Marion Al. 10/05/2016

J’ai 19 ans et mes amis ont pris un coup de vieux

tags :

Ah le blues du passé, le c'était mieux avant ! On peut se dire ça à 19 ans, voir ses amis mollirent ou simplement changer. Marion a simplement peur de l'avenir.

« Ah ! Quand j’avais 19 ans… »

J’ai toujours évolué avec des gens plus âgés que moi d’environ deux ou trois ans, du fait de mon parcours scolaire. Selon les périodes de ma courte existence la différence se remarquait plus ou moins. C’est à l’entrée au lycée qu’elle a été la plus frappante. Mais à mon grand désarroi j’ai l’impression qu’aujourd’hui elle reprend de l’importance. Il ne s’agit pas d’une différence de maturité, d’expériences ou d’intérêts mais plutôt d’une divergence quant à ma vision de la vie, mon regard sur le monde.

Un coup de vieux à 21 ans !

Depuis quelques mois déjà, mes amis les plus proches ont commencé à me dire que si je suis idéaliste. C’est parce que je suis encore jeune et qu’en grandissant je deviendrai plus réaliste. J’accepterai qu’une utopie en est une, qu’on ne peut changer le monde… Certains vont  même jusqu’à me dire que je me rendrai compte qu’il ne sert à rien de se battre.

Plus récemment, mes amis, pourtant des plus fêtards, ont commencé à se sentir fatigués. Ils me disent qu’ils ne peuvent plus enchaîner plusieurs soirées à la suite quand ils me voient rentrer ivre à 7 heures du matin. Parfois ils ont juste envie de rester tranquillement chez eux quand ils me voient incapable de rester en place. Certains même, plus rares, se sont « installés dans la vie ».

Aujourd’hui, j’ai 19 ans et je vois ce « coup de vieux » s’abattre sur la grande majorité de mes proches qui étaient pourtant des bêtes de soirées révolutionnaires. Ils me disent que ça se passe à 21 ans. Cela me terrifie.

Je ne veux pas devenir ce « réaliste fatigué »

D’un  côté, je ne peux rien avancer parce que je ne suis pas même encore entrée dans la vingtaine. D’un autre, j’ai l’intuition que tout cela n’est qu’une supercherie de plus, une construction sociale en quelque sorte. Pour la génération de nos parents, le modèle de la réussite et de l’accomplissement était celui d’un jeune couple de cadres qui s’installe rapidement et devient propriétaire tôt afin de pouvoir progresser dans sa carrière. Ils devaient commencer à travailler rapidement, sans quoi ils risquaient d’être considérés comme des « Tanguy ». Dans la plupart des cas, il était financièrement difficile de s’essayer à plusieurs cursus et de repousser l’échéance du passage du statut d’« étudiant » à celui d’« adulte ».

Aujourd’hui, j’ai l’impression que nous avons beaucoup plus de possibilités mais que cela nous perd et nous désespère. Il est plus facile de changer de filière, de prendre une année sabbatique, de faire une année de service civique… Je crois cependant que nous ne savons pas encore nous emparer de ces opportunités. Après avoir fait deux premières années de fac, obtenu une licence, pris une année pour voyager, nous sommes « rattrapés par la réalité ». Autrement dit, nous ne savons pas comment tirer profit de ces expériences souvent considérées comme des errances de jeunesse. Nous ne savons pas comment les exploiter pour que ce que nous en avons aimé fasse partie de notre quotidien. Tout à coup nous sommes face à toute une vie à remplir.

Alors c’est bien plus facile de reproduire ce que l’on connaît déjà : à un moment il faut bien travailler. On se prend une claque, on se met un coup de pied au cul et ça nous calme une bonne fois pour toutes. Et c’est comme ça que les trentenaires ne cessent de nous répéter « ah, ce sont tes meilleures années, profite bien. Tout ça, tu le fais plus après… »

Quand on me dit qu’il est tard, je reprends un verre

Forcément, ma naïveté et moi, on a envie de répondre que la jeunesse c’est dans la tête. On a envie de secouer ce trentenaire et de lui dire « mais qu’est-ce que t’attends si t’es si nostalgique ? » Je veux croire qu’à mon idéalisme et moi, ça ne nous arrivera pas. J’en ai tellement peur de ce moment que je fais tout pour l’éviter.

Quand on me demande ce que je veux faire après mon master, je réponds « un autre master ».  Quand on me dit qu’il est tard, je reprends un verre. Quand on me demande comment je fais pour faire tous ces voyages, je réponds que j’ai vidé toutes mes économies. Quand on me demande pourquoi j’ai l’air si fatigué, je réponds que j’ai peur de perdre un bout de vie à croquer en dormant. Quand on me demande pourquoi je retourne vers cette fille qui me fait tant de mal, je réponds que ces hauts et ces bas donnent du mouvement à ma vie. Quand j’ai eu trop peur de me faire « rattraper par la réalité » moi aussi, j’ai demandé à partir en Erasmus à l’autre bout du monde.

Mes réactions sont peut-être radicales, parce qu’elles sont le fruit d’une peur, parce que moi non plus je ne sais pas quoi faire face à cette vie entière à remplir. En tout cas elles ne sont pas inconscientes. Je suis persuadée qu’il existe une alternative à la désillusion du réaliste fatigué. J’ai rencontré un homme de 36 ans qui m’a dit qu’il était heureux lorsque le vent caresse son visage. J’ai rencontré un homme de 29 ans qui a continué de danser avec moi jusqu’à 8 heures du matin. J’ai rencontré une femme de 68 ans qui faisait le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle à vélo. J’ai rencontré une femme de 47 ans qui a décidé de tout quitter pour déménager en Chine. Et tant d’autres…

 

Je suis persuadée que chacun a cette énergie en lui. Celle d’y croire encore. De rester optimiste. De ne pas se laisser abattre par la vie, mais plutôt de monter en scelle et essayer passionnément de faire avancer le cheval fougueux. Quoi qu’il en soit, je nous le souhaite, je nous souhaite de la trouver.

Et peut-être que dans cinq ans, en relisant ce texte, je me dirai « ah ! Quand j’avais 19 ans… » Dans ce cas-là, moi du futur, ce sera une claque, un coup de pied au cul et, surtout, ne te laisse pas avoir par tous les guillemets présents dans ce texte !

 

Marion A., 19 ans, étudiante en philosophie, Lyon 

Crédit photo Marion A. 

Partager

3 réactions

  1. “Et bah écoute je sais pas pour toi mais pour moi ce sera
    La tête haute, les couilles sur la table, le poing en l’air, fais-moi confiance avant de finir six pieds sous terre
    J’aurai vécu tout ce qu’il y a à vivre et j’aurai fait tout ce que je peux faire
    Tenté tout ce qu’il y à tenter et surtout on m’aura aimé.”

  2. Salut!

    J’aime bien ta façon de penser. Peut – être que tu peux trouver ta voie… une activité à travers laquelle tu te sente vivante et libre…
    Bonne route, te perds pas en chemin 😉

  3. Salut,

    J’ai beaucoup apprécié ce billet 🙂

Voir tous les commentaires

Commenter