Thomas L. 11/02/2014

Maman m’a appelé, encore…

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Difficile de couper le cordon ombilical, j'en sais quelque chose ! Quand les étudiants se sentent prêts à partir du domicile familial, les parents eux ne le sont pas toujours... 

Je m’appelle Thomas, j’ai dix-huit ans. J’ai quitté ma Normandie pour partir étudier à Lille il y a quatre mois. Je n’attendais que ça, depuis mon entrée en terminale: avoir mon bac, et quitter la maison pour découvrir autre chose. Autre chose que tout ce que je connaissais chez moi, tout ce que j’avais l’habitude de faire, de voir, d’entendre. Je suis donc arrivé à Lille, dans le Ch’nord. J’ai quitté mon camembert pour me rapprocher du maroille, j’ai quitté le cidre pour me familiariser avec la bière, j’ai quitté la Teurgoule pour découvrir le Potcheuvlèche, que je ne sais toujours pas orthographier correctement. Et j’ai surtout quitté ma famille et mes potes. Et s’il y a bien une personne après moi – ou plutôt avant moi – qui a eu du mal à s’y faire, c’est bien ma mère ! Si bien que le premier a en souffrir, c’est mon portable.

J’ai même dû en changer, tant mon BlackBerry chéri s’est essoufflé. Aujourd’hui, j’ai un Xperia Z, et pour sa santé à lui aussi, je me fais du soucis. Pour t’expliquer tout ça clairement, je vais te raconter ma semaine type.

La semaine type de mon Xperia, plutôt. Commençons par le dimanche, jour où je quitte ma Normandie après avoir passé un week-end familial après deux semaines dans le Nord. En général, je monte dans le train à 18h46. Le train s’en va à 18h48 après deux minutes d’arrêt, et c’est à ce moment que je dois envoyer mon premier SMS qui confirme que oui, Maman, je suis bien dans le train, je suis bien parti, et je vais bien ne t’en fais pas.

21h02, heure d’arrivée prévue sur le ticket, je ne suis toujours pas à Lille. Maman m’envoie donc son premier SMS: « Alors ? Bien arrivé ? – Non, tjrs ds train, rtard de 10 min jarrive à Lille bientôt – Ok à tte mon loulou. » Oui, Maman m’appelle mon loulou. 21h12 – ou 21h13, c’est selon – le train arrive dans la gare, je descends, lutte avec ma valise à roulette (trop large pour l’allée intérieure du train), mon sac isotherme rempli de bouffe prévue par Maman (la valise en est déjà pleine, il faut bien mettre le trop-plein dans un sac isotherme), et mon sac à dos dans lequel étouffe sans doute mon poisson combattant dans son Tuperware (je t’entends, toi, défenseur des animaux – qui écrase néanmoins chaque araignée qui passe près de toi parce que tu sais que si tu ne la tues pas, elle te tueras – mais ne t’inquiète pas, mon poisson combattant que j’ai nommé Jean-Jean se contente d’un Tuperware pour le voyage, et puis de toute façon il n’a pas le choix). Bref, j’arrive à la gare à 21h12, retiens juste ça.

C’est là que j’envoie un nouveau SMS, pour le peu que Maman ne m’ait pas encore appelé, affolée, parce qu’elle n’a toujours pas eu de nouvelles. Mais ça ne s’arrête pas là. Car il reste encore de la route: je monte dans le métro. J’en ai pour dix minutes à tout casser. Mais je dis à Maman que j’en ai pour quinze. Comme ça, pas besoin de lui renvoyer un SMS une fois sorti du métro.

Mon dernier SMS, je lui envoie donc depuis mon clic-clac, une fois rentré. Et là, je sens le soulagement dans sa réponse: « Super, bonne soirée et bonne nuit mon loulou. – Merci toi aussi bise à tt le monde » Voilà pour dimanche.

