Mélissa A. 16/03/2016

Ces médicaments, c’est ma prison

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Mélissa retrace avec peine l'histoire des maladies mentales, et son histoire à elle, noyée dans les médocs qui n'ont pas eu que des effets positifs !

Pendant très longtemps, la maladie mentale a été considérée comme une « manifestation divine », une sorte de cadeau de Dieu, qu’on essayait de guérir avec des saignées, des exorcismes ou avec le bûcher de temps en temps, pour ceux dont la maladie était la plus visible et la plus dérangeante : les « hallucinés » ou les « hystériques ».

Des neuroleptiques pour nous assommer

Puis il y a eu l’emprisonnement. La considération que l’on avait pour ces personnes était telle qu’on les voyait comme l’égal des meurtriers alors qu’ils ne faisaient que souffrir de ce qui les rendait différents des autres. Et enfin, « l’asile », institution fondamentale qui permet la mise en sécurité des individus « normaux », en les mettant à l’abri des fous (ou des fous à l’abri de ces individus, libre à chacun d’interpréter comme il le souhaite).

Aujourd’hui, alors que la pratique forte de l’enfermement liée à l’asile est de plus en plus ardemment contestée et que les politiques de la santé essaient, du moins en apparence, de les limiter, on a vu l’apparition de certains médicaments sur le marché, et particulièrement des neuroleptiques.

Que permettent les neuroleptiques ? Et bien tout simplement de ne pas déranger le reste de notre paisible société, en assommant, littéralement, les personnes qui en consomme.

Déconnectée de la société

La vérité, c’est qu’aujourd’hui, les médicaments que nous proposent les psychiatres, à nous, personnes avec des troubles psychiques, nous pourrissent la vie. Alors oui, les crises sont moins fréquentes, mais à quel prix ? Passer 17 heures à dormir au lieu de 7 heures comme n’importe quelle personne m’a permis à moi, progressivement, de me déconnecter davantage encore de la société. Je ne pouvais plus rien faire, je me réveillais, pour me coucher peu de temps après. Je n’ai pas vu le matin pendant des mois. Je ne pouvais plus aller en cours, je m’y endormais.

Tout autour de moi, le quotidien était rapide, vivant, et moi, je dormais, littéralement, tout le temps. Certain(e)s de mes ami(e)s rencontré(e)s en clinique ont pris du poids, beaucoup de poids. Ils ont perdu la personne qu’ils aimaient, car le traitement avait progressivement bouffé toute leur relation, s’immisçant au plus profond de leur intimité, même dans leur sexualité. Certaines personnes ont des sortes de « black out » qui les empêchent d’être conscients de leurs actes pendant de longs instants. Le lendemain matin : pas de souvenirs. Mes capacités visuelles aussi se sont dégradées, progressivement, et je ne sais même pas si cela est réversible. Certains médicaments peuvent provoquer de graves lésions neurologiques sur la durée. Pourtant, les effets indésirables liés à ces médicaments que je cite ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

Le prix à payer ?

Alors on nous dit (nos proches, médecins) que c’est provisoire, que la sensation de « somnolence » va partir, comme les autres symptômes, ou que c’est le « prix à payer ». Mais après deux ans de traitement, même si je vois de légères améliorations, je me demande ce que « provisoire » signifie réellement. Les psychiatres n’attendent plus réellement de trouver un diagnostique pour prescrire des médicaments adaptés et imposent des anxiolytiques, antidépresseurs, neuroleptiques en masse, et surtout en excès, à des patients qui, peut-être, auraient besoin d’autres traitements, moins forts. Le but n’est plus de soigner, mais de ne pas déranger la société. La vérité, c’est que ces médicaments, alors qu’ils sont censés nous aider à nous réinsérer dans la société, à retrouver une vie professionnelle, relationnelle, amoureuse, familiale, nous en éloigne encore plus. La vérité, c’est que ces médicaments sont notre prison.

Alors en quoi avons nous évolué depuis tout ce temps ?

 

Mélissa, 23 ans, étudiante en histoire et philosophie, Montpellier

Crédit photo Audrey Botilde

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