’essayais de me cacher un peu aussi. La nuit, il faisait froid. Je n’avais pas d’argent pour acheter à manger. Je ne voulais pas faire la manche. J’avais honte. Même si je n’avais rien, je préférais ne rien dire. Heureusement, mes copains m’amenaient un peu de nourriture. Mais pas toujours.

J’avais une amie qui travaillait dans un café et qui avait parlé de moi à son patron. Je rendais quelques services, je sortais les poubelles, etc. En échange, ils me donnaient à manger. Grâce au bouche à oreille, je réussissais comme ça, à trouver des petits boulots qui dépannaient. J’ai par exemple planté des légumes bio chez des gens,  pour dix euros la journée, plus la nourriture.

Je me sentais quand même toujours très très mal. Je ne pouvais même pas prendre de douche car je n’avais nulle part où la prendre. J’ai dû parler à plein de personnes pour essayer de trouver du travail ou quelqu’un pour me prêter un appartement, une maison. Après un mois, un ami m’a dit qu’il avait un travail pour moi. C’est comme ça que je me suis retrouvé à travailler un mois dans la ferme où lui aussi bossait. Je faisais un peu de tout : je trayais les vaches, je coupais la laine des moutons, je donnais à manger aux chevaux, etc. Ça ne me plaisait pas beaucoup. Ça prenait tout mon temps. Moi, j’aime être libre. En plus, ils ne me payaient pas. Ils me donnaient juste à manger et une chambre, qui n’avait même pas de fenêtre…

Et puis un jour, mon oncle m’a tendu la main

Un jour, mon oncle, le frère de ma mère, m’a appelé pour me demander si je voulais le rejoindre en France, à Paris. À partir de ce moment, ma vie a complètement changé. J’ai dit oui tout suite. C’était un rêve d’habiter ici ! Mon grand-père avait travaillé en France et je voyais que la vie y était plus facile pour trouver un travail, pour gagner sa vie. Pour ne pas compter à chaque fois les pièces dans ta poche. Pour ne pas avoir besoin de regarder tout le temps le prix des choses. Je ne me suis pas trompé. En tout cas pour le moment.

Ça fait un an et deux mois que j’habite à Paris, avec mon oncle, qui est serveur. C’est un peu petit, c’est un studio. Mais j’ai connu pire… Avec lui, ça se passe bien !

A Paris, j’aime pouvoir aller dans plein d’endroits : aux Champs-Elysées, à la tour Eiffel, à la Concorde. Pas dans les quartiers pourris comme Barbès, la Chapelle ou Stalingrad. En France, les gens dans la rue ne sont pas des personnes qui, comme moi, ont été rejetées par leur mère. Beaucoup sont feignants, alcooliques, ils ne veulent pas s’en sortir dans la vie. Je n’ai donc pas de peine pour eux. Certaines personnes qui font la manche ne la font pas vraiment pour manger. C’est surtout pour acheter de l’alcool ou bien des drogues. Si je vois une mère enceinte dans la rue, là, je l’aiderai, car je saurai que sera pour son bébé et il n’est pas coupable. Pareil pour un monsieur d’un certain âge, parce que la retraite, parfois, ce n’est pas assez. Mais je ne donnerai pas d’argent, que de la nourriture. 

Prendre un nouveau départ

En arrivant, je ne parlais pas du tout français ! Pendant cinq mois j’ai suivi un cours intensif de français dans l’école ENS à Marx Dormoy. En même temps, je l’apprenais aussi à la Mairie du 9ème (Notre-Dame-de-Lorette) le soir. C’est la Mission Locale qui a payé.

Aujourd’hui, je travaille à McDonald’s. Ça me permet d’acheter ce que je veux, d’avoir de l’argent de poche. Mais c’est très chiant.

Les horaires : 19h – 2h30, 22h-2h. Le dimanche : 16h – 22h. Je travaille depuis 9 mois là-bas et je suis l’un des plus anciens. Ce n’est pas très compliqué car il n’y a pas beaucoup de personnes qui aiment rester là-bas !

Maintenant, ce que je veux, c’est un travail qui me permette d’avoir une vie stable. Je m’intéresse à l’électricité. Il y a beaucoup de travail dans ce secteur. Je veux un travail que je pourrai faire jusqu’à la fin de mes jours. Je ne veux pas d’un métier que je ne pourrai plus faire dans cinq ans.

Retourner au Portugal ? C’est hors de question maintenant pour moi. Sauf pour aller en vacances, quand j’aurai ma retraite. Si j’en ai une…

 

Cristovao, aujourd’hui Christophe, 20 ans, stagiaire à l’E2C (École de la 2e Chance), Paris

Crédit photo Flickr // CC Patrick Marioné

Partager

6 réactions

  1. Il a son expérience, il a son avis. Il dit la vérité : il y a aussi “des fainéants et des alcooliques” dans la rue, c’est clair. Il n’a pas dit pour autant qu’il fallait les maltraiter. Pour nuancer son opinion il vaudrait mieux lui dire : “que penserais-tu des gens qui diraient de toi que tu es un bon-à-rien parce que tu bosses à MacDo ?… Ce ne serait pas juste, sans doute”… Il faut aller de l’avant, et aider si possible ceux qui restent derrière…

  2. c’est plus compliqué …je ne te juge pas ‘bravo pour ton courage et ta motivation.
    bonne continuation.

  3. Bonsoir messieurs dames,

    Quand j’ai parlais des alcooliques, fainéants entre autres je parlais en général. Et parfois les situations sont très compliquées, je suis désolé mais il y a des personnes qui le sont, on ne devrait pas cacher ça.

    L’auteur du texte

  4. Jugements de jeunesse…il ne faut pas lui en vouloir. Cela semble une belle personne

  5. Dommage pour le jugement à l’égard des “fainéants, alcooliques, etc…”
    tu ne sais rien sur eux et je ne pense pas qu’ils sachent grand chose sur toi, tout comme nous… avant cet article.

  6. Je t’aurais presque trouvé sympa et tu es courageux, c’est certain… Tu as un sacré parcours.

    Mais ça : ” Beaucoup sont feignants, alcooliques, ils ne veulent pas s’en sortir dans la vie. Je n’ai donc pas de peine pour eux.” Sérieux? Mec, si tu veux pas qu’on te juge, évite de juger les autres. En plus , vu le nombre de gens qui sont SDF à Paris, ça m’étonnerait qu’ils correspondent tous à ton portrait stéréotypé. C’est facile de dire que tous les autres sont feignants sauf toi.

Voir tous les commentaires

Commenter