Sali T. 25/01/2020

En France, je vis dans la nostalgie de mon pays

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Depuis qu'elle est en France, Sali ne pense qu'à son pays : la Géorgie. Elle fait tout pour garder un lien avec sa culture, qui fait partie de son identité.

Je viens de Géorgie, de Tbilissi, j’y ai vécu 15 ans. Je suis venue en France car ma mère travaille à Paris : on a dû partir parce qu’elle gagne plus d’argent ici. J’étais triste de venir en France. Mais habiter dans la Géorgie, c’est pas facile ; avec le travail, tu gagnes pas beaucoup d’argent. Il y a beaucoup de personnes qui n’ont rien, pas de maisons. Je veux rentrer en Géorgie, mais c’est pas possible.

Le déménagement, le recommencement de la vie : apprendre la langue française, trouver des amis… Tout est différent en France. Il est très difficile de s’habituer à tout recommencer et à vivre ici, car mon pays me manque beaucoup. J’y ai beaucoup de souvenirs, j’y pense tout le temps. Il me manque de marcher avec mes amis, je connaissais tous les endroits, et j’étais surtout à la maison.

J’ai des amis ici, mais pas comme en Géorgie. Parce qu’ici, ils pensent pas comme moi, ils parlent pas comme moi. Quand une personne n’a pas grandi comme toi, dans ton pays, et ne ressemble pas aux enfants avec lesquels tu as passé toute ta vie, c’est un peu difficile. C’est pas les mêmes centres d’intérêts, avec des Français et d’autres nationalités. Ils regardent des séries que je ne connais pas par exemple. Ou ils parlent de quelque chose qui se passe dans leur pays, et moi je ne sais pas de quoi ils parlent. Et puis c’est difficile d’avoir une discussion en français ou en anglais. Je connais pas beaucoup, juste « Bonjour, ça va ? ». Juste ça.

Je ne veux pas perdre les traditions de mon pays

Heureusement, à l’école, il y a Luka, il est géorgien. On parle beaucoup de choses qui ne sont pas à Paris : les films, les places… Il vient aussi de Tbilissi. Qu’il soit à l’école, ça me motive à y aller. Je le vois aussi en dehors de l’école. J’ai surtout des amis géorgiens à Paris, et je préfère avoir des amis géorgiens, parce qu’ils sont de la même nationalité et je sais comment ils sont. Mais j’aimerais bien avoir des amis français parce qu’il y a pas beaucoup de Géorgiens.

« Bagages » est un documentaire qui donne la parole à des jeunes récemment immigrés à Montréal. Grâce à leurs cours de théâtre, ils mettent en scène leur rapport à leur pays natal et à leur(s) identité(s). Bouleversant !

Ici, je vais à la danse géorgienne. Je prends des cours. C’est les samedis et dimanches, toutes les semaines. Il y a beaucoup de jeunes qui habitent depuis beaucoup de temps ici, et ils parlent pas toujours géorgien. Je m’y suis fais des amis. C’est important pour moi d’y aller, car c’est de la nostalgie. J’en faisais déjà en Géorgie mais maintenant, je fais plus de danse qu’avant. Je veux plus apprendre la danse géorgienne. Parce que ça fait partie de mon identité.

Ce n’était pas très important pour moi avant. Je ne pensais pas à mon identité. Ici, j’y pense, je ne sais pas pourquoi. C’est important pour moi de refléter le pays d’où je viens. Je veux simplement plus apprendre de mon pays et apprendre ce que je ne savais pas, parce que je ne veux pas en perdre les traditions. Il y a des choses que je mangeais, mais je ne sais pas les cuisiner, donc je peux pas les manger autant qu’avant. Comme les khatchapouris, khinkalis… Ma mère en cuisine, mais j’aimerais apprendre à les cuisiner moi.

Je pense que où que je sois, je serai toujours qui je suis, mais c’est un peu difficile : lorsque ta culture n’est pas près de chez toi, tu commences un peu à l’oublier. J’aime bien lire des livres géorgiens par exemple, mais ici c’est pas possible, il y a pas de livres géorgiens. Je regarde des films juste : des films français, mais en géorgien. Et je m’intéresse plus aux news.

Mes amis me font sentir que je n’ai plus ma place en Géorgie

Mes amis et ma famille me manquent. Quand je regarde comment s’amusent mes amis… moi aussi je veux être avec eux et je regrette d’être venu à Paris. J’ai gardé contact avec mes amis grâce aux réseaux sociaux, mais après avoir quitté mon pays, j’en ai perdu beaucoup. Beaucoup m’ont oubliée et me font sentir que je n’ai plus ma place en Géorgie. Par exemple cet été, j’étais en Géorgie. Avant, mes amis m’avaient écrit : « Viens, je t’attends », mais quand j’y étais, rien, je ne les ai pas vus. Avant, ils m’envoyaient beaucoup de messages, ils m’appelaient, et maintenant c’est juste « hello », ou « je suis occupé ».

L’intégration de Rena en France a été longue et douloureuse. Depuis Kinshasa, elle était loin d’imaginer les réalités du pays : difficultés administratives, impossibilité de trouver un logement… Mais aujourd’hui, elle a trouvé sa place.

Sur fond noir, une jeune femme regarde en l'air en souriant.

Malgré tout, je suis contente d’être ici, d’arriver ici avec une nouvelle vie. Tout va bien d’une part : quand je pense à une vie meilleure financièrement et moralement, je préfère être ici. Je pense que j’aurai bientôt plus et de meilleurs amis que dans mon pays. Mais quand je pense aux souvenirs qui restent de ma vie, dans ce cas, je choisis la Géorgie.

Sali, 16 ans, lycéenne, Paris

Crédit photo Unsplash // CC George Gvasalia

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