Lundi, première journée de la semaine, un petit coup de fil à midi pour savoir si tout se passe bien, sait-on jamais, depuis la veille au soir, il a pu se passer quelque chose de grave. Lorsque je raccroche, je sais que j’entre dans une phase sans turbulences, une phase calme, sans coup de fil au moins jusqu’au surlendemain. Mercredi, nouveau coup de fil. Je raconte en détails à Maman tout ce que j’ai pu faire depuis lundi midi, je la sens attentive. Elle aussi me raconte tout ce qu’elle a pu faire depuis lundi midi, ainsi que tout ce qu’ont pu faire ma soeur, mon père, mes grands-parents, ses collègues, ses amis, et peut-être aussi mes chiens. Pour ma part, je suis beaucoup moins attentif.

Vendredi, même chose, pour reparler des mêmes choses. Coup de fil de routine, quoi. Mais une différence est à noter par rapport au coup de fil du mercredi : maman commence à me prévenir que je dois acheter mon ticket de train pour la semaine d’après, chose que je ferai de toute manière la semaine d’après.

Samedi: « Tu as une soirée ce soir ? Fais attention à toi en rentrant, si y’a un problème tu nous appelles. » Notez bien cette phrase, elle est importante : s’il y a un problème, je dois les appeler. Car oui, mes parents peuvent surgir à n’importe quel moment en cas de problème, même si la façon la plus rapide de se rendre à Lille en partant de Normandie est la voiture (deux heures quinze pour les plus rapides).

Le dimanche, puisque je ne suis pas rentré chez moi durant le week-end, j’échappe logiquement au SMS du train. Mais pas au coup de fil dominical, celui qui a lieu pendant le film du soir et auquel, donc, je ne participe qu’à moitié.

Avec un peu de chance, le coup de fil suivant ne survient que le mercredi, et là les choses deviennent complexes: « Tu as un train à 17h02 demain, oublie pas de ramener tes draps et tes fringues sales. Coupe le compteur électrique si tu n’as rien dans le frigo, pour pas gaspiller le courant.

Tu as un bus qui te ramènera à côté de la maison à 19h36, par contre tu devras attendre 15min car tu arrives à la gare à 19h10. Ca va aller ? – Oui t’inquiète bisou à demain »

Le jeudi soir, me voilà de retour à la maison, jusqu’à dimanche. Dimanche, vous savez ce qu’il se passe. J’en ai pour cinq ans. Ca va aller.

 

Thomas, 18 ans, étudiant, entre Lille et la Normandie

Crédit Gratisography

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2 réactions

  1. Je ne comprends pas trop le principe d’éviter sa mère au téléphone… Personnellement, ma famille est extrêmement importante pour moi, j’appelle mon père tout les midis (car ma mère travaille en journée) et je rappelle tout les soirs histoires de lui donner des nouvelles.
    Je suis sa fille et je comprends tout à fait qu’elle soit inquiète de me savoir loin de la maison, dans une résidence étudiante remplis de personnes pas toutes amicales. Et puis j’aime savoir que mon père va bien, que sa journée n’a pas été trop fatigante, que ma mère n’a eu aucuns soucis au travail et qu’elle n’est pas trop épuisée et que ma chienne et bien sortie et qu’elle a bien mangé.
    Après nous sommes peut être une famille exceptionnelle, je ne sais pas, mais nous nous serrons les coudes, après tout ce sont les seuls à qui je peux réellement faire confiance dans ce monde d’hypocrites.

  2. Je connais un peu le problème de la mère poule…
    mais j’ai vite trouvé la solution: j’ai instauré le principe des « signes de vie », c’est-à-dire que je préviens une fois pendant la semaine par téléphone que tout va bien (3 minutes pas plus). Et pour le reste j’écris des courriels. Comme ça j’économise du temps d’appel et des sms pour les amis et je montre à ma mère que je ne la coupe pas trop de ma vie.
    De plus, comme je connais l’emploi du temps de ma mère je fais exprès d’appeler quand elle n’est pas là pour parler avec mon père et échapper à une trop longue conversation.
    Cela a aussi l’avantage d’avoir plus de matière de conversation les weekend quand je rentre!
    Courage, il faut montrer de la compréhension pour les petites mamans poules

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