Meryem M. 12/02/2015

L’agression…

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Après une agression, les séquelles psychologiques hantent longtemps les victimes. C'est mon cas. La peur et la colère sont toujours là.

Ce jour-là, j’aurais du rentrer chez moi directement en descendant du bus, mais après une journée éprouvante, j’avais besoin d’une douceur et la boulangerie n’est qu’à trois pas de chez moi. J’ai d’abord hésité sur le chemin à prendre : passer par le tunnel comme je l’ai fait tant de fois ou faire un grand détour. Un jeune homme marchait derrière moi. Je l’ai laissé passer, il me paraissait suspect. Après une brève hésitation, pensant qu’il était parti et que j’étais sans doute paranoïaque, je me suis dit que le tunnel n’avait rien de dangereux, j’ai donc décidé de l’emprunter.

Il ne lui a fallu que quelques secondes pour apparaître devant moi. Dans ce genre de situation, on ne réalise pas très vite ce qui arrive, le cerveau se décompose, on pense faire un cauchemar, on cherche une issue, le réveil. A l’instant où il a dit : « Passe-moi ton portable ! » La peur m’a envahi, ainsi que la haine. Il me demandait quelque chose qui était à moi avec un tel naturel, une telle aisance ; un détachement inhumain.

J’ai tout de suite pensé à fuir, à le gifler, mais j’ai remarqué qu’un couteau menaçait mon ventre. Alors, j’ai voulu l’en dissuader, le raisonner, mais j’ai vu dans son regard, ce regard qui me hante depuis, un regard noir, sans vie, criminel, qu’il n’éprouvait aucun regret.

Il ne s’est pas servi du couteau, il a arraché mon sac et a couru. J’ai couru après lui en criant à l’aide, dans l’espoir que quelqu’un l’arrête. Les gens le fixaient sans bouger le moindre pouce. Ils le regardaient comme on regarde un spectacle, juste pour satisfaire leur curiosité, leur besoin de commérage.

Et maintenant la peur de tout…

Et puis vint l’épreuve du commissariat. Je me sentais complètement hors de moi, incapable de contrôler mes émotions et mes sanglots au moment de relater les faits, de parler de lui. Il n’avait aucun signe distinctif : doudoune à capuche noire, survêtement bleu… Il savait se noyer dans la masse. Il n’était présent sur aucune des photographies qu’on me présentait.

Je ne sais pas ce qui me dévaste, répugne, révolte, le plus dans cette histoire…. Est-ce d’avoir été incapable de me protéger de lui ? Ma réaction ? D’être passée par ce chemin-là ? Que les gens regardent faire sans agir ? Ou bien sa lâcheté à lui ? De savoir que des choses aussi crapuleuses (et pires) se passent encore et toujours dans ce monde ? Ou de savoir qu’il reste libre, sans remords, et qu’il pourra recommencer ?…

J’espère qu’un jour, il se fera arrêter, qu’il ne restera pas impuni. J’espère qu’un jour, justice sera rendue.

En attendant, depuis, je suis une loque. Sortir seule me terrorise. À la vue d’une capuche, je sursaute. Je me sens dans l’insécurité et l’injustice les plus complètes, je n’ose pas reprendre ma vie en main. Je me dis : à quoi bon ? Je pourrais le croiser, lui ou un autre, à un coin de rue, et il me fera subir quelque chose de terrible. J’ai peur d’être suivie, je me sens humiliée.

De mes proches, je n’ai reçu aucun soutien juste des reproches qui m’ont fait me sentir encore plus coupable. J’espère pouvoir reprendre le dessus, tout recommencer, avoir de nouveau foi en l’humanité.

 

Meryem, étudiante, 20 ans, Essonne

Crédit photo Flickr CC European Parliament

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1 réaction

  1. Je te souhaite bon courage pour la suite.
    Peut être qu’au fond cet homme ne te voulait aucun mal. J’espère juste que tu iras mieux et que ce drame te passera. Peut être quand tu déménageras. En tout cas bonne chance.

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