Jason Baptiste 20/07/2017

Moi, banlieusard à la découverte de la vie parisienne

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Ado, j'étais prêt à vivre en faisant du business dans la rue, dans ma ville de Torcy. Mais ma rencontre avec la vie parisienne m'a changé.

Je suis un produit de la ville. Enfant, tout avait l’air parfait. Tout se passait bien. J’avais des amis, des ennemis, on ne faisait pas de différences. Il n’y avait pas d’arabes, de noirs, de blancs, d’asiatiques, juste des copains et des copines.

En grandissant, j’ai découvert les qualités et les défauts de Torcy. Je me suis rendu compte que les jeunes restaient entre communauté, surtout les jeunes noirs et arabes.

Je viens du Torcy noir et arabe…

J’ai commencé à voir deux Torcy différents.

Un Torcy plutôt historique, résidentiel, calme, avec beaucoup de maisons et des jeunes tranquilles qui vont à l’école, qui trouvent leur bonheur… Un Torcy majoritairement blanc.

Et puis, un autre Torcy. Moins calme, sale, avec beaucoup d’HLM. Un Torcy où il peut y avoir des braquages, du shit, des bières par terre, des tags remplis d’insultes (surtout envers la police),  des bagarres dans les écoles, des bruits de motos cross… Un Torcy dans lequel on peut voir des jeunes traîner à ne rien faire, squatter dans des bâtiments comme le mien pour fumer, s’amuser. Un jour, j’ai trouvé des préservatifs dans la cave de mon immeuble. Surement une histoire de prostitution. Il y a aussi une voiture qui a brûlé à côté de mon école. Ce Torcy est majoritairement noir, arabe. C’est là d’où je viens et où j’habite. Il y a une grande solidarité entre nous tous.

Moi, jeune du ghetto, mon avenir a changé en raison de ma dépression et surtout de mon vécu au collège. Les élèves du collège me détestaient car j’avais une personnalité complètement différente. A partir de mes 14 – 15 ans, j’ai tellement perdu confiance en moi que les cours commençaient à me déplaire et que je séchais pour ne plus vivre cet enfer. En quittant l’école, je me sentais prêt à faire du business dans la rue, à gagner de l’argent.

… et suis tombé amoureux de Paris

Un an plus tard, en 2011, j’ai intégré un institut de remise à niveau à Paris. Ma prof de français m’a beaucoup influencé, surtout sa manière de parler : elle avait un langage soutenu, elle articulait très bien ! Ça m’a donné envie de parler comme ça et en plus ça m’a été utile. Comme je suis un petit black qui vient de la banlieue, je devais avoir un langage correct pour prouver que moi aussi je respecte ma langue maternelle, la langue de Molière.

Je me suis alors rendu compte que j’avais plus de chance d’être contrôlé si je gardais mon langage familier et mon style vestimentaire.

Ma manière de vivre change avec le temps, surtout depuis que je fréquente cet hôpital de jour.

Les Parisiens m’ont également fait évoluer dans le bon sens : ils m’ont rendu plus humain. Ils m’ont par exemple appris à accepter la différence des autres, à être ouvert. Ils m’ont donné un amour définitivement fou pour Paris. Je ne parle que de Paris, de son club, ses loisirs, ses restaurants, ses monuments, ses entreprises. J’ai découvert le monde du théâtre. J’ai appris à faire du piano en traînant dans les gares parisiennes. Les Parisiens m’ont donné l’envie de connaître l’histoire de la capitale et de la France et surtout, ils m’ont fait découvert le hip-hop, le break dance et maintenant je danse depuis deux ans.

Tu peux devenir qui tu veux !

Ma vie parisienne m’a donné la motivation de reprendre les études et de viser très haut pour montrer que même un jeune du ghetto peut devenir ingénieur, médecin, politicien… et bien d’autre choses encore !

Malheureusement, beaucoup de jeunes n’ont plus la motivation et préfèrent rester dans les cités. En tout cas, si vous voulez la pureté d’une amitié, ne vous gênez pas, venez vivre au milieu d’une cité ! Qu’on soit une personne bourgeoise ou du ghetto, on n’est jamais condamné à l’échec, on forge notre propre avenir même si la pauvreté et les injustices envers certains peuvent tout détruire. Et c’est ce qui se passe le plus souvent dans les cités.

En ce qui me concerne, j’ai repris mes études pour aller à la fac pour être concepteur ou ingénieur en microtechnique. Ca va être dur, mais c’est la mission que j’ai choisie et je vais me battre pour obtenir des diplômes. Après tout, le combat continue…

 

Jason, 20 ans, Torcy

Crédit photo Flickr CC © Moyan Brenn

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5 réactions

  1. Venant aussi d’un quartier de Torcy, c’est une très bonne chose de réussir et de s’en sortir pour des gens de ‘banlieue’. J’ai fait ma scolarité à Torcy et lycée à Noisiel… Jusqu’au diplôme d’ingénieur et ce n’est pas Paris qui m’a aidé à réussir mais mon entourage qui m’a poussé et évité de tomber dans ces clichés de jeune de banlieue. Continue sur la bonne voie, ce n’est que comme ça qu’on ne sera plus vu comme des cassos de cité !

  2. C’est très très jenial courage tu as croisse une ange contenu ta voie avec fierté bien bien et très bonne chance

  3. Joli pas de côté, et bon courage, moi je crois en vous. Ce que vous avez déjà entrepris c’est une sorte d’Everest…

  4. Fonce!
    Bravo Jason, fonce, crée ton avenir à la sueur de ton travail et de ton abnégation pour t’élever, rien n’est impossible et facile dans la vie. Sois acteur de ta future vie.
    P.S. : je viens de la cité de Vitry s/Seine et j’adore lire les posts de ZEP.

  5. Un très beau témoignage ! Je te souhaite bon courage et bonne chance ! 🙂

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