Sofiane W. 13/10/2020

L’anxiété sociale, ça vous parle ?

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Sofiane ne s'est jamais senti à l'aise face aux autres. Il aura fallu 18 ans avant que son diagnostic tombe : il est phobique social.

J’aime à dire que je ne vis jamais seul. Quelqu’un me suit en permanence à la trace et me barre la route à chaque fois que je me décide à entreprendre certaines choses. Le nom de ce « quelqu’un », je le connais depuis peu : l’anxiété. Dans mon cas, elle est surtout sociale : j’ai une peur irraisonnée des personnes qui m’entourent. L’anxiété est une pathologie. Ce n’est pas un simple stress. J’ai l’impression que peu le savent, et moi, à l’origine, je ne l’avais pas non plus compris. 

Être phobique social, ça va plus loin que la timidité. Par exemple, pour moi les sorties avec des potes ne sont pas forcément des moments de bonheur. C’est parfois même de vrais instants de torture. Imaginer rencontrer de nouvelles personnes, c’est aux antipodes de tout ce que je souhaite dans ma journée. Je suis donc souvent enfermé chez moi. Parce que là, je sais que je suis dans l’impossibilité de rencontrer quelqu’un. Comme si l’extérieur était une partie de « chat géant » et que ma chambre était la fameuse maison magique.

Je me souviens de ces vacances familiales dans un camping espagnol. À peine arrivés, mon frère, mon cousin et mes parents se mirent en direction de la piscine. Sous 40 degrés c’est assez normal. Mais moi, il était hors de question que je sorte du mobil-home. J’étais effrayé. À l’idée que quelqu’un me parle, que je doive me faire ces fameux amis de vacances, et aussi qu’il faille aller à la piscine, devant tant de monde, en short de bain. J’ai donc passé les quinze jours sans sortir, sauf si c’était à l’extérieur du camping… 

Sortir, douter et s’excuser

La peur des autres, ça se voit…  Pendant mon enfance et mon adolescence, certains se sont servis de ça pour m’utiliser, d’autres pour défouler leur besoin de se moquer. Et moi j’étais là, à m’excuser d’être moi, à presque les remercier pour l’insulte que je venais de recevoir. 

Plus tard, ayant réussi à avoir des amis, je ne voulais pas les perdre. La raison de plusieurs crises de paranoïa. Tu te demande constamment si les gens t’aiment vraiment… S’ils te répondent qu’ils t’aiment bien, alors c’est qu’ils ne sont pas honnêtes. Il faut donc rester aux aguets, déceler les moindres petits rictus, ou hochements d’épaules qui pourraient montrer que cette personne se moque de toi derrière ton dos.

La phobie sociale devient alors une auto-évaluation constante. Chaque soir est le bon moment pour me remémorer tous les instants de ma journée. Toutes les choses gênantes que j’ai pu faire ou dire. Il faut ensuite s’excuser. Mais, bien souvent, la personne qui reçoit le message de vingt-cinq lignes d’excuses n’avait absolument pas mal pris ce signe de la main que tu lui as fait à 10 h 45 et 26 secondes. Les gens te voient alors « péter un câble » et te comprennent de moins en moins. 

Quand on a 17 ans et autant d’années avec ce merdier dans le crâne arrive quelque chose de sympathique : la dépression. 

L’anxiété, ce n’est pas cool

Pourtant, sur les réseaux sociaux et en société, dire que l’on est anxieux c’est devenu banal. Voire même parfois on glamourise cet état, on le rend tendance. En témoignent ces t-shirts que l’on pouvait trouver chez Forever 21 où l’inscription « High Anxiety » était fièrement inscrite. Non, l’anxiété ce n’est pas « fun ». Non, on ne peut pas porter fièrement l’anxiété sur un t-shirt pour se rendre cool…

Tout ça ne fait qu’invisibiliser une souffrance et son impact. On a pu voir le harcèlement de la chanteuse Summer Walker qui avait dû arrêter une tournée à cause de son anxiété sociale. Les psychophobes de Twitter, qui ne s’intéressent absolument pas à ces maladies d’ordinaire, avaient trouvé pertinent de dire qu’elle mentait sur son état puisque celle-ci se dénude trop dans ses clips à leur goût…

Il était donc logique que, dans mon entourage, c’était comme si je faisais une montagne pour pas grand chose. Ce qui rend la chose beaucoup plus difficile à vivre. Je n’arrivais pas à comprendre ce qui clochait chez moi.

« Du simple stress »

Toute ma vie, j’ai connu les psychologues. Ceux qui te disent de te bouger les fesses si tu veux aller mieux, ceux qui s’endorment quand tu leur parles, ceux qui ne répondent que « hmm hmm » à la fin de chacune de tes phrases (le plus drôle c’est que c’est très difficile d’arrêter TA thérapie avec eux puisque, je le rappelle, tu as une peur bleue des autres, de leur réaction et de les blesser). Aucun de ces psys, je dis bien aucun, n’a été capable de dire à mes parents que ce que je vis n’est pas que « du simple stress ». Que ma relation aux autres est malsaine. 

