ZEP 07/04/2014

Comment le divorce de mes parents m’a fait souffrir, et grandir

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Pendant sept ans j'ai été comme coupée de mon père, parti vivre avec une autre femme que ma mère. Il a fallu du temps pour que l'on réapprenne à aimer passer des moments ensemble.

« Ton père ne m’aime plus. » Cette phrase résonne dans ma tête depuis dix ans. Je déjeunais tranquillement avant de partir à l’école lorsque ma mère a lâché cette bombe. Parce que j’avais demandé pourquoi elle et mon père se disputaient souvent depuis quelques temps. J’avais 11 ans. Quelques semaines plus tard, mon père nous annonçait à ma sœur et moi-même le divorce avec maman pour rejoindre une autre femme. J’étais perdue.

Comment maman et papa pouvaient-ils se séparer ? Pourquoi cela arrivait à ce moment-là ? Pourquoi eux ? Quelques mois plus tard, le divorce fut prononcé. Un déchirement que de voir mon père quitter le domicile familial en laissant derrière lui une femme désespérée et des enfants abandonnés. Je pris la place de mon père au sein de la famille : j’aidais ma mère à régler ses problèmes financiers, à subir ses pleurs et je protégeais ma petite sœur, si petite que je me suis mise à vouloir lui épargner toutes ces épreuves.

C’est mon père, j’en ai qu’un

Une fois mon père parti, on rencontra sa maîtresse. Une vraie saloperie. Elle ne nous aimait pas et nous le faisait savoir en nous enfonçant et en obnubilant mon père si bien qu’il ne voyait plus qu’elle dans sa vie. Elle et ses filles. Je voyais mon père ne plus s’intéresser à nous et les week-ends, lorsqu’on le voyait, c’était un cauchemar. Il ne me regardait plus, ne s’amusait plus avec moi, ne me parlait plus. Je subissais une indifférence inouïe. Lorsque je rentrais chez ma mère, j’étais invivable, exprimant tant bien que mal ma colère et mon chagrin de voir mon père absent. Plusieurs fois je tentais de lui parler, en vain. Il ne comprenait rien et me reprochait d’être jalouse de la complicité qu’il avait avec cette femme et ses filles.

Lorsque j’en parlais autour de moi, beaucoup m’ont demandé pourquoi j’allais encore chez lui un week-end sur deux. Je leur répondis à tous la même chose : « C’est mon père, j’en ai qu’un et malgré ce qu’il me fait vivre, je l’aime. » Je souffrais atrocement de cette situation, je me retrouvais dans la peau d’une adulte chez moi, et dans la peau d’un enfant abandonné et incompris lorsque je le voyais. J’en venais à croire que mon père me m’aimait pas et qu’il ne m’avait jamais aimé. Je lui en voulais et il est devenu ma faiblesse permanente. Ce calvaire a duré sept ans, jusqu’au jour où il m’annonça qu’il quittait cette femme. Allez savoir pourquoi, j’aurais dû sauter de joie mais non, j’ai pleuré de tristesse pour lui.

Ma faiblesse, ma détermination…

Deux semaines après le divorce, il m’appela pour m’annoncer qu’il avait rencontré quelqu’un d’autre. Tout de suite, je fus inquiète : allais-je revivre une fois de plus ce calvaire ? À mon grand soulagement, la nouvelle compagne était plus douce, à l’écoute et très amoureuse de mon père. Ma sœur et moi-même avons accepté tout de suite qu’elle entre dans nos vies.

« « Ta mère et moi sommes divorcés. » Divorcés ? Qu’est-ce que cela pouvait vouloir dire… ? Après cela, je ne l’ai plus revu pendant des années. » : Aminata comprend aujourd’hui le divorce de ses parents. Mais il aurait été plus facile à vivre à l’époque si on lui en avait mieux parlé.

Aujourd’hui, cela fait trois ans qu’il est avec cette femme, et cela fait trois ans que l’on réapprend à se connaître mon père et moi. On a raté sept ans de nos vies respectives, je savais qu’il fallait du temps pour se reconstruire ensemble. Je lui ai pardonné le mal qu’il m’a fait mais je n’ai jamais oublié à la différence de ma sœur qui a préféré tirer un trait sur cette période sombre. Je pense que je lui en voudrais toujours quelque part au fond de moi. Mon père est un homme complexe mais je ne le changerais pour rien au monde. Il représente ma faiblesse mais a forgé la détermination qui m’anime de jour en jour.

Je n’ai jamais abandonné l’idée que ça puisse aller mieux un jour entre lui et moi, quitte à vivre cette souffrance tous les jours. Et peut-être que cela me fait vivre parce qu’il paraît que l’espoir fait vivre. Je sais aussi que beaucoup de personnes vivent cette souffrance, et je voulais juste dire à ceux là : gardez espoir, un jour, vous vous en sortirez et vous retrouverez votre famille quelle qu’elle soit.

 

A., 21 ans, étudiante, Poitiers

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1 réaction

  1. Très bel article très représentatif de la situation de beaucoup d’adolescents actuellement …

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