Louise K. 01/07/2020

Métisse, mon identité est encore en chantier

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Je me suis crue noire, blanche et même arabe, mais vous savez quoi ? Je suis une métisse afro-européenne et j'ai mis du temps à l'accepter.

J’en ai marre d’être métisse. Nan littéralement. Mon métissage n’a jamais été aussi dur à porter ; comme si à l’intérieur de moi tous mes ancêtres étaient en train de se disputer. Mon père et ma mère sont eux-mêmes déjà métisses. Ils sont respectivement franco-ivoirien et franco-algérienne ; en sachant que du côté de ma mère, il y a sûrement des origines égyptiennes et d’Europe de l’Est… Bref, un gros bazar : je suis le produit type du métissage.

Petite, je ne m’étais jamais posée la question de savoir si j’étais blanche ou noire. J’ai grandi dans le 78 avec un entourage assez cosmopolite de par ma famille, mon école et le quartier où je résidais. Mais nous avons déménagé dans une petit village en Bretagne et je crois que c’est à ce moment précis que mon problème identitaire a commencé.

Autour de moi tout était « devenu blanc »

Autour de moi, tout était « devenu blanc » et le milieu cosmopolite que j’avais côtoyé n’existait plus. C’est comme si j’étais passé d’un univers parallèle à un autre. Enfant, on ressent les choses sans savoir les expliquer. Et vers mes 7 ans, après une réflexion de ma maîtresse (non intentionnellement méchante), j’ai réalisé que j’étais noire.

Nous parlions de l’Afrique en classe, de ses habitants et des multiples différences. Notamment de la couleur de peau. Je ne me rappelle plus exactement comment cela c’est passé mais un des élèves a dit que j’avais la couleur du « caca » (excusez-moi pour ce mot haha) et la maîtresse n’a rien dit… Ce fut un choc pour moi. J’avais conscience que mes cheveux étaient différents mais quand j’ai réalisé que j’étais noire, j’en ai été surprise !

En décembre 2014, Arte sortait le podcast 100 % Métis dans lequel quatre métisses partagent leurs expériences de quête identitaire. Un documentaire qui résonne toujours aujourd’hui.

Mes parents n’avaient jamais fait allusion à notre couleur de peau à la maison, même si j’avais remarqué que ma sœur était plus claire que mon frère. Moi, je ne me rendais pas compte de l’image que je renvoyais aux gens. Je n’en ai pas parlé à ma famille, je l’ai gardé pour moi.

Je crois que je ne me rendais pas compte de l’impact que ces mots ont eu sur moi. Je m’étais dit qu’il avait raison. C’est comme ça que le complexe de mes cheveux a commencé et que j’ai voulu devenir blanche. Les années sont passées et, étant dans des établissements privés en primaire et au collège, j’étais « la Black ». Car évidemment, les personnes autour de moi, plus claires que moi, me considéraient comme noire. Par conséquent, dans ma tête j’étais juste noire. À l’époque, je ne me rendais pas compte que certaines remarques pouvaient être racistes.

« Tu ne peux pas comprendre, t’es pas noire »

En vérité, en me considérant juste comme noire, je reniais tout mon côté maghrébin et tout mon côté français. C’est en arrivant au lycée que j’ai eu la chance d’aller dans un établissement public avec des élèves « venant de tous horizons » (mdrr). Ça a été une chance. D’abord, dans une classe avec pas mal d’arabes, j’ai revendiqué mon côté algérien pour prouver que j’étais des leurs. Mais étant chrétienne (car oui, la religion joue beaucoup aussi), je ne me sentais pas à ma place. M’étant faite des copines noires au cours de l’année, j’ai réalisé que finalement je n’étais pas noire non plus, mais bel et bien métisse. Autre choc.

