Touramakan 13/07/2019

Mes amis veillent sur moi depuis la Côte d’Ivoire

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Depuis qu'il vit en France, c'est à travers WhatsApp que Touramakan garde le contact avec ses amis et qu'il s'occupe de sa famille.

À Gagnoa, en Côte d’Ivoire, j’ai des amis que je pourrai jamais oublier. Je les porte dans mon coeur, on partage tout ensemble : les moments difficiles et les moments géniaux. Mes amis sont mes frères que ma maman n’a pas donnés. J’ai un frère et une soeur, mais je les aime différemment. Comme je voudrais les voir ici en Europe avec moi ! Ils me manquent beaucoup. Si je pouvais retourner en arrière, je ferais le voyage avec eux pour que l’on reste toujours ensemble. Je pense à eux tous les jours, même si j’ai de nouveaux amis ici. Ils sont irremplaçables dans mon coeur.

Chacun a son caractère. Abou est le plus calme d’entre nous. Ibrahime D., lui, il aime trop se moquer. Ibrahime C., c’est lui qui répare nos objets gâtés, il est trop fort, et Cheick Oumar, il est rigolo. Quand il est là, on s’ennuie jamais. Dramane, c’est lui qui aime trop les femmes. Et moi, je suis le porte-parole.

En France, un vrai décalage

Depuis que je suis arrivé en France, je sens un vrai décalage. Ici, il y a des choses que je n’arrive pas à faire, comme jouer le maracana et faire le thé avec mes amis. Même les nourritures ne sont pas pareilles. Je peux même pas aller manger l’attieké avec eux. J’aime pas trop la vie en Europe, mais je suis obligé de rester pour chercher de l’argent pour une vie meilleure.

Au-delà des définitions, Lamarana, Mujeebullah et Youssouf retracent leurs parcours respectifs, la difficile traversée des frontières pour arriver jusqu’en France.

Mes amis ont créé un groupe WhatsApp pour que je ne sois pas seul, pour me motiver dans ma nouvelle vie et me donner les nouvelles de mes parents. Surtout de mon papa qui ne peut pas parler au téléphone. Ce sont eux qui m’aident à communiquer avec lui. Quand on parle dans le groupe WhatsApp, mes amis me racontent leurs situations. Ils m’envoient des vidéos, des photos et parfois se moquent de moi en me disant que je peux plus sortir, alors qu’eux sont dehors. On se parle tous les jours et je leur raconte tout.

Quand mes amis racontent ce qu’ils font ensemble en Côte d’Ivoire, je suis content pour eux. Ils sont heureux, je vois la joie dans leurs coeurs et ça me rend plus fort et je me sens bien aussi. Quand je leur donne de mes nouvelles, souvent ils sont inquiets : quand je leur dis qu’ici, c’est un peu compliqué, que je vais devoir aller voir le juge et faire le test des os. À part ça, quand j’envoie mes vidéos dans le groupe, ils sont très contents pour moi. Ils font des FaceTime avec moi quand ils boivent le thé et me disent qu’ils veulent porter mon maillot dans tout le quartier, car j’ai envie d’être footballeur. Parfois même, ils m’envoient des photos de mon lit.

Mineur isolé mais pas tout seul, grâce à eux

Quand j’ai quitté mon lit, j’ai donné les clés à Ibrahime C. pour qu’il y dorme. Même mes papiers, c’est lui qui me les envoie. Il a tous mes dossiers, c’est lui qui fait les démarches, je lui fais confiance à 100 %. Extrait de naissance, pièces de nationalité de mes parents… Le juge m’a demandé ça pour que je sois reconnu comme mineur isolé. Quand je suis arrivé en France, je n’avais pas de papiers sur moi. Ibrahime est parti chez mes parents pour les prendre en photo.

Mes parents n’ont pas de téléphone, mon père a des problèmes aux oreilles et c’est difficile pour lui de parler. Il peut pas tout comprendre. Pour marcher aussi c’est difficile. Ibrahime amène mes parents à l’hôpital. Avant, c’est moi qui le faisais, mais comme je suis plus là, c’est lui qui le fait. On a grandi ensemble, c’est mon ami et mes parents ont confiance. C’est le premier ami que j’ai eu. Les autres, ils sont venus après. Ils me disent : « J’ai vu ton père, il va bien. J’ai vu tes soeurs, elles vont bien. Elles te saluent. »

Sans mes amis, ça serait dur pour moi. Ce sont eux qui me donnent les nouvelles, ce sont eux qui me disent en cas de problème. Grâce à notre groupe WhatsApp, je me sens toujours proche d’eux. Notre relation est toujours la même. C’est juste que je suis loin d’eux. Je reverrai mes amis si Dieu me donne longue vie et la réussite dans mon rêve ici en Europe afin d’avoir beaucoup d’argent pour retourner en Côte d’Ivoire un jour.

Touramakan, 16 ans, en formation, Paris

Crédit photo Unsplash // CC Oluwakemi Solaja

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