Cassandre 29/02/2016

Des cicatrices comme des tatouages

tags :

La scarification revêtirait une dimension addictive, comme une drogue. Cassandre en garde des cicatrices qui lui rappellent une adolescence difficile.

On a tous des cicatrices. Que ce soit un accident de jeunesse, des boutons qu’on a trop grattés et qui ont laissé une trace, un obstacle que l’on n’a pas su contourner. Et puis il y a celles que l’on a choisies. Qu’on s’est infligées.

Une douleur pour en remplacer une autre

Pas forcément pour disparaître de la surface de la Terre, effacer sa présence, juste comme un moyen d’anesthésier la douleur morale et mentale par la douleur physique. Une façon de se sentir vivant en oubliant les problèmes du quotidien. Mais ces plaies-là, elles mettent du temps à guérir, elles ne disparaissent jamais vraiment, même si  les autres ne les voient pas, les yeux de ceux qui les ont tracées savent les reconnaître. Et savent reconnaître ceux qui l’ont fait aussi.

On se sent moins seul, l’espace de quelques instants, de savoir qu’on n’est pas la seule personne à avoir trouvé ce mode d’échappatoire à la peine. Cela rapproche, on partage ses peines avec une autre personne, le temps d’un regard.

Un peu comme une drogue

Cette période peut durer longtemps. S’imposer des marques, attendre qu’elles cicatrisent, recommencer, inlassablement. Parce que tout n’est que temporaire. La douleur ne part que quelques heures, quelques jours dans le meilleur des cas. Ce n’est pas l’affaire de quelques semaines, cela dure des années, de souffrance, de peurs, de honte, de parties de cache-cache pour que personne ne remarque les rougeurs, les démangeaisons, le sang séché, la douleur dans les avant-bras à force de serrer les bandages.

C’est dur d’arrêter, c’est un peu comme une drogue, il faut y aller par étapes, retomber dedans parfois, après des années sans. Mais l’envie de recommencer ne s’en va jamais. A chaque coup dur, à chaque passage à vide, les idées reviennent, le besoin de s’abîmer se fait sentir.

Ecrire pour être honnête avec soi-même

Je me suis toujours dit que le principe des Alcooliques Anonymes, ce n’était … pas génial. Se réunir pour parler, se jeter la pierre, se congratuler quand on a tenu trois mois sans boire … Et puis, pourquoi toujours parler de tout ? Est-ce que c’est vraiment le remède ? Les mots peuvent mentir, c’est pour ça qu’ils font si mal. Ecrire pour soi, être honnête avec soi-même, c’est le plus important. Etre au clair avec qui l’on est, ce que l’on veut.

Cela doit faire… deux ans que je n’ai pas touché une lame. Pourtant, parfois, ce n’est pas l’envie qui me manque. De rouvrir d’anciennes plaies, souffrir pour rebondir. Je me dis que c’est inutile, mes amis les voient parfois, me posent la question de pourquoi je fais cela, qui m’a fait cela quand ils ne comprennent pas tout de suite ce que sont ces cicatrices.

Les explications prendraient une vie

C’est ma vie d’enfant protégée, mais malheureuse. Ce sont toutes les blessures intimes que j’ai pu recevoir, le sort qui souvent s’acharne, l’adolescence vécue comme un calvaire dans un monde qui ne me correspondait pas, une vie d’adulte ou je me sens toujours à la marge, même entourée par les amis les meilleurs qui soient. C’est l’amour qui arrive, toujours seul et repart, en claquant la porte et faisant valser tout ce qui se trouve dans mon cœur. Ces cicatrices, c’est comme des tatouages : une partie de ma vie, un journal intime que les gens peuvent voir, mais ne peuvent pas comprendre. Parce que les explications prendraient une vie, parce que c’est trop noir d’évoquer ce qui m’a fait déraper un jour, parce que, des années plus tard, je suis toujours incapable d’en parler, même de l’écrire.

 

Cassandre, 24 ans, étudiante, Marseille

Crédit photo Flickr / Tobias Tschurtschenthaler 

Partager

2 réactions

  1. <3

  2. Magnifique texte !

Voir tous les commentaires

Commenter