Candice 22/09/2017

Banlieusarde, je débarque à Paris !

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Vivre à Paris, j'en ai longtemps rêvé. Née et élevée en banlieue parisienne, je vais (enfin !), à 24 ans, emménager dans la capitale...

Comme tous ceux qui habitent dans « la petite ville à côté de… », je vais enfin me débarrasser de la frustration d’être pourtant trop loin de tout. Mais cette attirance vers les lumières de Paris ne date pas d’hier. La question c’est plutôt, est-ce que je vais y griller mes petites ailes ?

7 ans : Un de mes premiers souvenirs, c’est aller en famille observer les vitrines de Noël des galeries Lafayette. A chaque fois qu’on m’embarque à Paris, c’est pour un événement exceptionnel : un spectacle, une visite de la capitale à de la famille, un anniversaire au restaurant…  Je me rappelle précisément du moment où l’on repartait en longeant la Seine en voiture via le quai Voltaire, les lumières éclairant les rues et les monuments se reflétant dans l’eau. A cet âge-là, on a toujours l’impression que la Tour Eiffel scintille rien que pour soi. En fait on a juste la chance de passer par-là à l’heure pile.

Rêver de rester dans le train jusqu’à Paris

12 ans : Le mythe parisien prend de l’ampleur. Evidemment, je suis nourrie aux films français dont 90% se passent dans un Paris printanier, plutôt chez les riches. Et cela, même quand ça parle de jeunes (comme LOL de Lisa Azuelos qui sortira quelques années plus tard). Je reste encore beaucoup dans ma banlieue. Mais quand je pars en vacances et que je me présente, je triche un peu en disant que je viens de Paris. Quel banlieusard ne l’a pas fait ? De toute façon, tu n’habites vraiment qu’à 20km de la capitale et si tu prononces le nom de ta ville, ça ne dira rien à personne. Ou pire, pour certains, ça renverra à la mauvaise réputation de certaines villes de banlieue (prononcé avec un air grave de politicien concerné).

15 ans : Premières excursions avec les copines lycéennes. Rien de très fou, on ne connaît pas grand-chose, mais Paris, c’est si exotique. Au point qu’on garde nos tickets de RER et on les ajoute à la collection, pour la gloire, comme s’il s’agissait d’un aller simple pour San Francisco ou Shanghai. En tant qu’usagère forcée du RER B, l’incontournable est Châtelet-les-Halles, plus connu sous le nom de « Labyrinthe de l’enfer ». Outre son interconnexion avec plein d’autres lignes, la station a un magnifique forum avec des boutiques où l’on peut traîner ses Converses.

Les jours où je ne prends le RER que pour le temps d’une station, c’est pour me rendre au lycée. Combien de fois j’ai eu envie de rester dans le train jusqu’à Paris… Pour quoi faire ? Oh avec 10 euros en poche et un sens de la rébellion proche de zéro, j’aurais sans doute bu un thé dans le premier café trouvé, marché un peu et je serais rentrée chez moi une heure plus tard. Finalement, Paris me faisait rêver mais je ne l’avais pas encore apprivoisée.

La fac et l’enfer du RER

19 ans : Je dois traverser tout Paris pour aller à la fac. Pas de chance. Ce n’est pas le quartier latin ni ses rues pavées de clichés et encombrées de touristes qui m’attendent. Non, à la place c’est un bâtiment en rénovation avec vue sur le périph’. A cette époque, je sors peu, la fac m’emmerde profondément. Mon but devient de rester à Paris le moins possible puis de rentrer rapidement chez moi, de raccourcir au maximum les longues heures passées dans les transports. Le RER, ses grèves, ses horaires décalées, ses incidents voyageurs, signalisation, neige, grêle, pluie, bagage abandonné… On serre les dents et on attend, sous les aisselles d’un voyageur soudain bien trop proche.

23 ans : Autre fac, même trajet qui me paraît interminable. Comme le RER aime faire des feintes à ses usagers, je pars 30 minutes plus tôt pour être sûre d’être à l’heure en cours. Comble de l’injustice, des étudiants probablement parisiens viennent poser leurs fesses dans l’amphi avec parfois 45 minutes de retard. Quand je sors le soir, parfois banlieusarde solitaire parmi des Parisiens, je dois guetter l’horaire du dernier RER. Souvent, avec le regard un peu flou de celle qui s’amuse un verre à la main mais n’oublie pas la galère qui lui est promise si elle s’amuse un peu trop et zappe.

Je pars donc vers 23h30, à peine la soirée commencée. Les soirs de bonne humeur, je lance un « Appelle moi Cendrillon si tu veux mais je dois rentrer avant minuit ». Les soirs de frustration, je maudis la provinciale récemment devenue parisienne qui me croise dans l’escalier avec un pack de bières pour ravitailler la soirée, alors que moi je me barre. Celle-là me lance, compatissante : « Ah oui, c’est vrai que toi t’habites suuuuper loin. » Compassion ou pitié ? Pas le temps d’y réfléchir, le RER est annoncé avec deux minutes d’avance par rapport à l’horaire prévu. Je cours. J’ai déjà testé le VTC à 30 balles et quand je ne peux pas le partager avec des amis, je n’ai pas vraiment les moyens. Et si je faisais une cagnotte pour financer mes soirées ?

Un désir d’indépendance et de goûter à la vie parisienne commence à faire son chemin dans ma tête. Il me faudra deux ans pour me jeter à l’eau, faire mes calculs et mon budget, réaliser que ça tient tout juste si je ne mange que des pâtes. Mais après tout, est-ce que ce n’est pas ce qui fait le charme de la vie étudiante à Paris ? Je me lance dans les recherches d’appartement, je finis par trouver, mais ça c’est une autre histoire.

Paris, me voilà !

Ça y est, dans quelques jours, je débarque.

La vraie question finalement c’est : emménager à Paris, est-ce que ça nous transforme en Parisien ou Parisienne instantanément ? Est-ce qu’il suffit d’y rêver depuis qu’on nous a fait apercevoir la Tour Eiffel à travers notre banlieue, en nous portant à bout de bras depuis un point situé en hauteur ? Ou est-ce qu’on doit passer par des épreuves, des rites de passage pour mériter sa place ?

A la campagne aussi on rêve de Paris. C’est le cas de Marion qui n’attend que ça : avoir son bac et s’envoler vers la capitale ! Un podcast ZEP.

Dans une série chère à mon adolescence, How I Met Your Mother, le personnage de Robin découvre qu’elle ne sera officiellement New-Yorkaise qu’après avoir passé 4 étapes : avoir écrasé des cafards, volé le taxi de quelqu’un d’autre, pleuré dans le métro et s’en foutre et croisé Woody Allen.

Et si c’était pareil pour Paris ? Et même pour tous les banlieusards, provinciaux qui partent à l’aventure de la grande métropole la plus proche ?

 

Candice, 24 ans, Paris

Crédit Unsplash // Mika Baumeister

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