Moi qui était à fond contre les discriminations envers les Noirs, me considérant presque comme une Black Panther, j’ai réalisé qu’une partie de ma famille avait contribué à l’esclavagisme et que je portais les gènes de ces personnes en moi. Je ne me considérais pas légitime de parler pendant les débats et j’avais honte. Honte de m’être considérée comme femme noire durant des années alors que je n’ai pas un quart de leur vision des choses. « Tu ne peux pas comprendre, t’es pas noire », c’est une réalité dure à accepter, mais ma réalité.

Je suis une Afro-européenne et ça s’arrête là…

Avoir l’impression d’être toujours différente, d’être « trop » ou « pas assez » est pesant. Aujourd’hui, je ne me considère plus comme noire, arabe ou blanche. J’ai pris le terme des Américains : je suis une Afro-européenne et ça s’arrête là… du moins jusqu’à ma prochaine crise identitaire. Beaucoup de gens me trouvent bizarre à cause de ce que je pense du multiculturalisme. Même si je n’aime pas l’expression « je ne rentre pas dans une case », je préfère dire que je ne suis dans aucune « norme ».

Mon frère a le même ressenti que moi mais lui a arrêté de se poser ce genre de questions il y a bien longtemps. Il faut vivre avec. J’essaie de cultiver cette identité même si j’ai l’impression que personne ne peut me comprendre. Car chaque métisse est différent.

Delix est elle aussi métisse et avant elle n’assumait pas ses cheveux crépus. Un enjeu esthétique mais aussi identitaire.

J’ai même remarqué que la personnalité d’un métisse pouvait varier selon si c’est son père ou sa mère qui est coloré. C’est étrange mais je m’entends plus avec les filles comme moi qui ont un père noir et une mère « blanche » que l’inverse. J’aurais tellement aimé être juste 100 % ci et pas 40 % ci, 35 % ci et 25 % ça. Être rejetée ou ne jamais me sentir à ma place.

Toute ma vie, on m’a fait comprendre que j’étais différente, « dans mon monde ». Et quand j’entends des gens dire que leur but est d’être différent, croyez-moi, être vraiment différente te fait te sentir extrêmement seule.

 

Louise, 17 ans, lycéenne, Brest

Credit photo Unsplash // CC Analise Benevides

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5 réactions

  1. c’est dingue de lire ce genre de texte, toute ma vie et encore aujourd’hui je cherche sur quoi m’appuyer trouver des référence dans mon fort intérieur en vain, j’ai été jusqu’à inventer un état métisse avec un drapeau et tout mdr
    ma conversion a l’islam ma beaucoup aider a trouver des repères sans prendre les autres comme béquille, ces problème identitaire mon amener une pathologie psy pour lequel je suis traiter qui est un peu handicapent mais qui ne m’empêche pas de vivre et ma différence perturbe on arrive pas a me mettre dans une case a me cerné, ma famille a éclaté mon père lui même métisse ce cherche encore, pour me définir je suis quelqu’un de déterminer avec des hauts et des bas a la recherche de quelqu un comme lui

    çà va être dur haha

  2. Métisse mais pas martyre disait Diams, je n’en suis pas convaincu . J’ai entendu des blancs dirent que le chocolat au lait, c’est indigeste. J’ai tendance à croire que l’assimilation est impossible. Je suis métisse, mère et père blanc, et oui jackpot. Je ne connaissais rien des communautés noirs jusqu’au collèges ou je me suis fait des amis de toutes origines. Je ne savais même pas ce que j’étais moi même avant le lycée (arrivé en IDF plus cosmopolite) . Je suis complètement blanche en dedans et complètement rejeté par la communauté blanche qui se méfie toujours de moi (c’est incroyable) . C’est très perturbant. Toute ma famille est blanche, mais sans eux à côté de moi pour montrer « pâte blanche », je suis noire pour le monde entiers ou arabes … . On me renvoi toujours à mes origines : Que je ne connais pas du tout (autant lire et apprendre un livre par cœur sur les Antilles mais je ne me sentirais pas plus antillaise) . Du coup à 16 ans, j’ai tenté d’apprendre la culture des antillais et des africains. Les antillais ne me ressemble que physiquement et les africains ne me supportent pas, ou peu, complexe d’infériorité (surtout les femmes). Solitude, voici le gros lot, la fatalité, qui accompagne les bébés métisses à la naissance. Prenons courage.