Il a fallu attendre 18 ans, et des prescriptions d’homéopathie et d’acupuncture inutiles, un bac réussi de peu, une dépression et une année sabbatique, pour qu’enfin une psychiatre et un nouveau psychologue me parlent d’anxiété sociale. Qu’on m’explique que ce que je vis, c’est beaucoup trop pour un seul être humain. Que ça ne sera peut-être pas comme cela toute ma vie et qu’il fallait essayer les anxiolytiques… Depuis ce jour, tout a changé. 

Diagnostic et prise de conscience

Le diagnostic, c’est important. Il établit que tu n’es plus dans ce stress normal que chacun peut ressentir. Ça te permet de mieux te comprendre et d’avoir des techniques pour mieux t’en sortir. Aujourd’hui, je suis toujours suivi par ce psychologue. Chaque semaine, nous essayons de mieux comprendre mon trouble et parfois il me donne des exercices concrets, comme sortir une dizaine de minutes par jour à une heure précise quand je m’enferme trop chez moi. On essaie d’améliorer ma qualité de vie car je n’en serais peut-être jamais vraiment débarrassé. 

La prise de conscience de mon trouble anxieux – et cette thérapie – m’ont permis de créer un masque social : j’essaie d’être au plus près des autres et de ce à quoi je pense qu’ils ressemblent pour me fondre dans la masse. Grâce à cette carapace, je peux un peu plus parler aux autres en soirée, exprimer mes opinions parfois tranchées, téléphoner à un inconnu avec un peu plus de sérénité… Ma paranoïa est beaucoup moins présente qu’avant, puisque je me rend mieux compte que c’est dans ma tête. Souvent, mon entourage me dit que j’ai changé, que je m’affirme plus qu’auparavant. 

Mais l’anxiété est toujours là… La peur d’entrer dans les magasins et d’aller chez le coiffeur est encore bien présente. Je m’excuse aussi toujours trop et j’ai des humeurs changeantes. S’engager professionnellement ou scolairement est un calvaire et, dans mon cas, la dépression n’est jamais loin. Oui, ça fait encore beaucoup… Mais au moins aujourd’hui je connais mes démons, et je peux expliquer aux autres, quand j’en trouve la force, comme ici…

J’envisage aussi d’essayer d’autres thérapies comme l’hypnose ou les thérapies cognitivo-comportementales. En attendant, je peux (un peu) me pardonner quand mes réactions sont trop excessives, parce que je sais maintenant que tout ne vient pas que de moi, mais aussi et surtout de ce « quelqu’un » qui me suit en permanence.

Sofiane, 21 ans, étudiant, Saint-Maur-des-Fossés

Crédit photo Unsplash // CC Tophee Marquez

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3 réactions

  1. Je souffre de phobies sociales depuis de nombreuses années. J’ai tout essayé : relaxation individuelle, hypnose, AMDR etc…. J’y ai perdu mon travail en 1996 (reconnue handicapée niveau 2) et deux de mes enfants qui ne souhaitent plus me voir. J’ai la chance d’avoir un mari extraordinaire qui a accepté de déménager hors la ville. J’ai une maison et un grand jardin. Je me suis construite une grande bulle de protection. Je ne vois pratiquement personne. Ce qui m’aide à tenir est le sport. Je cours, je cours et cours. Pour moi c’est la seule façon à contrer tous ses maux qui ne me quittent jamais. Il n’y a pas de bruit dans ma bulle, j’ai refais moi-même 800 m2 de jardin et je dois attendre toutes ces fleurs multicolorent qui vont y mettre de la couleur et du parfum. Mon testament est prêt. Je n’ai pas peur de partir, au contraire des gens qui m’aiment m’y attendent. Mais j’ai ma dernière fille qui a encore besoin de moi. Alors je reste et je cours. Cordialement.

  2. Ouh la la je me reconnais exactement dans votre description ! Cette peur des autres globalement, puis une fois que jai reussi a tisser un lien , la peur de ne pas arriver à
    le maintenir . Pour resumé et à 98 % quand je suis avec qqn d’autre je ne suis JAMAIS détendue. Meme avec des amis des bonnes relations jai peur de faire une gaffe et que la relation prenne une mauvaise tournure et s’arrête.
    Je suis en thérapie aussi depuis qques années ca me fait du bien et j’avance mais le fond d’anxiété est toujours là.
    Bien à vous

  3. Bonjour, je me présente je suis Gérald ADLER.
    Je travaille dans une unité de dépressions résistantes et je fais de la thérapie comportementale et cognitive au quotidien.
    Au vu de ton témoignage, je ne peux QUE te conseiller d’entamer une TCC !
    Je ne peux que comprendre ton calvaire au quotidien et les efforts constants que tu dois déployer pour réussir des tâches que la plupart font sans se poser 3 MILLIARDS DE QUESTIONS, commet tu l’as dit plus haut.
    La TCC n’est pas une thérapie agréable mais après, on se sent en général beaucoup plus apaisé !
    Paris est fourni de thérapeutes excellents dans ce domaine !
    L’hôpital St Anne est très bien fourni en thérapeute de cette orientation et notamment la CMME (Clinique des Maladies Mentales et de l’Encéphale) qui ont un pôle entier de consultation TCC.
    Bon courage à toi !
    Et bonne continuation 😉

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