  3. ROSA PARKS BOB MARLEY NELSON MANDELA BERRY GORDY CHRISTIANE TAUBIRA ils ont les 5 la même couleur certains sont métis d’autres pas un peu plus clair ou un peu plus foncé , ce n’est pas le le plus important , Le plus important c’est ce que l’on fait de sa vie .

  4. Bonjour.
    Pour ma part, je suis français, je porte un prénom breton mais comme vous vous en doutez si je suis ici du haut de mes 16 ans c’est que je me questionne beaucoup sur mon être et ma personne. Ma mère est blanche et bien que son arrière grand père eût été Italien (il est venu en France depuis la Sicile à l’époque de Mussolini), ma famille maternelle s’est vraiment bien assimilée à la France. Le fait que de ce côté là je garde un lignage européen m’apaise l’esprit de bien des tourments ! Du côté de mon père c’est autre chose… Ma grand-mère vient de la Réunion et était fille de l’union d’une afro-afro-européenne (métisse fruit de l’union d’une métisse et d’un noir) ainsi que d’un blanc. Pour ce qui est de mon grand-père, lui, c’était un algérien pur souche. Quand mes grands-parents se sont rencontrés ils ont ajoutés un autre métissage à toute cette histoire de métissage qu’est ma généalogie ! De toute ma vie, je ne me suis jamais sentie afro-européen (physiquement je n’ai pas beaucoup hérité de la génétique des noirs de ma famille créole). Pour vous donner une idée de mon apparence: j’ai la peau « brune » ce qui fait ressortir mon métissage, le visage fin et le nez droit d’un blanc, ainsi qu’une chevelure non pas bouclée mais ondulée. Une sorte d’entre deux, un peu berbère et un peu blanc. Je n’aime pas ressembler à un algérien je dois l’avouer, ça me fait complexer… En revanche, contrairement au cas du témoignage précédent, on ne m’a jamais fais comprendre que j’étais d’une autre ethnie que les blancs de ma classe. Jamais personne ne m’a considéré de prime à bord comme un «arabe» (ou en tout cas, personne ne me l’a jamais dit). Ce n’est qu’une fois que j’ai affirmé être d’origine algérienne que les gens l’acceptent. C’est vraiment quelque chose qui me rend dubitatif ! Aujourd’hui, en grandissant, mes traits algériens ressortent de plus en plus… Je sent en moi un profond tourment et un grand malaise à ce sujet… Je ne me sent pas assez pur être un bon amazigh (et je n’ai pas envie d’en être un) ni assez pur pour être un bon blanc. Sans parler de ma partie afro qui rajoute à ma tourmente ! Plus tard, j’aimerai que mes enfants n’est pas ce problème et, même si ce type de raisonnement peu sembler bizarre, c’est pour ça que j’espère me marier avec une blanche et que mes enfants oublie ses histoires de lignages « bordélique ». Je leur dirais que nous sommes d’origine sicilienne, ce qui expliquera ma couleur de peau (car ils seront certainement presque aussi blanc que des blancs non métisse ceux qui me succéderont). Mais malgré cette idée, je sais qu’un jour ils découvriront leurs origines créole et algérienne… Moi tout ce que je veux c’est qu’ils se sentent parfaitement français et c’est ce que j’aimerai pour moi aussi. J’imagine que ma détresse transpire dans mon message alors si vous avez des conseils je suis preneur !

  5. Il est 2h16. J’ai 45 ans. J’ai mis métisse et souffrance comme mots clé dans Google. Je tombe sur ton texte. Il y a des jours où la douleur est plus présente que d’autres. Je me souviens de mes tourments quand j’avais ton âge. Aujourd’hui il se sont apaisés mais se réveillent parfois. Les métisses vivent avec la sensation de manque. Mais avec une richesse en plus… .

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